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La fin de l’UEO (et de son assemblée) programmée ? (suite)

(BRUXELLES2) Le calendrier se confirme pour la dénonciation du Traité de l'UEO (Union pour l'Europe Occidentale) et de son Assemblée qui ont été aux prémices de l'Europe de la défense (même si l'efficacité n'a pas toujours été au rendez-vous). Ainsi si coté belge, aucune décision n'est encore prise, le Kern (conseil des ministres resteints regroupant les ténors de la coalition) se réunit, vendredi, avec cette question à son ordre du jour. Et, coté britannique, la décision pourrait être prise aussi vendredi ou, au plus tard, la semaine prochaine, m'a-t-on confirmé. L'argument financier a semble-t-il joué aussi coté britannique. « Comment continuer à dépenser 2,3 millions d'euros par an pour une institution qui doublonne avec une autre » m'a expliqué un diplomate.

Il restera, ensuite, de nombreuses questions à régler.

D'une part, des questions de gestion : Comment transférer ou liquider l'acquis de l'UEO, les locaux de l'assemblée notamment (qui sont à Paris) ? Quid du budget (les Etats voudraient bien voir supprimer sans discussion) ? Que faire du personnel ensuite (reclassement à l'UE, dans les Etats, préretraite...). Une partie du personnel n'est, en effet, plus tout jeune.

D'autre part, se posent des questions plus politiques, en particulier : comment associer concrètement les parlementaires nationaux aux travaux du Parlement. C'est l'application du protocole du Traité de Lisbonne. Mais, comme toujours, le diable se niche dans le détail : où se réunira-t-on ? Qui présidera la réunion ? A quel rythme ? Autant de questions qui restent à trancher. Mais l'apport des députés nationaux - en matière de défense - est très précieux, non seulement car cela reste une compétence nationale. Mais parce que, bien souvent, ce sont de vrais spécialistes des questions de défense. Et au Parlement européen, cette spécialité est totalement négligée.

Il y a donc du pain sur la planche. Et il n'y aura pas assez d'un an pour se consacrer à régler toutes ces questions matérielles comme politiques.

Le Parlement européen doit prendre les questions de défense plus au sérieux

L'apport des députés nationaux : essentiel. Mises à part quelques interventions triées sur le volet et les bonnes volontés, les prises de parole au Parlement européen tiennent, en effet, plus du café du commerce ou de la revue de presse que de la connaissance des dossiers. J'ai pu le constater à plusieurs reprises. Et ce constat ne semble pas isolé. Un jeune parlementaire, spécialiste des questions de défense, me l'a confirmé : « Les interventions de mes collègues ne sont pas toujours à la hauteur des enjeux » m'a-t-il confié. Quant au rôle du Parlement européen en matière de sécurité et de défense, il reste aujourd'hui très limité par rapport à la pratique de nombreux pays (Allemagne, Pays-Bas, Royaume-Uni, Suède, notamment) et par rapport à l'évolution qu'a prise la PeSDC. IL tient bien entendu aux traités lui-même qui limitent le rôle des députés. Mais pas seulement. Il y a une certaine frilosité, ou une certaine atonie par rapport à certaines questions. Ce déficit démocratique est particulièrement criant en matière d'industrie de défense  — les exemples récents de l'A400M, du marché des ravitailleurs US, des problèmes financiers ou techniques d'équipements en témoignent — et, encore plus, en matière d'opération. L'importance de l'engagement européen en Afghanistan (EUPOL, IFAS) ou en Somalie (EUNAVFOR Atalanta, EUTM) mériterait un suivi parlementaire plus étroit. L'exemple du transfert des suspects de piraterie est patent.

L'exemple des accords de transfert de pirates. Alors que le Parlement européen s'est positionné en défenseur des libertés publiques à plusieurs reprises (transfert de données "passagers" aux USA, contrats Swift, ...), les accords de transfert des pirates suspects dans l'Océan indien ont été conclus sans contrôle parlementaire. C'est mieux pour l'efficacité. C'est dommage pour la démocratie. Peut-être y aurait-il intérêt à chercher une formule permettant de combiner les deux (rapidité et transparence) ? Pourquoi ne pas rechercher un mode similaire à ce qu'a fait la Cour de justice européenne, instaurant pour les questions de libertés publiques cruciales une procédure "rapide" permettant d'obtenir un jugement en quelques semaines. On pourrait ainsi concevoir que le Parlement européen donne un avis, dans un délai identique, sur un document assez simple a priori qu'est un accord de transfert de pirates. Certes le Parlement n'a normalement pas l'opportunité de se prononcer sur les accords internationaux passés en matière de sécurité et de défense. Mais, sauf erreur de ma part, le transfert de personnes accusées d'un délit répréhensible au plan judiciaire, ne ressort pas des questions de sécurité et de défense mais des questions de liberté publique...

(Nicolas Gros-Verheyde)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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