Alain Juppé, Ministre, une bonne nouvelle pour l’Europe de la défense
Le maire de Bordeaux, le gaulliste Alain Juppé est le nouveau ministre français de la Défense, remplaçant le centriste Hervé Morin. Parmi tous les noms qui ont couru ces derniers temps, c'est certainement l'homme qui a le plus de convictions pour l'Europe, tout court, et l'Europe de la Défense en particulier. Son profil est d'autant particulièrement appréciable qu'il est numéro 2 du gouvernement (1er dans l'ordre protocolaire après le Premier ministre). Il aura notamment à gérer l'engagement en Afghanistan, la mise en application de l'accord de Londres sur la coopération franco-britannique en matière de Défense ainsi que le suivi de la réintégration dans l'OTAN. Mais il devra aussi gérer les crises... et promouvoir l'Europe de la Défense, qui en a bien besoin.
De fortes convictions européennes
A plusieurs reprises sur son blog, Alain Juppé s'est fait l'écho de ses convictions européennes. « L’Europe, c’est la chance de la France et des Français au XXIème siècle. Une fois encore, contre vents et marées, je veux faire cette profession de foi européenne. » (lire ici). Alain Juppé est, aussi, avec Jacques Toubon l'auteur, en 2000, d'un projet gaulliste et assez utopique de "Constitution pour l'Europe". Situé à mi-chemin entre des projets plus fédéralistes (notamment celui de Joshka Fischer à l'époque) ou souverainistes, il prévoit une refonte des institutions européennes avec fusion du Conseil des ministres et de la Commission pour donner lieu à un "vrai" gouvernement de l'Union, nommé pour trois ans, création d'une Chambre des Nations, composée des représentants des parlements nationaux, élection des députés européens dans des circonscriptions nationales, et établissement d'un "partenariat renforcé" entre l'adhésion et l'accord d'association pour certains pays proches.
Et un enthousiasme pour l'Europe de la Défense
Coté défense, Alain Juppé défend des avancées dans ce domaine et parait sinon sceptique du moins dubitatif sur la réintégration de la France dans l'OTAN, comme il l'écrit dans Le Monde en février 2009, craignant notamment que l'administration américaine ne soit pas « prête à partager réellement les responsabilités militaires au sein de l’Alliance » ou mettant en doute le fait que les Européens ait « la même vision des intérêts européens au sein de l’Alliance » et la volonté d'avancer pour l'Europe de la défense (lire ici). Quelques mois plus tard, quand la décision a été entérinée, il fait une piqûre de rappel : « Lorsque la France a réintégré le commandement militaire de l’OTAN, le président Sarkozy avait clairement indiqué que cette décision s’accompagnerait du renforcement des capacités militaires propres de l’Europe. C’est sans aucun doute le moment. » écrivait-il en septembre 2009 (lire ici). A ce poste ministériel, on verra si Alain Juppé met en oeuvre cet enthousiasme qu'il a manifesté, dans les mots, depuis des années.
Un bémol cependant. Espérons qu'il n'en sera pas de même de la ferveur européenne d'Alain Juppé que de sa ferveur critique lors du conflit en ex-Yougoslavie. A l'époque, il avait fustigé l'attitude de François Mitterand et notamment ses vues du "passé" et sa sympathie pour les Serbes. Mais une fois aux commandes ministérielles, l'action n'avait pas automatiquement suivie. Après la chute de l’enclave de Srebrenica, en 1995 (il est alors Premier ministre), il soutient l'idée d'intervention aéroportée du chef d'état-major particulier de Jacques Chirac mais à une condition - que la France ne soit pas seule impliquée -. La solution était alors évidente... le refus britannique signifiera l'échec de cette option.
- Alain Juppé, en quelques mots. Un fidèle de Jacques Chirac. Né en août 1945, Alain Juppé fait un parcours classique du bon élève doué (Louis-le-Grand, Sciences politiques, ENA et inspection des finances) mais c'est surtout un gaulliste, proche de Jacques Chirac. Il commence ainsi sa carrière politique comme chargé de mission quand celui-ci est Premier ministre de Giscard en 1976, le suit à la mairie de Paris ensuite (avec un intermède au Parlement européen de 1984 à 1986), a été son porte-parole durant les élections présidentielles de 1988. Ministère des affaires étrangères de 1993 à 1995, il devient Premier ministre jusqu'en 1997 (date du Traité d'Amsterdam), puis se "réfugie" ensuite dans son fief de Bordeaux dont il sera maire sans discontinuer depuis 1995 (mis à part un intermède pour inéligibilité entre 2004 et 2006).
NB : j'ai reçu plusieurs commentaires sur cet article louant Alain Juppé ou critiquant un portrait jugé trop sympathique. Mon propos n'est pas de juger l'homme politique sur toute son action mais de la voir au prisme de l'Europe de la Défense. Chacun peut avoir son avis sur le reste de son action politique, économique, ou sociale. Mais tel n'est pas le propos, ici.