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Le blocage des ports pirates: “Nous avons déjà essayé ; ça n’a pas marché !”

(BRUXELLES2) La proposition de la ministre espagnole de la Défense, Carmen Chacon, de blocus des ports pirates (pour être plus exact parlons plutôt de surveillance et chasse des pirates dans leurs ports) n'est pas vraiment sérieuse. Le ministre de la Défense français, Hervé Morin, l'a confirmé, aujourd'hui, expliquant même : nous avons déjà essayé et çà n'a pas marché.

De façon très diplomatique, le ministre a commencé, mezzo vocce : « J’ai entendu avec intérêt les propositions de Carmen Chacon. Tout ce qu’elle dit, je l’écoute avec beaucoup d’intérêt. Vous savez qu'Atalanta, c’est une initiative Française-Espagne. On a les mêmes positions sur tous les intérêts. »... Bref : je ne suis pas d'accord avec Carme Chacon mais je reste poli. Puis il n'a pu s'empêcher de préciser : « Vous savez, je n'ai pas eu l'occasion de le dire à Carme Chacon. Mais nous avons déjà testé le principe de prendre les pirates à la source, de reprérer les bateaux mères. Les Français directement et Atalanta l'ont fait pendant plusieurs semaines (1). Et… ça n’a pas donné les résultats que nous espérions. On s'est rendu compte de ce qu'on craignait, les pirates se déplacent. Car une base de pirates, c’est bien peu de choses. C’est assez facile de déplacer une base nautique de pirates. » Cela clôt le débat...

Une tactique politique habituelle. On peut se dire : mais les Espagnols sont-ils à ce point aussi peu informés ou peu professionnels ? Je ne ferai pas l'injure à Carme Chacon qui est suffisamment intelligente et bien entourée. En fait, c'est une bonne vieille tactique de négociation politique européenne qui fait courir tout le monde et marche à quasiment tous les coups. Quand un ministre ou un gouvernement est mis sous la pression au plan national sur un sujet, il envoie généralement la patate chaude au niveau européen, en calant sa demande soit sur un point qui a déjà été avalisé, soit un objectif irréalisable. Dans la première version, cela permet de dire : "nous l'avons demandé, cela a été dur mais nous l'avons obtenu ; dans la deuxième version ce sera : "nous l'avons demandé, nous étions prêts à le faire mais, eux, ils ne veulent pas". Le résultat est, en général, garanti : soit, tout le monde a oublié la demande, et le sujet passe aux oubliettes, soit le ministre concerné ressort blanc comme la neige, victorieux dans les deux cas. En cas d'échec, c'est imparable : c'est la faute à Bruxelles. En bref, taux de réussite assuré.

(1) D'après les informations recueillies, la frégate française La Fayette et la frégate belge Louis-Marie ont été affectées en "mission de surveillance et de recueil de renseignement", le long des côtes somaliennes.

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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