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Un navire de l’AMISOM attaqué par les pirates. Un cargo en bouclier

Le Mv Izumi sert désormais de plate-forme d'attaque pour les pirates somaliens. Plus sûr que les petits baleiniers

Décidément ! Les pirates s'adaptent vite. Ils semblent avoir changé de tactique par rapport aux précédentes "saisons". Et on pourrait même dire qu'un nouveau cran a été franchi dans la "guérilla" qui les oppose aux navires marchands et aux navires de guerre dans l'Océan indien. Ils utilisent désormais de gros cargos ou pétroliers capturés comme plateforme d'attaque. Et non plus seulement de "petits" bateaux-mères type baleiniers ou dhows "empruntés" à des pêcheurs yémenites, iraniens, somaliens ou égyptiens. Cela avait le cas pour la capture du MV Polar. L'aventure s'est répétée samedi dernier (1), sans succès cette fois.

Dans la nuit du 5 au 6 novembre, au large des cotes somaliennes, les pirates n'ont, en effet, pas hésité à utiliser le MV Izumi, un cargo japonais battant pavillon panaméen, capturé le 10 octobre (2), pour partir à l'attaque d'un autre navire marchand, le MV Petra 1, qui croisait dans l'Océan indien. Or le MV Petra 1 transportait du fret pour l'AMISOM (la force de maintien de la paix de l'Union africaine en Somalie) et donc dûment escorté (1). En l'occurrence, par la frégate espagnole, Infanta Cristina, qui fait partie de la force européenne anti-piraterie EUNAVFOR Atalanta.

Au vu de l'attaque, la frégate a accéléré sa vitesse et manœuvré pour se placer entre les attaquants et le Petra 1, précise-t-on coté européen. Plusieurs coups de feux ont été échangés. Des tirs de sommation tout d'abord. Les pirates n'ont - semble-t-il - alors pas répugné à utiliser leur arme favorite : le lance-roquette. Les Espagnols ont répliqué par des des « tirs directs », avec « la force minimale afin de ne pas mettre en danger les otages » assure-t-on au QG d'Atalanta. Les pirates ont fui. Le navire de l'Amisom a pu, ensuite, continuer sa route vers sa destination (Mogadiscio disent les Européens, Mombasa disent les Espagnols !), sans encombre. Aucun blessé n'est à déplorer coté européen. On ne sait pas encore, en revanche, s'il y a des pertes coté somalien.

C'est la première fois qu'un navire de l'AMISOM est ainsi attaqué alors qu'il est sous escorte. Et, même s'il n'est pas avéré que les pirates avaient vent du nom de l'affreteur du Petra 1 (j'ai un doute), on sent bien qu'un nouveau stade est franchi. Il est en effet plus difficile pour les forces multinationales de lutter contre un gros cargo, aux mains des pirates. Le risque de dégâts est important tant humain (la vie des otages), matériels (explosion ou incendie du navire par un tir direct) ou environnementaux. Les pirates peuvent se sentir plus invincibles et limiter la riposte. En même temps, manoeuvrer de tels navires suppose de réelles connaissances de navigations si on n'obtient pas d'aide de l'équipage capturé (aide donnée par la force ou... "conviction"). Et il expose les captures auparavant bien à l'abri dans les ports somaliens. Ce pourrait être ainsi une sorte de jeu, dangereux, de quitte ou double !

(1) Lire : Un tanker capturé à l’est de Socotra

(2) Lire : Le MV Izumi capturé par les pirates

(3) Depuis trois ans, les navires de l'AMISOM ou du PAM sont systématiquement accompagnés par un navire de guerre.

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

2 réflexions sur “Un navire de l’AMISOM attaqué par les pirates. Un cargo en bouclier

  • Deux remarques :
    d’une part, les pirates semblent repartir de nouveau du sud de la Somalie,
    d’autre part, le risque purement nautique existe aussi d’un abordage : collision entre les pirates “manoeuvrant” un cargo et leur cible, voire le navire de guerre en protection.

  • Peut-on imaginer que c’est une sorte d’action «de dernier ressort» de groupes qui sous la pression se lance dans des actions de plus en plus folles parce que justement la pression est trop importante pour eux…

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