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La 24e mission de la Pesd « EuSec Somalia »: feu vert mardi


(BRUXELLES2) Les 27 ministres des Affaires étrangères et de la Défense de l'Union européenne devraient s'engager un peu plus, mardi 17 novembre, vers une opération d'assistance à la formation des soldats somaliens (EUSEC Somalia ou EUSECFOR *). Les ministres de la Défense devraient ainsi adopter le Concept de gestion de crises (CMC). Celui-ci reposera en grande partie sur le papier d'options présenté par le groupe politico-militaire, un document d'une trentaine de pages (Pour aller plus vite, les experts ont, en effet, décidé de transformer cet "option papers" en CMC). Ils devraient ainsi demander aux experts de "continuer le travail de planification sans préjuger de possibles conséquences sur une possible action PESD". La planification de l'opération (concept d'opération - Conops, plan d'opération - OpPlan) va pouvoir être accélérée. L'Action commune pourrait être "adoptée rapidement, peut-être d'ici décembre" et lancée dans la foulée, souligne un diplomate européen. Plusieurs missions d'évaluation (Fact Finding Missions) ont déjà été sur place (Addis-Abeba, Kampala...) et vont continuer leur travail pour établir les modalités pratiques de l'opération.

Cette mission est d'un nouveau genre. Cette fois, il ne s'agit pas de conseiller ou d'assister un Etat sur sa réforme de sécurité (comme au Congo) ou de former de l'encadrement (comme en Afghanistan) mais bel et bien de donner une formation de base à des soldats destinés à aller au front. C'est la première mission "non Petersberg" et, en fait, la première application du Traité de Lisbonne qui élargit le champ des missions traditionnelles d'interposition ou de rétablissement de la paix aux "missions de conseil et d'assistance en matière militaire" (article 43). Au niveau international, cette opération devrait reposer sur les résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU n°1772, 1863 et, surtout, sur la résolution 1872 qui demande "instamment à ses Etats membres de contribuer au Fonds d’affectation spéciale des Nations Unies pour les institutions de sécurité somaliennes et d’offrir une assistance technique pour la formation et l’équipement des forces de sécurité somaliennes" (il ne serait pas ainsi nécessaire d'avoir formellement une nouvelle décision du Conseil de sécurité. Mais une résolution saluant l'effort de l'UE serait bienvenue et conforterait l'opération européenne).

La nécessité de former rapidement les forces de sécurité somaliennes est la résultante de l'absence d'engagement de la communauté
internationale. Après l'échec de l'opération Restore Hope et le retrait des forces de l'ONU, aucun Etat de l'hémisphère nord ne veut aller s'engager directement sur le terrain en Somalie dans ce qui ressemble en un piège. Les troupes de l'AMISOM, elles-mêmes souffrent d'un déficit (environ 5200 hommes sur un objectif fixé en 2006 à près de 8000 hommes).

• L'opération se déroulerait essentiellement en Ouganda où sont déjà formés des soldats somaliens par les forces ougandaises (UDPF), sous l'égide de l'AMISOM (la force de paix de l'Union Africaine). La formation et l'entraînement des soldats somaliens fait d'ailleurs partie du mandat de l'AMISOM. Pour certains formateurs, comme les Français, cela ne devrait pas poser de problèmes. Des éléments de la Légion étrangère, issus des Forces françaises basées à Djibouti (FFDJ), sont ainsi déjà venus former, à Singo (district de Kiboga), les forces
africaines partant en mission pour l'AMISOM en Somalie.


Soldats de la Légion formant les militaires (ougandais) pour l'AMISOM (crédit : DICOD)

L'opération vise à former environ 1000 à 2000 soldats. La formation de base est assez courte - quelques semaines - et davantage destinée à apprendre aux soldats les rudiments de base de l'action militaire en groupe : obéir, tir de combat, mise en place et contrôle d'un checkpoint, respect des principes du droit de la guerre (on ne tire pas sur une croix-rouge ou un croissant rouge, etc...), premiers secours,... Elle vise aussi à détecter les éléments qui pourront servir d'encadrement (sous-officier ou officier). Une seconde formation plus élaborée pourrait avoir lieu pour ceux-ci. Bref, comme l'explique un diplomate européen, cette opération vise à donner "à la Somalie un embryon de
force en commençant par la formation de base et en allant si possible vers des formations de commandement.
" Cette formation s'intègre, en effet, dans un projet plus global du gouvernement somalien visant à restructurer ses forces armées et à constituer une nouvelle force de sécurité de 6000 hommes.

Des troupes somaliennes ont déjà été formées : 1) en Ouganda par l'Union Africaine, avec le soutien des Américains : environ un millier de soldats auraient déjà été formés par les Ougandais depuis un an (certains recevant une formation longue de six mois, à l'école militaire de l'UDPF - les forces ougandaises - de Bihanga) - un autre bataillon est en formation ; 2) à Djibouti par les Français (500 personnes  recevant une formation rapide de quelques semaines en août et octobre) et les Djiboutiens. Mais le nombre reste encore insuffisant par rapport à l'objectif fixé.

• Selon les premières évaluations, pour former 2000 soldats, il faudrait environ 400 formateurs dont certains pourraient être fournis par les pays de l'Union Africaine. L'UE pourrait en fournir jusqu'à 200. Les Etats-Unis et la Russie sont également intéressés pour soutenir cette formation (pas automatiquement avec des formateurs). Coté de l'UE, ce n'est cependant pas encore l'enthousiasme forcené. "Beaucoup de pays étaient au départ réservés sur cette opération, il y a beaucoup de progrès" note un diplomate européen. Une dizaine d'Etats sont ainsi prêts à s'engager dans cette mission ou à la soutenir : France, Espagne, Finlande, Chypre, Luxembourg, Allemagne (Pologne, Hongrie étudient le soutien).

• L'encadrement des soldats ainsi formés devrait être assuré, à leur retour en Somalie, par les soldats de l'AMISOM (ceux formés par les Ougandais accompagnent déjà les troupes de maintien de la paix de ce pays).

Concernant leur paiement des militaires somaliens - y compris le contrôle de la destination de l'argent -, un point clé du dispositif, une des pistes suivies pourrait être de suivre la même piste que pour les financements internationaux. L'ONU a mis en place le Fonds d’affectation spéciale pour la sécurité pour la Somalie et un Fonds d’affectation spéciale pour l’AMISOM. Au niveau du Gouvernement somalien, c'est le cabinet Price Waterhouse Cooper qui a été chargé de superviser la réception des fonds internationaux, leur gestion
et de veiller à ce que les objectifs des bailleurs de fonds soient respectés.

• Le financement de l'opération devrait se faire essentiellement par contribution des Etats membres participants  (chaque Etat finançant ses propres troupes). Un financement des charges collectives étant assuré, via le mécanisme Athena, par les 26 Etats membres participant aux actions militaires de la PeSDC (moins le Danemark). Concernant le paiement des soldats, il ne pourra cependant pas être assuré directement par l'UE, l'UE ne pouvant pas financer directement la mise en place d'une force armée. Mais elle contribue déjà de façon indirecte aux actions de stabilité menées en Somalie.

Soutien financier de l'UE à des actions de stabilisation en Somalie. Le budget de l'UE soutient directement l'AMISOM — 35,5 millions d'euros (dont 20,2 millions d'euros déjà engagés) à travers la Facilité de paix pour l'Afrique — et l'Union Africaine dans son effort pour se doter de capacités pour planifier, gérer et coordonner des opérations de soutien à la paix — 4,7 millions d'euros de l'Instrument de stabilité —, avec mise en place de l'Unité de planification et de gestion stratégique (SPMU Strategic Management and Planning Unit). La SPMU bénéficie de 4 officiers planificateurs européens détachés (budget, ressources humaines, communications, ingénierie) - financée par une contribution supplémentaire de 750.000 euros -. Enfin le programme stratégique de l'UE pour la Somalie — qui couvre aussi bien les aspects politiques, de développement que de sécurité — se monte à 215,4 millions d'euros pour la période 2008-2013 (dont environ 180 millions sur 87 projets déjà identifiés).

(*) J'utilise ce nom par facilité, le nom de l'opération n'est pas encore défini.

NB : Pour se rendre compte de la situation en Somalie, vous pouvez regarder le reportage de France 2 qui a suivi jusqu'à Mogadiscio avec les militaires de l'Amisom, Mohamed Abdi Gandi, un anthropologue à l'université de Besançon qui a intégré le gouvernement de transition
somalien (GFT) : Somalie, portrait d'un démocrate

 

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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