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Roms. La France perd la mise au sommet

Commencé dans la matinée, le sommet européen, réuni hier à Bruxelles, était promis à des échanges convenus sur l’Europe dans le monde. Mais lors du déjeuner, la situation a dérapé…

Les 27 convives ne sont pas sitôt assis autour de la table et le plat d’entrée - une noix de Saint-Jacques poêlée au speck - pas encore servi, que les hostilités commencent. Le président français attaque bille en tête, mettant en cause, encore une fois, la commissaire à la Justice, Viviane Reding, pour ses propos faisant le rapprochement entre l’expulsion des Roms et l’attitude de Vichy durant la Seconde guerre mondiale. Le président se veut grandiloquent : « La France a été blessée. (…) C’est un manque de respect. Ce n’est pas comme çà qu’on parle à un grand État ». Une diatribe plutôt longue et violente. « Le président semblait particulièrement énervé » précise un diplomate. Dans cette enceinte feutrée, le propos ne convainc guère. Au contraire…

Quand le plat principal - un filet de bœuf en croûte - arrive, l’issue de la bataille est claire. La France a beaucoup parlé, mais beaucoup perdu. Seul l’Italien Berlusconi, qui n’a pas une grande aura dans les cercles européens, ose venir à la rescousse de son collègue français. Tous les autres leaders européens font la leçon à la France. Tour à tour, ainsi, Merkel (Allemagne), Juncker (Luxembourg), Faymann (Autriche), Zapatero (Espagne)… se succèdent pour rappeler qu’il n’y pas de « petits pays et de grands pays » et … pour défendre le rôle de la Commission. Même le Premier Ministre britannique, David Cameron, se fend d’un vibrant « La Commission est gardienne des Traités, il faut la laisser travailler. » Thatcher a dû entendre ses oreilles siffler !

Ce n’est qu’à l’arrivée du minestrone de fruits frais que le président du Conseil, Van Rompuy, réussit à ramener un semblant de calme autour de la tablée, en proposant de rediscuter de la problématique des Roms à une « prochaine rencontre » et appelant à un « respect mutuel ».

De son côté, la Commission européenne semble bien décidée à aller jusqu’au bout. Et son président, José-Manuel Barroso l’a confirmé lors de la conférence de presse. Selon nos informations, elle pourrait ainsi lancer, le 30 septembre, une double procédure administrative. L’une est plutôt courante : la France, comme 15 autres Etats d’ailleurs, sont mis en demeure de transposer la directive de 2004 sur la libre circulation des personnes. La seconde est plus originale : la France est accusée de violation de la Charte des droits fondamentaux et sommée de s’expliquer. Une première, depuis l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, plutôt gênante pour le pays des droits de l’Homme…

Nicolas Gros-Verheyde.

(article paru dans Ouest-France, 17 septembre 2010)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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