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Service diplomatique. Le Parlement européen doit aussi agir de son coté

(BRUXELLES2, Humeur du samedi) La Haute représentante et le Parlement européen ont engagé un dernier bras de fer pour aboutir à un accord sur le service diplomatique. Je ne reviendrai pas sur ce point. Mais je suis assez étonné - pour ne pas dire plus... - de l'attitude du Parlement européen. Celui-ci entend exercer un plein contrôle budgétaire, voire politique, sur la politique étrangère et de sécurité commune. C'est une revendication sans doute légitime, même si on peut discuter sa justification juridique (lire : Le Parlement européen met le pied dans la porte du Service diplomatique).

Mais le Parlement européen n'accompagne cette demande d'aucun geste, d'aucune structure propre à étayer cette volonté de contrôle. La discrétion, voire l'impréparation reste de mise. Le Parlement demande ainsi de pouvoir auditionner les chefs de délégation (demande refusée par Cathy Ashton) mais n'indique comment il va pouvoir prendre en charge ce travail d'audition des quelque 30 à 40 postes qui sont mis en renouvellement chaque année.

Idem en matière de service d'études. Le Parlement européen n'a pas vraiment étoffé son service en conséquence par rapport aux enjeux à venir en matière de politique étrangère et de sécurité. Ce serait peut-être un "job" pour l'Institut d'études de la sécurité de l'UE qui tourne un peu à vide en ce moment.

Quant à l'Europe de la défense et la sécurité ...

Le Parlement prône l'Europe de la Défense mais ne la prend pas au sérieux !

L'assemblée parlementaire de l'UEO et alors ...

Voilà plusieurs mois que la décision d'enterrer l'assemblée parlementaire de l'UEO a été prise (lire : La fin de l'UEO (et de son assemblée) programmée ? (suite). Et je n'ai entendu aucune proposition officielle venir étayer ce que propose le Parlement européen pour exercer le contrôle démocratique sur la
politique de sécurité. Même pas pour remplacer, a minima, ce que faisait, bien, l'assemblée parlementaire défunte — des rapports et des missions — ainsi que les modalités d'association des parlements nationaux. Quand je parle de proposition, ce n'est pas d'idées dont on manque, c'est d'une proposition mise sur la table de négociation du service diplomatique ou du Bureau du Parlement.

Une sous-commission défense où l'absence a la prime...

La Défense reste au Parlement une sous-commission dont les pouvoirs sont très limités. Le moindre rapport est soumis à d'obscures tractations avec sa commission de tutelle, les Affaires étrangères. Conséquence, les grands sujets de la défense européenne (Airbus A400M, l'engagement en Afganistan, le coût de la crise sur nos engagements, les nouveautés issues du Traité de Lisbonne...) restent toujours étrangement absents de la ligne de mire parlementaire. Tandis que d'autres, "plus sexys", sont "capturés" par la commission-mère. Un procédé qui m'a été confirmé de plusieurs sources.

Les réunions de la sous-commission défense continuent de se dérouler, bien souvent avec une présence sur les bancs des députés limités au strict minimum (un ou deux par parti). Seuls les plus sérieux et les plus rigoureux s'astreignent à une présence régulière (1). Pour les autres, leur présence est éliptique. Ce qui n'est pas tout à fait illogique. L'appartenance à la sous-commission n'est que facultative et ne dédouane pas de l'obligation de présence dans deux autres commissions (une en tant que titulaire, l'autre en tant que suppléant) ; pas étonnant donc qu'elle n'ait guère la priorité.

Avec le Traité de Lisbonne, la nécessité d'une commission Défense pleine et entière se fait jour

Si le Parlement européen est un tant soit peu sérieux dans ses revendications en matière de Politique étrangère et de sécurité, il devrait se doter d'une réelle capacité de contrôle avec une commission pleine et entière dédiée à la PeSDC, qui permettrait aux députés de s'engager à plein temps. Ce n'est pas une revendication corporatiste comme le soutiennent certains députés grognons. C'est une nécessité politique mais également pratique.

L'Europe de la défense, quoi qu'en pensent certains cassandres, se développe. La multiplication des missions déployées (une quinzaine aujourd'hui déployée dans le monde), des sujets en discussion (opérationnels, industriels, capacitaires, politiques...) implique des députés engagés à plein temps dans la commission. Les nouveautés mises en place par le Traité de Lisbonne (coopérations renforcées et coopération structurée permanente, fonds d'avance, groupe d'avant-garde...) sont autant d'innovations qui peuvent mériter un encadrement.

Et la défense est un secteur à part qui nécessite souvent, à la fois une certaine confidentialité et une certaine technicité, sans compter une habilitation secret défense (ou au moins une certaine confidentialité). La plupart des assemblées parlementaires dans les Etats membres ont d'ailleurs adopté le principe d'un dédoublement de leurs commissions "Affaires étrangères" et "Défense".

Une décision du ressort uniquement du Parlement

Pour renforcer ce contrôle parlementaire... il n'y a besoin d'aucune modification du Traité ni de proposition législative de la Commission ou d'autorisation des Etats membres, voire de négociation interinstitutionnelle. Une simple décision du Bureau du Parlement européen, la modification de son règlement intérieur peuvent suffire.

Messieurs les parlementaires, à vous de jouer !

(Nicolas Gros-Verheyde)

(1) Citons quelques uns de ces bons élèves : Arnaud Danjean (PPE), Ana Gomez et Ioan
Mircea Pascu (S&D), Franziska Brantner et Bütikofer (Verts)...

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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