B2 Bruxelles2 Journal de bord

Actualité. Réflexions. Reportages

Actu BlogSEAE Haut représentant

Les réserves d’Elmar Brok (CDU/PPE) sur C. Ashton (exclusif)



(BRUXELLES2) Depuis les presque 30 années qu'il siège au Parlement européen, Elmar Brok (CDU) est une des références pour qui s'intéresse un peu à la politique étrangère européenne. Membre du Parlement depuis 1980, Elmar Brok a été de tous les débats. Il
a été présent à toutes les conférences intergouvernementales qui ont permis d'élaborer les traités successivement de Maastricht, Amsterdam, Nice puis la Constitution européenne (il était membre de la Convention qui élabora ce texte). De 1999 à 2007, il fut le président de la Commission des Affaires étrangères du Parlement européen. Il est toujours le porte-parole sur ce sujet des chrétiens-démocrates du PPE (le plus grand groupe du Parlement européen). Donc, quand il exprime une opinion, des doutes, un silence, une approbation, cela mérite d'être écouter attentivement. 

Dans l'entretien que nous avons eu, si Elmar Brok reste très prudent et ne veut pas porter de jugement préconçu sur la nouvelle Haute représentante, Catherine Ashton. Mais on sent, pour le moins un manque d'enthousiasme, voire un certain sceptiscime. Le mot   "inexpérimenté" est celui qui revient le plus souvent dans sa bouche. Voici ces propos quasi in extenso.

Catherine Ashton : son inexpérience est une interrogation... « C'est une vraie surprise. Catherine Ashton n'a pas d'expérience dans la politique. Une telle surprise que personne n'avait, jusqu'à peu, cité son nom". Pour autant, il ne veut pas préjuger. « Nous allons voir lors de l'audition, au Parlement européen, si elle est vraiment qualifiée pour le job. Nous avons un premier échange de vues cette semaine (le 2 décembre). Nous avons quelques doutes. Et c'est normal : elle n'a aucune expérience. C'est le point principal (de nos interrogations). On ne sait rien d'elle. On veut donc savoir où elle veut aller, ce qu'elle veut pousser. »

Sur le fond, Brok voit deux questions principales qui permettront de savoir si elle sera une "bonne" Haute représentante : « 1. Est-elle pour la politique étrangère dans son intégralité ? 2. Dans quelle voie veut-elle construire le service extérieur ? ».  Parmi les deux-trois dossiers prioritaires, Brok estime qu'il y a : « la Russie, le partenariat oriental, l'Iran ».

Sur la charge de travail que représente le poste (regrouper la charge de Haut représentant, commissaire et président du Conseil des Ministres des Affaires étrangères, cela peut sembler beaucoup pour une seule personne), Brok exprime un sentiment pour le moins. « Non, ce n'est pas de trop. C'est une nécessité pour la politique étrangère de l'UE, d'avoir une seule personne qui coordonne la politique, un seul numéro à qui téléphoner... »

La commissaire ne doit pas être aux ordres de Londres. Le fait qu'elle soit britannique n'influe, selon l'eurodéputé, dans aucun sens, ni positif ni négatif, même si une certaine crainte se ressent. « La nouvelle Haute représentante doit particulièrement exprimer ces vues : comment construire une politique de défense stratégique et cohérente au niveau de l'Union et construire notre propre identité en matière de politique étrangère ? »

De façon très nette, Elmar Brok demande tout de même à la nouvelle Haute représentante : « de prouver qu'elle n'est pas simplement là pour retranscrire les positions du Foreign office ». Et il ne mâche pas ses mots sur le fait qu'en tant que commissaire au Commerce, elle ait dérogé à la règle que le chef de cabinet soit d'une nationalité différente de celle du commissaire : « Ce n'est pas acceptable. Il ne peut pas y avoir un chef de cabinet et un directeur du service extérieur de la même nationalité que le commissaire » (*).

Prouver qu'il n'y a pas de corruption possible. Quant aux allégations qui remontent aux années 1970 sur le rôle joué par Catherine Ashton dans la gestion du CND (collectif pour le désarmement nucléaire qui, selon le député de l'UKIP Batten, aurait reçu des fonds de l'URSS **), Elmar Brok n'entend pas tomber dans le piège du populisme et mélanger les genres. Pour lui, cependant c'est clair : « Si elle a approuvé ces fonds, dans une relation personnelle avec l'URSS, c'est peut-être délicat. Et nous devons vérifier qu'il n'y a pas ou n'y aura pas possibilité de corruption. (A Ashton) de nous donner des éléments d'appréciation pour ceci ».


(*) Julian King, l'ancien ambassadeur britannique au COPS, le comité politique et de sécurité, avait été aussi le chef de cabinet de  Mandelson et a continué avec C. Ashton. Il n'a quitté la Commission qu'il y a quelques semaines, prenant ses fonctions d'ambassadeur Uk en Irlande, et a été remplacé par James Morisson (pas la pop star !). Il est parti depuis si peu de temps qu'il figure d'ailleurs toujours sur la photo de groupe diffusée sur le site de la Commission européenne à la page du cabinet Ashton. Quant au directeur de la DG relations extérieures, c'est actuellement le Portugais Joao Vale de Almeida, un haut fonctionnaire excellent qui a surtout été, durant ces cinq dernières années, le directeur de cabinet de José-Manuel Barroso. Ce ne sera pas lui faire injure de dire que c'est un moyen pour le président de la Commission de garder ainsi la haute main sur la politique et un contrôle étroit sur l'action de son nouveau commissaire.

 

(**) Gérard Batten (UKIP parti qui milite pour le départ du Royaume-Uni de l'UE) mène une campagne active contre la nouvelle  commissaire. Il a ainsi envoyé une lettre à JM Barroso et à tous les députés. Lettre dont nous avons eu copie :

« Dear Mr Barroso,
I was unable able to ask you a question today in the chamber. I would therefore like to make you acquainted with certain facts and ask you three questions.Baroness Ashton was Treasurer for the Campaign for Nuclear Disarmament (CND), 1980-1982. CND was notoriously secretive about its sources of funding and did not submit its accounts to independent audit; however, after public pressure they were audited for the first time in 1982-1983 (Godfrey Lord & Co). It was found that 38% of their annual income (£176,197) could not be traced back to the original donors.  The person responsible for this part of CND fund-raising, from anonymous donors, was Will Howard, a member of the Communist Party of Great Britain. The Russian dissident and internationally respected figure Vladimir Bukovsky, has shown from his research that the nuclear disarmament campaigns across Europe were largely funded by the Soviet bloc. Mr Bukovsky has proven with hundreds of top secret documents from Soviet archives that the worldwide disarmament campaign in the 1980s was covertly orchestrated from Moscow. The money was channelled through communist parties or other pro-Soviet organisations and individuals.
If therefore seems very likely that the unidentified income came from the Soviet bloc. If Baroness Ashton did not know where the  unidentified income came from she was incompetent. If she did not ask where it came from she was negligent.  If she did know that it came from the Soviet block then she knowingly accepted money from a hostile foreign power in order to undermine Britain's and NATO's defence policies. Anyone who was compromised by the Soviet Union in the 1980s remains compromised by the Russian Federation.
In the light of these facts, my questions are:
1) Do you still believe that she is a fit and proper person to be in charge of the EU's (and Britain's) Foreign and Security Policy
2) Do you intend to investigate these claims further? If not, why not
3) The answer to the second question is 'Yes' would you like me to supply you with the contact details of Mr Bukovsky, and others, who can give you more detailed information about this matter? »

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

Commentaires fermés.

s2Member®