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Kristalina Georgieva: Nous ne devons pas garder notre drapeau dans notre poche

 

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(BRUXELLES2) Au Conseil des Affaires étrangères de lundi à Luxembourg, les 27 ministres vont trouver dans leurs volumineux dossiers (entre l'Iran, Gaza et la Somalie) un rapport sur le retour d'expérience (les lessons "learns") de l'intervention européenne sur le séisme à Haïti (article à suivre). Un rapport préparé par Catherine Ashton, diplomate en chef de l'UE et Kristalina Georgieva, la commissaire (bulgare) à l’aide  humanitaire et la réponse de crises (lire : article à venir). Me Georgieva a accepté il y a quelques jours de me recevoir pour détailler ses
premières réflexions sur l'intervention européenne à Haïti et ses prochaines priorités en matière de protection civile.

 

• Quelles sont les leçons (les lessons learned :-)) que vous tirez de l'intervention européenne sur le séisme en Haiti ?

Je vois trois piliers sur lesquels on doit construire notre action : la coordination, la cohésion et la visibilité de nos actions. Sur la coordination, nous respectons le rôle de chacun. Le rôle de coordination de ONU est ainsi, pour nous, essentiel. On doit absolument aider et
renforcer ce rôle des Nations-Unies et non le circonvenir. Sur la cohésion de notre action, on voit bien l'importance des 27 Etats dans la réponse de crises et, notamment, le rôle des moyens militaires qui, dans un tel désastre, aussi important, sont primordiaux. Les militaires ont été très utiles en Haïti. 3e leçon : la visibilité...

• La visibilité n'a pas été vraiment au rendez-vous ? A quoi l'attribuer ?

Non, la visibilité n'a pas été le point réussi de cette opération. Nous avons agi, peut-être pas autant que les Etats-Unis mais de façon notable et rapide. Mais cela ne s'est pas su et ne s'est pas vu. Les Haïtiens me l’ont dit : vous étiez les premiers mais pas visibles. Nous sommes sans doute trop modestes. Il ne s'agit pas de faire comme les Américains, sans doute, en affichant partout notre présence. Mais nous n’avons pas à rougir de notre action et de notre drapeau. Au contraire ! On ne doit pas garder notre drapeau dans notre poche.  Je n’accepte pas l’argument selon lequel la visibilité est accessoire. Certes c'est l'action sur place qui est la première nécessité. Mais pour notre population, c’est aussi important de savoir où passe son argent et ce que nous faisons. C’est une question de responsabilité. Nous devons êtes fiers de ce que nous avons fait et ce que nous faisons encore.

• Les Etats membres n'ont pas voulu jusqu'ici mettre en place une force européenne de protection civile type Europe Aid comme le proposait le rapport Barnier ou EU Fast comme le proposent les Belges, comment allez-vous les convaincre ?

C'est effectivement la question. Ces contributions sont très intéressantes. Maintenant il faut se poser la question pourquoi rien ne s’est pas passé.  Il faut donc d'abord savoir ce que souhaitent les Etats membres, écouter tous les arguments, voir ce qu’ils ont besoin, savoir où sont leurs lignes rouges. J'ai commencé à le faire. Et il y a des propos divers. Certains veulent être « plus efficaces », d’autres avoir des « incitations » pour renforcer les capacités. Je crois aussi qu'il n’y a pas eu de véritable analyse des différentes options possibles, ni du ratio coûts - avantages des différentes options. Entre la proposition d'une Euroforce et le zéro action, nous n'avons pas de proposition intermédiaire. Il faut commencer par là.  Mon approche se veut pragmatique, pratique. Peut-être qu'il faudra proposer un ensemble d'action, une panoplie d'instruments ou d'actions possibles.

Une communication d'ici la fin de l'année sur la réponse aux crises

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• Vous croyez qu'on peut progresser ? La crise est-elle un facteur négatif ou favorable ?

Je n'ai aucun doute la dessus. Il y a une nouvelle dynamique, un nouveau contexte institutionnel. Le Traité de Lisbonne nous permet d'agir. Il y a un commissaire à la réponse de crises et un Haut représentant de l'UE pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité commune. Et la crise économique et budgétaire va nous pousser à agir. Quand on regarde la tendance sur les dernières années, que constate-t-on ? Les catastrophes augmentent et nos budgets ont tendance à diminuer. Pour concilier les deux, la seule solution pour moi est le partage des capacités. Pour des raisons institutionnelles comme économiques. Mais il faut rester pragmatique, je le répète. J'en suis persuadée.

• Comme pour les feux de forêts, ce projet pilote sera-t-il renouvelé ?

Oui c'est un excellent projet. Il sera renouvelé cet été. Et nous verrons ensuite comment le pérenniser. C'est une initiative intéressante qu'on pourrait développer ou étendre à d'autres causes de catastrophes. Pourquoi ne pas avoir un système identique pour les inondations, par exemple.

• Que  la MIC (cellule d'intervention de la Protection civile au niveau de la Commission européenne) ?

Cela fonctionne bien. Il faut la renforcer sans doute. On a vu l'utilité de la réponse de crises européenne lors des inondations en Pologne (et dans plusieurs pays d'Europe centrale). Quand la Pologne a sollicité notre aide, quelques heures à peine après notre appel, nous avions le matériel recherché.

• Quand présenterez-vous une proposition sur ce sujet ?

 J'espère bien le plus vite possible. Je compte présenter une communication d'ici la fin de l'année suivie d'une proposition législative l'année prochaine. Nous avons engagé un dialogue très intensif (NB : très difficile) sur le sujet avec les Etats membres (NB : la  communication pourrait être présentée en novembre et la consultation inter-services entamée à l'été ou l'automne au plus tard).

• Vous êtez aussi commissaire à l'aide humanitaire. Quelles sont vos autres priorités ?

Tout d'abord, le plan d’action pour la mise en oeuvre du consensus humanitaire.  Et également une proposition législative sur le corps de volontaires européens (prévue par le Traité de Lisbonne) ; je veux présenter un texte l’année prochaine.

(Nicolas Gros-Verheyde)

(crédit photos : ©NGV)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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