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La mission de police en Bosnie se recentre sur le crime organisé

(BRUXELLES2) Sarajevo (Bosnie-Herzégovine), 2009, Noël n’est pas loin. Et la mission de police de l’Union européenne (MPUE ou EUPM) s’apprête à vivre une mutation. Installée dans le pays depuis 2003, la mission dirigée aujourd’hui par le Brigadier-Général allemand, Stefan Feller va se recentrer, ces deux prochaines années, sur un objectif : la lutte contre le crime organisé et la corruption. Un objectif essentiel ! La Bosnie a une vocation à entrer, tôt ou tard, dans l'Union européenne, et il s'agit d'éviter d'avoir au coeur des Etats membres, un nouveau chancre à mafia ou corruption comme c'est le cas avec la Bulgarie

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L'heure du changement

Pour Stefan Feller - qui a pris ses fonctions il y a un an (lire : Stefan Feller, nouveau chef de la mission Eupol Bosnie) -, un cap a, en effet, été franchi. « Nous sommes sortis de la situation de crise post-conflit. (…) Quand nous sommes arrivés, il fallait tout reconstruire… Aujourd’hui, il n’y a plus besoin de réformes mais d’harmonisation. C’est pourquoi, nous avons décidé de centrer nos efforts sur la lutte contre le crime organisé, de développer les capacités de la police bosniaque ».

Lancée en 2003, l’opération avait effectivement pour ambition de doter la Bosnie-Herzégovine, d’une police « stable, professionnelle et multiethnique, capable de répondre aux standards européens et internationaux » et de lutter contre le principal fléau local : le crime organisé. Elle y est arrivée… en partie ! La Bosnie-Herzégovine dispose bien d’une police, qui a une certaine efficacité - l’Agence d’Etat d’investigation et de protection (SIPA) a ainsi été transformée en une agence performante dotée de pouvoirs élargis contre le crime organisé — mais c’est encore un peu le bazar : le pays compte autant de polices que de structures administratives (*), avec chacune une organisation et un responsable de la sécurité. Ce qui engendre nombre de difficultés. Stefan Feller le confirme : « Notre plus grand souci a été de faire face au manque de collaboration et de stratégie entre les différents niveaux de pouvoirs.»

La difficulté de la mission

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Comme l’explique le gendarme français Yves Arcana (**) : « le plus gros problème reste l’absence de coopération entre les différentes polices (fédérale, de la fédération…). Mais aussi avec les agences et la justice. Ainsi, la confiance est rompue entre la justice (les procureurs) et la police ». Et « les instructions, la plupart du temps, sont des plus sommaires ». « A l’heure actuelle, « seule la police de la Republique serbe centralise ses données et dispose d’un système informatique proche du nôtre. ». « Notre but est d’atteindre les standards européens avec une police pleinement opérationnelle au niveau des échanges et sans corruption ».

Difficile ! sachant que le salaire moyen d’un jeune officier ne dépasse pas les 900 Konvertibilna marka (la monnaie locale, soit un peu moins de 400 euros). « Le bon point, c’est que la police locale dispose de plus en plus de jeunes diplômés. A terme, cela devrait permettre de rétablir la confiance avec la population mais aussi, en priorité avec le système judiciaire. » poursuit Arcana.

La nouvelle organisation

Pour 2010, les effectifs de la mission vont être réduits (lire : La mission de police en Bosnie réduit la voilure, mais pas le budget). Et ses experts recentrés sur un objectif principal : la lutte contre le crime organisé. Dans chaque région (Tuzla, Mostar, Banja Luca, Sarajevo), va être mise en place une équipe d’enquêteurs (6 à 9) spécialisés en investigation touchant au crime organisé, un procureur international, un policier/juriste en relation avec procureurs locaux et deux conseillers politiques (un national et un international).

L’action commune d’EUPM a d’ailleurs été revue dans cet objectif. La nouvelle mission assurera ainsi certaines tâches « résiduelles » dans le domaine de la réforme et de la responsabilisation de la police - notamment le soutien et la fonction de mentor au niveau des officiers supérieur. Mais sa tâche prioritaire va être « d’aider les services répressifs à lutter contre la criminalité organisée et la corruption, en mettant l’action sur la coopération entre les services police-parquet-prison, et la coopération régionale. Elle aura notamment pour tâche de faciliter le développement de capacités d’enquêtes en matière pénale, d’apporter un soutien et une assistance dans la  planification et la conduite d’enquêtes sur la criminalité organisée et la corruption, de renforcer la capacité opérationnelle des services concernés. »

(reportage et photos : Savine Cornu - révision : NGV)

(*) Il existe, en effet, plusieurs forces de police : une police serbe dans la Republika Srpska, une police bosno-croate dans la Fédération de Bosnie-Herzégovine, et une police dans chacun des dix cantons de cette Fédération.

(**) Yves Arcana est chef des opérations du chef de mission. Il a intégré la MPUE en 2005. Français, gendarme depuis 1987, membre de la Brigade de recherche, il rejoint, en juin 2005, le OHR, l’office du haut représentant des Nations-Unies pour la Bosnie-Herzégovine. Il travaille dans une unité anti-corruption aux côtés de procureurs internationaux.

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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