La place de l’Europe de la Défense, pour Sarkozy, c’est… dans l’OTAN ?
(A Lisbonne) Lors de sa conférence de presse finale au sommet de l'OTAN, Nicolas Sarkozy, le président français a voulu s'expliquer sur la réintégration de la France dans les commandements de l'OTAN. Un succès estime-t-il. « 600 officiers français » ont déjà intégré les différentes structures de l'OTAN. Et la France a obtenu deux commandements « le général Abrial et Patrick Auroy ». Et il rejette toute critique voyant, au contraire, une grande « cohérence » entre la réintégration de la France dans l'OTAN, une meilleure coordination des efforts entre Britanniques et Français, et le « renforcement de la place de l'Europe dans l’OTAN ».
L'Europe de la défense : "Bon courage" M. Juppé
"N'est-ce pas abandonner l'idée d'une défense autonome dans l'Union européenne ?". Cette question, je l'ai donc posée au président. Et la réponse vaut son déroulé. On commence par une dénégation. « Je ne crois pas ». Puis Nicolas Sarkozy reconnait une différence d'appréciation entre Français et Britanniques sur la volonté européenne dans les accords de Londres. « Les Britanniques ont préféré mettre l’accent sur le bilatéral. Nous, notre esprit c'est le renforcement de l'Europe. » Et il estime que en mettant en commun leurs forces nucléaires, cet « accord sert l'Europe de la Défense » Admirez la pirouette !
Il ne nie cependant pas une réalité difficile. « La crise ne nous facilite pas la tâche. Elle fait peser sur nos budgets une pression énorme. La France investit 377 milliards d'euros dans nos capacités de défense dans les 10 années qui viennent (1). Ce qui n'est pas anecdotique. Les Britanniques font un peu plus. Si les Français et Britanniques signent un accord, c’est au service de l'Europe de la défense. Que serait cette Europe de la défense sans les Français et les Britanniques. » souligne-t-il.
En conclusion, il se tourne vers Alain Juppé : « Tout le travail du Ministre de la Défense sera de convaincre les autres de nous rejoindre. » Et d'ajouter : « Bon courage ! ».
Commentaire : un glissement sémantique très politique
Tout est dit ! On voit bien là le glissement sémantique du Président de la République.
Avec l'argumentation très politique, développée en 2008, consistant à dire que la réintégration de la France dans les commandements de l'OTAN permettrait de renforcer l'Europe de la Défense, on pouvait croire que c'était de l'Union européenne dont on parlait. Cette interprétation était d'autant plus présente que la présidence française de l'Union européenne développait l'idée de doter l'UE d'un (petit) QG militaire, lui permettant de mener des opérations autonomes, et de renforcer des capacités européennes (pooling et sharing étaient à l'ordre du jour).
On s'aperçoit aujourd'hui que c'était une erreur d'interprétation ou... un leurre (au choix). Pour le président français, ce qui doit être renforcé c'est le poids de l'Europe dans l'organisation de défense qu'est l'OTAN, autrement dit le pilier européen de l'Alliance atlantique. Ce n'est pas tout à fait la même chose que la PeSDC de l'Union européenne. On pourrait même dire que la différence est fondamentale. Et, effectivement on peut souhaiter "bon courage !" à Alain Juppé pour concilier sa réflexion personnelle et l'analyse du président
Car ce qu'a dit le président français est assez conforme à sa pensée profonde. Des réunions du "G5" quand il était ministre de l'Intérieur aux dernières discussions avec Angela Merkel à Deauville sur le traité, Nicolas Sarkozy a toujours estimé que les discussions bilatérales entre "grands" Etats membres devaient prédominer sur les grands sujets de discussion (sécurité, monnaie, défense...) dans l'Union européenne. Une vision "bilatérale" pas si éloignée des Britanniques en fin de compte...
(1) NB : Cette somme ne représente pas les crédits d'investissement mais le montant total des sommes de dépensées pour la défense. Le budget 2011 de la défense est de 31,1 milliards d'euros dont la moitié environ pour les crédits d'équipement (16 milliards) et 10o/o pour la recherche et développement (3,3 milliards)
Merci pour cette analyse, avec laquelle je suis toutefois en désaccord, entre autres pour les raisons soulignées par v.france en réponse au post “Les accords de Londres font une victime : l’Europe de la Défense”. Plus fondamentalement, l’urgence aujourd’hui, face à une crise budgétaire aiguë et durable, est de préserver ce qui peut l’être des capacités européennes au sens large. Peu importe à ce stade le cadre institutionnel. Mais je ne veux pas être long et répéter ce que j’ai dit ailleurs, sur le blog Ultima Ratio:
http://ultimaratio-blog.org/fr/archives/2311