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Il faut dépenser plus pour la défense, dit l’OTAN. Est-ce vraiment sérieux !

(BRUXELLES2) Cela peut paraître plutôt incongru actuellement. Mais l'OTAN le maintient. A contre-courant du vent d'austérité qui souffle sur les budgets publics depuis plus d'un an. Les Etats membres devraient non seulement dépenser mieux mais davantage pour la défense.

Le groupe d'experts qui a planché "pour un nouveau concept stratégique" et vient de rendre sa copie (1) note ainsi que « Le principal obstacle à la transformation militaire est l’insuffisance des dépenses et des investissements de défense en Europe. Aujourd’hui, il n’y a que six Alliés européens sur 26 qui consacrent 2% ou plus de leur PIB à la défense, et seulement une douzaine qui atteignent les objectifs de déployabilité et de soutenabilité des forces militaires. » (2) À cela s’ajoute le fait que, ces vingt dernières années, « les dépenses de fonctionnement et de personnel ont représenté une part disproportionnée des budgets de défense des pays européens ».

La cohésion de l'Alliance en danger

Quant au critère de l’Alliance selon lequel 20% des dépenses militaires doivent être consacrées aux investissements, « il est respecté par moins de la moitié des pays de l’OTAN ». Ainsi - remarquent les experts - « Un fossé particulièrement large s’est creusé entre les capacités des États-Unis et celles des autres pays de l’OTAN, et ce déséquilibre, s’il n’est pas corrigé, pourrait nuire à la cohésion de l’Alliance ».

Les experts préconisent donc nécessaire pour l'OTAN, entre autres recommandations, de « mettre un coup d'arrêt à la forte baisse des dépenses de défense nationales, engager de nouvelles réformes et mesures d'efficience (efficaité) et fixer des priorités pour les futures capacités »...

Une recommandation peu réaliste

Les ministres des Finances apprécieront à la juste valeur cette recommandation! Mais pour l'instant, cela semble l'air mal parti.Alors qu'ils viennent de remettre au pot - contraints et forcés pour boucler le budget de l'OTAN en déficit - l'heure est plutôt à la rigueur et à la diminution des effectifs (et des budgets) qu'à leur augmentation. Aucun pays européen n'est épargné.

Ceux qui respectent le critère (Grèce, Royaume-Uni, France) ne pensent qu'à dépenser moins. En premier lieu, la Grèce se doit de descendre au-dessous du seuil, de façon urgente, sous pressions des marchés, des organisations internationales et européennes (3). Le Royaume-Uni doit également tailler dans son budget ministériel, la barre a été fixée à 25% (4). Et la France est engagée dans une restructuration qui verra les effectifs fondre de près de 50.000 personnes.

Les pays qui étaient déjà au-dessous du seuil de 2% ont entamé un "dégraissage", plus ou moins, drastique du nombre de leurs militaires: Belgique, Slovaquie, Roumanie, Bulgarie,... peuvent être cités mais la plupart des pays mériteraient d'y figurer. En Allemagne, le ministre des Finances, Wolfgang Schaüble,  a demandé à tous les ministères de faire des économies sur leur budget ; le ministère de la Défense est le premier sur la liste, avec 1,3 milliards d'euros d'économie !

Un critère à jeter aux oubliettes ?

Certes ces mesures peuvent paraître conjoncturelles (deux à cinq années). Mais sauf changement drastique de la donne internationale, et menace directe, on voit mal la tendance s'inverser et les budgets de défense retrouver des ressources nouvelles dans les années suivantes (à moins de recourir de façon plus importante au secteur privé).

Dans les faits, cet objectif de 2% semble donc condamné. Et il aurait peut-être été plus réaliste dans un rapport révisant le concept stratégique d'oser entamer... cette révision. Seul le critère de l'efficacité devrait donc être mis en lumière.

Efficacité pour lequelle l'organisation Atlantique, elle-même, a encore des preuves à fournir si on en juge le dernier courrier, révélé par l'AFP, qu'a adressé Hervé Morin, le ministre français de la Défense, à son homologue américain, Robert Gates. Une véritable charge au "bazooka" : les structures alliées sont "trop marquées par le passé" - souligne le ministre. Le fonctionnement du secrétariat international de l'Otan n'est "pas optimal", sa structure de commandement "trop territoriale et trop statique", les "redondances" entre ses états-majors nombreuses et "l'activité des multiples agences de l'Otan mal évaluée". Conclusion, pour Hervé Morin : dégraisser le mammouth et supprimer "un tiers" des 12.500 militaires alliés !

Un objectif et une évaluation qu'on ne retrouvent mystérieusement pas, d'une manière ou d'une autre, dans les 50 pages du rapport de Madeleine Albright. Bizarre...

(Nicolas Gros-Verheyde)

(1) Télécharger (p. 40 pour ceux qui ne veulent pas lire tout le rapport)

(2) Objectif rehaussé au sommet de Riga en 2006 avec 50% de forces projetables (crtièrede déployabilité) dont 10% en opérations prolongées (critère de soutenabilité)

(3) Lire : La crise a du bon : est-ce la fin de la guerre froide Grèce-Turquie ?

(4) Lire : Avec les Brit' ca va déménager

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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