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Lech Kaczinski, l’Européen “atypique” a rejoint la lune

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(crédit photo : NGV - lors de la conférence de presse du sommet de juin 2007)

(BRUXELLES2) Patriote intransigeant, flirtant souvent sur la vague d'un nationalisme douteux, Lech Kaczinski, le président polonais décédé dans l'accident d'avion présidentiel, le 10 avril 2010, était un homme qui ne doutait pas de son destin et n'était pas avare de coups médiatiques voire de provocations. Sa première apparition publique, il l'a faite à 12 ans, dans un film pour enfants où il jouait avec son frère jumeau Jaroslaw : "l'histoire des petits voyons qui ont décroché la lune".

Opposant anti-communiste de la première heure, juriste, catholique fervent, il avait rejoint, avec son frère Jaroslaw, le syndicat "Solidarnosc". Elu président de la république en 2005, il avait émaillé les milieux européens de son coté rugueux et anti-conformiste, hostile à un trop grand dirigisme de Bruxelles mais, en même temps, convaincu d'une certaine solidarité européenne.

Quelques souvenirs...

Anti-russe naturellement.

Méfiant, voire hostile de son voisin russe, il avait milité contre vents et marées pour la signature puis la mise en oeuvre d'un bouclier anti-missiles, clairement destiné dans son esprit à faire face à une nouvelle menace du grand voisin oriental (et non pas à lutter contre une menace iranienne comme le défendaient officiellement les Américains). Alors que le changement de gouvernement s'opérait outre-Atlantique, il avait bataillé contre son gouvernement, n'hésitant pas à envoyer ses propres émissaires pour tenter de préserver la voie originelle prévue par l'administration Bush. Engagé aux cotés des Géorgiens, dès les premiers jours, il n'avait pas hésité à faire une visite sur le terrain. Visite émaillée d'un incident, des inconnus ayant fait feu sur la voiture présidentielle (1).

La Bataille de Lisbonne.

Hostile à une trop grande intégration communautaire, il avait mené avec ses collègues européens une dure bataille lors de la négociation du Traité de Lisbonne. De longues discussions avaient été nécessaires en juin 2007, pour arriver à un compromis. Le président n'hésitant pas à sortir à plusieurs reprises du bureau de Nicolas Sarkozy (où se tenaient les discussions) pour se concerter avec son frère jumeau, resté à Varsovie. Kaczinski n'avait pas hésité à revendiquer l'adoption d'une autre méthode de calcul de la majorité (la racine carrée), en invoquant tous les arguments possibles, notamment les pertes polonaises lors de la seconde guerre mondiale. « Sans la guerre, la Pologne n'aurait pas 38 millions d'habitants mais beaucoup plus », indiquait-il lors d'une conférence de presse. A Lisbonne, encore, en cotobre 2007, au moment de mettre la main final sur le traité, il n'avait pas hésité à revendiquer le droit à exiger le respect des demandes polonaises : « On a eu un accord à Bruxelles, il faut le respecter, c’est notre droit, si nos demandes ne sont pas réalisées, il faut reporter la discussion ». 

Un appel à la solidarité européenne très personnel.

S'il n'était pas avare de commentaires peu amènes sur la bureaucratie bruxelloise, il avait aussi certaines convictions européennes, notamment sur la solidarité. Un mot qui revenait souvent dans sa bouche. En juin 2007, justement, alors que je l'interrogeais sur le sens de ce mot pour lui, il avait défendu un fort engagement international de la Pologne : dans les missions de maintien de la paix (au Liban, par exemple), en en faveur de l'élargissement à l'Ukraine, la Moldavie et les Balkans, mais aussi pour les pays en développement. « Nous bénéficions de la solidarité européenne (à travers les financements européens) et nous ne voulons pas l'oublier. Nous saurons aussi exprimer cette solidarité à notre tour. En participant aux actions de l'UE dans les autres pays : en Afrique, en Asie. La contribution polonaise actuelle est basse. Mais on contribue. Et on contribuera encore plus dans l'avenir. Définitivement, la Pologne est prête à donner aux autres ».

Coup médiatique.

Au sommet d'octobre 2008, alors qu'il était en conflit larvé depuis le début avec son Premier ministre qui refusait qu'il siège à la table du sommet européen, il n'avait pas hésité, à entrer par la porte réservée à la presse. Ce qui lui avait permis de traverser toute la salle de presse, longuement, et de se payer ainsi un succès médiatique sans précédent.

Evolution...

Peu à peu cependant, il s'était assagi, était devenu un peu plus européen, notamment au gré de l'évolution de l'électorat polonais. La montée en puissance des subventions agricoles notamment faisant basculer l'électorat paysan d'un scepticisme européenà un enthousiasme non dénué d'intérêt.

(Nicolas Gros-Verheyde)

(1) Tirs contre le président polonais en Géorgie: gros doute ...

(2) Le président du PIS pour une armée et un président de l'UE fort!

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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