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Personne ne veut prendre le lead pour la coopération structurée permanente

(BRUXELLLES2) La première réunion - tenue sur la coopération structurée permanente - à Madrid en mars 2010 a montré de la part des Etats membres peu d'enthousiasme vis-à-vis de cette nouveauté du Traité de Lisbonne. C'est le moins qu'on puisse dire !

Tout le monde était présent. Mais rares ont été les Etats à s'exprimer de façon détaillée. Ou plutôt ceux qui l'ont fait ont exprimé surtout leur méfiance par rapport à toute initiative trop marquée de certains Etats membres (suivez mon regard). L'Irlande notamment est montée au créneau. Assez paradoxal, car ce pays participe quasiment à toutes les opérations militaires. Une position sans doute très politique : on se souvient que ce thème a figuré en bonne place lors de la campagne du référendum sur le Traité de Lisbonne. Et les hommes politiques se doivent d'exprimer le refus de toute militarisation de la PeSDC. La Slovaquie, aussi, a exprimé une méfiance, se faisant le "défenseur" des petits pays en craignant un directoire des "grands". On s'est ainsi bien gardé durant ce premier round, qui était surtout d'observation, d'avancer quelques idées concrètes, voire pire,... audacieuses ! L'Espagne qui présidait la réunion et en a fait rapport lors d'une nouvelle réunion des directeurs de la politique de défense qui s'est tenue à Bruxelles les 13 et 14 avril reste donc très prudente dans ses conclusions (un document de trois pages à peine).

Quelques principes de base à respecter, pas vraiment enthousiasmants

Plusieurs principes ont ainsi été mis en lumière permettant de cadrer le travail futur  :

- l'adaptatibilité : la PeSDC - telle qu'inscrite dans le Traité de Lisbonne doit être adaptée aux circonstances présentes (autrement dit : elle n'est peut-être plus tout à fait adaptée dans sa conception de départ) ;

- la valeur ajoutée : elle doit apporter une valeur ajoutée (autrement pas question de refaire ce qui a déjà été fait au niveau national ou par d'autres organisations) ;

- un double objectif : la PeSDC a deux objectifs, l'amélioration de la disponibilité et de la durabilité des forces projetées en opération et d'avoir un développement des capacités industrielles (double objectif opérationnel et industriel est rappelé) ;

- jouer collectif : la PeSDC est un cadre unifié pour la coopération dont les objectifs doivent être définis collectivement. C'est le conseil des ministres des Affaires étrangères, dans son format "défense", qui est l'instrument adéquat pour conduire la PeSDC (autrement dit pas question de reconstruire d'autres structures) ;

- inclure tout le monde : il existe quelques appréhensions des "petits" Etats membres d'être exclus de la PeSDC. Le concept à deux vitesses n'est pas désirable. Une approche "inclusive" est appropriée pour son développement.

- la PeSDC devrait être suffisamment flexible pour s'adapter aux besoins de la PESC.

Ces principes - on le voit - s'assimilent plutôt à des lignes de défense. On est plutôt dans une position assez conservatrice — "on ne doit pas, on ne peut pas, il ne faut pas" que dans une dynamique constructive. Peu d'Etats ont exprimé des propositions précises, voire des propositions tout simplement. « C'est explicable pour un premier round ; les Etats volontaires attendent un peu avant d'avancer leurs vues », considère un expert de ce dossier. L'Espagne devrait s'empresser de "refiler le bébé" à la présidence belge suivante (à partir du 1er juillet).

 Pas de lead politique ni du coté des Etats membres, ni du coté de la Haute représentante

Les Espagnols le remarquent, fort diplomatiquement « Il n'a pas été clairement exprimé quels pays auraient la volonté de prendre et pousser le processus. Le moment ne peut pas être considéré comme suffisamment mûr pour prendre des décisions immédiates. » reconnaissent-ils « Il est nécessaire de continuer à travailler et de tenir d'autres réunions, si possible sous l'autorité de la Haute représentante. Il est nécessaire d'inclure ce sujet à l'agenda du conseil des Affaires étrangères de Luxembourg (le 26 avril). »

Seule une impulsion politique décisive sauvera,  en effet, la Coopération structurée des miasmes dont elle est entourée. Comme concluent le document espagnol, non sans ironie « Cela donnerait à la Haute représentante l'opportunité de présenter ses positions et ses idées ». Pour l'instant, celle-ci reste très discrète.

Seule initiative louable, plusieurs pays (France, Belgique, Hongrie) se sont concertés pour préparer un document commun. Une initiative salutaire car les points de vues des uns et des autres sont fort éloignées. Explications à suivre...

(Nicolas Gros-Verheyde)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

Une réflexion sur “Personne ne veut prendre le lead pour la coopération structurée permanente

  • Le manque d’enthousiasme pour la coopération structurée permanente n’est pas une grande surprise.  En premier lieu la conjoncture économique et l’incertitude financière  militent contre des initiatives nouvelles. Deuxièmement certains éléments actuels de la politique européenne de sécurité et de défense commune (PeSDC) ne sont pas nécessairement regardés comme un succès  (par exemple l’Agence européenne de défense qui a été une origine de division profonde dans la PeSDC) et par conséquent il n’existe pas de désire à créer des initiatives supplémentaires qui peuvent porter la risque d’échec.  En sommaire, en ce moment l’approfondissement de la PeSDC n’est pas une priorité pour la plupart des états membres.

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