L’amiral Païtard n’entend que d’une seule oreille… Il n’est pas le seul !
(BRUXELLES2) (A Marseille) Intervenant aux Universités d’été, le vice-amiral d'escadre Xavier Païtard, qui vient de prendre ses fonctions comme représentant militaire de la France à Bruxelles, auprès de l’UE et de l’OTAN (1), a tout de suite donné le ton. « Je suis avec un casque en stéréo. » a-t-il déclaré en guise de préambule. « Mais dans ce casque, il y a un côté qui est plus fort que l’autre. La voix de l’OTAN est forte, claire tandis que celle de l’UE n’arrive pas à se faire entendre ». « Je suis arrivé dans un monde de procédures assez incompréhensible » a-t-il ajouté.
L’amiral n’est pas — il est vrai —, réputé pour être un "unioniste" convaincu. Et comme certains militaires, il préfère la structure de l’OTAN, où il a ses repères, ses relais (voire ses possibilités d’évolution) et qui reste une organisation politico-militaire, tandis que l’Union européenne, organisation politico-civile, où la décision résulte de négociations à 27, apparaît un peu plus "compliquée" et "diffuse" au profane. Il n’empêche que ce point de vue est assez largement partagé par nombre des militaires et des industriels présents à cette université d'été. Le « brussels bashing » - ou taper à bras raccourcis sur l'Europe - a d'ailleurs été un sport favori de certains intervenants.
Des industriels très nationaux
Champion toutes catégories dans le style, Serge Dassault, remonté comme un coucou, s’est lancé dans une diatribe contre la coopération européenne — « coopérer, avec qui ? » — lui préférant des coopérations bilatérales, notamment avec les Britanniques (NB : On peut comprendre, ainsi, pourquoi Dassault n’arrive pas à vendre son Rafale avec ce genre de propos). Point de vue repris et étayé ensuite par le directeur général du groupe, Charles Eddelstenne, plaidant pour la défense des champions nationaux. Et relayé ensuite par Josselin de Rohan (président de la commission Défense du Sénat). « Malgré toutes les structures que nous avons mis en place, l’Europe de la défense n’a pas montré son efficacité. »
Développer la préférence européenne
Eric Trappier, directeur général international de Dassault et responsable des affaires européennes du Gifas (le groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales) a voulu cibler son discours sur : « la préférence européenne, un mot (qui) reste un gros mot au niveau européen comme au niveau français ». Reconnaissant que la directive "Biens de défense" a été demandée par les industriels et traduite dans le langage communautaire, il s'est élevé en revanche contre la directive achats (marchés publics), « faite par les politiques libéraux de la DG Markt pour brider l’article 296 (2), pour que l’Europe soit un marché ouvert vers les pays de l'OMC voire plus. Nous assistons à une arrivée de concurrents indiens, chinois. » Il a ensuite plaidé pour « développer des mécanismes de préférence et trouver des mécanismes juridiques qui permettent de traduire ce mot dans les faits. » « Nous sommes compétitifs — a-t-il ajouté — Mais il faut savoir si on veut protéger cette compétitivité, cette technologie » ou non...
Pourquoi Dassault ne gagne pas à l'export
Un peu isolé dans ce louange... de critiques, Dominique Maudet, d'Eurocopter, a tenté de remettre le curseur vers l'Europe : « avec le NH90, on n’aurait pas gagné si on avait été que Français. » a-t-il expliqué. « Si certains Européens investissent aujourd'hui sur le JSF, c’est qu’ils y trouvent un intérêt. On ne passe pas assez de temps avec les autres européens à voir quel est leur intérêt. Il faut savoir intéresser nos partenaires. » a-t-il lâché. En guise de pierre dans le jardin de Dassault ?
(1) Lire : Un pilote de chasse à la représentation militaire française
(2) NB : article du Traité de Rome qui permet d'échapper aux règles du Traité en invoquant des "intérêts essentiels de sa sécurité", renuméroté article 346 dans le Traité de Lisbonne
(Nicolas Gros-Verheyde)
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