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Le mandat d’Atalanta mis en conformité avec la pratique judiciaire

La décision de renouveler la mission européenne anti-pirates Atalanta est déjà acquise (1). Et l'extension de sa zone d'action est déjà en vigueur (2). La nouvelle période qui s'ouvre devrait s'accompagner d'une modification supplémentaire : une légère extension, ou plutôt rectification de son mandat, notamment pour lui permettre de mieux travailler en matière de police et de justice. Décision actée par les ministres des 27 au conseil des ministres de l'Economie et des Finances, le 7 décembre. On peut remarquer que, dans la plupart des cas, les forces d'Eunavfor ont, en effet, déjà étendu leur mandat. Il s'agit d'une mise en conformité. plutôt que d'un nouveau mandat en soi.

Mandat étendu à la recherche des pirates ayant l'intention de commettre un acte

Ainsi dans le mandat d'Atalanta, il est désormais précisé que les forces européenne peuvent "en vue de l'exercice éventuel de poursuites judiciaires par les États compétents (...) appréhender, retenir et transférer les personnes suspectées d'avoir l'intention (au sens des articles 101 et 103 de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer), de commettre, commettant ou ayant commis des actes de piraterie ou des vols à main armée dans les zones où elle est présente et saisir les navires des pirates oudes voleurs à main armée ou les navires capturés à la suite d'un acte de piraterie ou de vols à main armée et qui sont aux mains de pirates ainsi que les biens se trouvant à leur bord;". Ce qui est ainsi nouveau est la possibilité d'arrêter de simples suspects ayant l'intention de commettre ainsi que d'agit en flagrant délit. Jusqu'ici elle n'avait un mandat qu'a posteriori pouvoir arrêté ... "les personnes ayant commis ou suspectées d'avoir commis".

Une modification identique est faite à l'article 12 pour permettre le transfert des personnes qui ont l'intention de commettre un acte.

Mandat étendu à la recherche des pirates ayant l'intention de commettre un acte

Le mandat d'Atlanta comprend deux nouveaux points :

• La collecte des données biométriques : la « collecte, conformément au droit applicable, des données concernant les (suspects) ayant trait à des caractéristiques susceptibles de faciliter leur identification, notamment les empreintes digitales » (une mise en conformité plus que nécessaire pour les procédures judiciaires, une traduction en justice ayant pu intervenir grâce à ces prises d'empreinte (3)).
• La transmission des données personnelles à Interpol : « aux fins de leur diffusion par l'intermédiaire des canaux de l'Organisation internationale de police criminelle (INTERPOL) et de leur vérification par rapport aux bases de données de celle-ci, (les forces d'Atransmet au Bureau central national d'INTERPOL situé dans l'État membre où est basé l'état-major de l'opération, selon les arrangements à conclure entre le commandant de l'opération et le chef du Bureau central national d'INTERPOL, les données suivantes:
- des données à caractère personnel concernant les personnes visées au point e) ayant trait à des caractéristiques susceptibles de faciliter leur identification, notamment les empreintes digitales, ainsi que les renseignements suivants, à l'exclusion d'autres données à caractère personnel: les nom, nom de jeune fille, prénoms et tout pseudonyme ou nom d'emprunt; la date et le lieu de naissance ainsi que la nationalité; le sexe, le lieu de résidence, la profession et le lieu où se trouve la personne concernée; les permis de conduire, les pièces d'identité et les données concernant le passeport. Atalanta ne conserve pas ces données à caractère personnel après qu'elles ont été transmises à INTERPOL;
- des données relatives aux équipements utilisés par les personnes concernées
. »

Communication d'information à la CTF 151 et aux autres forces maritimes dans la zone
Jusqu'ici le HR n'était autorisé à communiquer des documents classifiés, ou non, qu'aux « Nations unies et aux autres tierces parties associés à l'action commune ». Désormais elle pourra communiquer également « des informations et documents classifiés de l'UE établis aux fins de l'opération de l'UE au niveau RESTREINT UE »

- aux Forces maritimes combinées dirigées par les États-Unis, par l'intermédiaire de leur quartier général, (NB : CTF 151 voire CTF 150)

- ainsi qu'à des États tiers qui ne participent pas à ces forces et à des organisations internationales, présents dans la zone de l'opération,

sous quatre conditions : « 1) sur la base de la réciprocité, 2) lorsque cette communication au niveau du théâtre des opérations est nécessaire pour des raisons opérationnelles, 3) conformément au règlement de sécurité du Conseil et 4) sous réserve des arrangements conclus entre le HR et les autorités compétentes des tierces parties susvisées. »

Cette disposition permet de passer par dessus des problèmes posés par le conflit turco-chypriote qui pèsent sur la coopération entre l'UE et l'OTAN. La Turquie participe en effet à la CTF 151. Et la mention des organisations internationales présentes dans la zone pourrait concerner l'OTAN.

Lire également :

(1) Les 27 vont décider de prolonger et d’étendre l’opération Atalanta

(2) L’opération Atalanta autorisée à étendre sa zone d’action. Le droit rejoint la réalité

(3) Premier transfert d’un pirate pour jugement en Belgique

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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