Nouvel échange de lettres entre Cathy et ce « cher Bernard »
(BRUXELLES2) Cette fois, c'est sur le Moyen-Orient que la Haute représentante de l'UE (HR), Cathy Ashton, a polémiqué avec Bernard Kouchner, le ministre des Affaires étrangères (lire aussi, sur l'Iran : Cas Sakineh: Ashton dit oui à une action commune). Le "cher" Bernard s'était plaint par courrier à la diplomate en chef de l'UE de ne pas voir l'Europe représentée à l'ouverture des discussions directes entre Palestiniens et Israéliens, qui a lieu à Washington, le 2 septembre, sous l'égide de l'administration américaine. Cathy Ashton a, en effet, décliné l'invitation du sénateur Mitchell pour le début des négociations sur le Moyen-Orient. Mais la diplomate en chef de l'UE en a assez de ces reproches sempiternels. Et la réplique qu'elle a adressée - par média interposé - au ministre français des Affaires étrangères, ne cache pas un certain... agacement. Pour ne pas dire plus ! La Britannique en perdrait presque son flegme.
Entre la Chine et le Moyen-Orient, il fallait choisir
La HR est, en effet, en déplacement en Chine, un voyage prévu de longue date - et dont, bien entendu, B. Kouchner (comme les autres ministres des Affaires étrangères des "27") a été tenu au courant. Elle va rencontrer son homologue, qui a le titre de Conseiller d'Etat, Dai Binguo, ainsi que le Premier ministre Wen Jiabao. "Ce sera le premier dialogue stratégique avec l'interlocuteur le plus élevé en Chine" explique-t-elle, ce avant le sommet européen du 15 septembre qui aura sur son ordre du jour la Chine et avant le Sommet UE-Chine, un peu plus tard.
De plus, il était impossible d'être aux deux endroits en même temps. Cathy Ashton a, même, examiné la possibilité de quitter la Chine plus tôt - précise-t-on du côté de la HR - mais la réunion-clé était le 2 septembre, soit en même temps que l'ouverture des discussions directes entre les deux protagonistes proche-orientaux.
Restait à faire la balance entre les deux sujets. La question de la Chine comme du Moyen-Orient sont "tout aussi vitaux et importants" note-t-on à Bruxelles. La présence au dîner sur le Moyen-Orient semblait moins importante pour la diplomatie européenne. Ce sera un "dîner informel et les discussions auront lieu strictement entre les deux parties. C'est d'ailleurs la bonne recette pour le succès" remarque-t-elle. Quant à trouver un remplaçant, cela ne semblait pas possible. Ashton a été invitée "personnellement par le sénateur Mitchell".
Ce n'est pas une "chorégraphie" et un truc avec fanfare !
"L'apparition (de la HR) lors du dîner n'aurait pas eu d'influence substantielle sur les discussions". Et d'ajouter : "pour la HR comme pour l'UE dans son entier, l'accent est mis sur la réussite des négociations, particulièrement lors des premières rencontres, et non sur la chorégraphie ou de savoir qui va à Washington ou pas". (et toc ! pourrait-on dire). "Les Etats-Unis et le président Obama, qui sont les hôtes de cet évènement ont été bien clair sur ces sujets. Il n'y aura pas de fanfare ou d'évènement style Annapolis" (1).
L'UE sera, de toute façon, représentée. Puisque Tony Blair, l'envoyé spécial de l'UE au Quartet représentera le Quartet (et aussi l'UE) à Washington. Ce avec l'accord du Russe Lavrov et du secrétaire général de l'ONU, Ban Ki Moon qui, "ni l'un ni l'autre, ne seront présents car ils respectent ce qu'ils considèrent comme la meilleure voie et que les projecteurs devraient fermement être orientés sur les discussions elles-mêmes".
A noter que la HR devrait faire un compte-rendu des discussions qui se sont tenues, et du rapport que lui fera Tony Blair, aux 27 Etats membres.
Il reste un problème ... institutionnel
On ne peut constater que les arguments développés par Cathy Ashton sont louables, étayés et, somme toute, justifiés. Et la (nouvelle) demande de B. Kouchner apparaît un peu irritante. Mais il n'empêche que, sur le fond, une présence européenne, de haut niveau, même chorégraphique, n'aurait pas été de trop à cette reprise des discussions directes sur la paix au Moyen-Orient. On peut ainsi constater que l'absence d'un "Haut représentant adjoint" est pleinement préjudiciable à la diplomatie européenne. Ce n'est pas la première fois. Mais ce n'est pas la dernière.
Les moyens alternatifs que l'on a pu trouver jusqu'ici - désigner un ministre d'un Etat membre ou un autre commissaire - sont plutôt des "cautères" pas toujours très utilisables. Car la fonction même du Haut représentant suppose des rapports de confiance avec ses homologues de par le monde. Quand la confiance est établie avec un personnage européen, un Chinois, un Mauricien ou un Iranien (rêvons !) n'a pas envie de voir débarquer un ministre espagnol, polonais ou... français, en guise de remplacement. Il y a là un vide juridique qui conduit à un vide politique, auquel il importe de réfléchir et de trouver une solution, rapidement. Peut-être que ce "cher" Bernard pourrait proposer une idée au Gymnich, la réunion informelle des ministres des Affaires étrangères, les 10 et 11 septembre.
(1) La conférence pour la paix au Proche-Orient à laquelle ont pris part Ehoud Olmert et Mahmoud Abbas, en novembre 2007, qui s'est terminée par une déclaration conjointe... mais n'a pas accouché concrètement (Nicolas Gros-Verheyde)