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Le budget de l’agence de défense augmentera-t-il ? Les Britanniques disent “No”

Alors que la discussion sur le budget général européen 2011 semble continuer mais que les esprits sont plus optimistes - un accord pourrait se dégager dans les jours qui viennent - le débat se poursuit à l'Agence européenne de défense sur le budget propre de l'institution (NB : le budget de l'Agence ne dépend pas du budget général). Poursuivant son option "zéro", le Royaume-uni a annoncé, officiellement, son intention de  mettre son veto à toute augmentation du budget de l'agence. Le projet de budget pariait sur une augmentation de 3,9 %. Chiffre qui peut paraître important mais à mettre au regard du budget de l'Agence, est plutôt faible, de 31 millions d'euros. Soit environ 1,2 millions d'euros. Encore trop pour le Royaume-uni...

No c'est no...

Le ministre britannique de la Défense a donc écrit à la Baroness Ashton, chef de la diplomatie européenne mais également présidente de l'Agence européenne de la Défense, une lettre qu'a pu se procurer le Sunday Telegraph. Le propos est clairement exprimé. Le Royaume-uni a engagé une révision drastique de son budget militaire, il n'est pas question de dépenser ailleurs davantage. « It will be impossible to justify... a 3.9% increase in the EDA budget, costing the UK taxpayer nearly £200,000 when we are having to cut capabilities and reduce service personnel at home. (...) As you know, we have recently announced spending plans which will see the UK's defence budget reduced by around 7.5%, and we are not the only nation facing such a challenging position.... we would want, at best, zero growth for the agency's total budget for 2011. »

Décryptage : une position plus idéologique que budgétaire

Il faut bien garder à l'esprit que le chiffre brut d'augmentation (1,2 millions d'euros) de l'Agence paraît plutôt ridicule, pour 26 Etats membres (*) : 1,2 million d'euros. Ce qui représente au bas mot, environ 200.000 euros pour les plus gros contributeurs (Allemagne, France, Royaume-uni). Au moment où tout le monde n'a qu'un seul mot en tête - partage des compétences, des moyens, mise en commun (ce que l'on résume par "pooling and sharing"), cette augmentation parait plus que justifiée.

La position britannique n'est pas nouvelle. Depuis plusieurs années, le Royaume-uni fait tout ce qu'il peut pour étouffer "l'agence", lui donnant au compte-gouttes les rares moyens qui lui sont indispensables. Chaque année, la discussion budgétaire est épique et aboutit généralement à 1 contre tous. Quant à l'adoption d'un budget triannuel, elle a toujours été contrecarrée par le Royaume-uni essentiellement. En période de restriction budgétaire, et de coup de hache dans les budgets nationaux de défense (2), cette position traditionnelle britannique est encore plus facile à soutenir.

Il faut ajouter à cette position un élément conjoncturel. Les Britanniques ont accepté de mettre un peu d'eau dans leur vin, au sommet de Lisbonne, sur le budget européen 2011 (le budget général). L'accord négocié à trois (Cameron, Merkel, Sarkozy) permet d'accepter une certaine souplesse budgétaire sous la marge d'augmentation générale du budget de 2,9 %. Il est nécessaire pour le Premier ministre britannique et son ministre de la Défense, d'apparaître intransigeant sur le budget. D'où cette fuite d'une lettre, savamment organisée, sur plusieurs journaux britanniques.

Prendre en otage le budget de l'Agence européenne de défense est tout bénéfice politique pour le gouvernement britannique. On ne facilite pas la tâche de la Diplomate en chef britannique, Cathy Ashton qui n'est, de toute façon, pas du même bord politique. Au passage, on lui rappelle qui est le vrai patron de l'Agence (les ministres de la Défense). Et le risque est quasiment nul. Puisque, avec les "accords de Londres" (3), l'essentiel des coopérations industrielles européennes se dérouleront au niveau bilatéral et non au niveau multilatéral (une vieille revendication britannique également).

(*) Le Danemark ne participe pas à l'Agence européenne de défense. La Norvège (pays non membre) participe à certains projets mais ne contribue pas au budget général.

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Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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