Visages de l’Europe : la fronde des femmes. Une procédure d’un autre âge
Ce soir, les 27 auront un dîner pour déterminer qui seront les prochains visages de l’Europe. Un dernier marchandage sera nécessaire pour permettre la mise en place du Traité de Lisbonne. Plusieurs candidats ont, en effet, manifesté leur intérêt pour le poste de président permanent des sommets européens. Il y a même pléthore : l’ancien Premier Ministre britannique Tony Blair, le Premier Ministre luxembourgeois J.-C. Juncker, le Premier Ministre Belge Herman Van Rompuy, son homologue néerlandais Balkenende, et le président estonien Toomas Hendrik Ilves, etc… Mais, sauf surprise, une seule femme est sur les rangs : l’ancienne présidente lettone Vaira Vike-Freiberga. Quant au poste de la diplomatie européenne, le Britannique Miliband dispute le poste à l’Italien D’Alema. La future Commission européenne pourrait ne compter que 7 ou 8 femmes sur 27. Trop peu !
Un jeu très masculin que les femmes de tous bords entendent bien troubler
Les femmes sont venues troubler ce jeu. Hier, plusieurs députées sont venues ainsi symboliquement en costumes-cravates déposer leur CV au Conseil des Ministres. Elles revendiquent la parité. Plusieurs commissaires, — la Suédoise Margot Wallström, la Néerlandaise Neelie Kroes — ont commencé à sonner la tirette d’alarme. Les députées européennes venues de tous les groupes politiques ont averti. S’il n’y a pas davantage de femmes, « c’est simple, il n’y aura pas de nouvelle Commission » a averti la coprésidente des Verts, Rebecca Harms. « Nous avons atteint un niveau où les femmes du Parlement disent : ça suffit. Nous voulons que les femmes soient suffisamment prises en compte dans la Commission européenne, pour le choix du président du Conseil et pour le choix du successeur de Javier Solana. Nous sommes très sérieuses. M. Barroso doit prendre cet appel au sérieux et intervenir auprès dans Etats membres. » Sans changement, « nous nous abstiendrons ou voterons contre » prévient la Socialiste danoise, Britta Thomsen. « L’Europe doit montrer l’exemple. Il y a des femmes compétentes dans tous les partis politiques : Vaira Vike-Freiberga ou Ursula Plasnik par exemple. Avec un peu de volonté, et conscience de leur devoir moral, ils peuvent proposer une femme. » « Nous voterons contre » confirme sa collègue libérale Diana Wallis.
Un choix d'un autre âge
Il est vrai qu’au-delà des questions de personne, le processus de nomination paraît d’un autre âge. Opaque, confus, et peu démocratique. Tout se passe en coulisses et en catimini. Et finalement nul ne sait pourquoi tel pays propose tel commissaire. Dans certains pays, c’est une décision d’une seule personne, le chef de l’État ou du gouvernement, comme en France. Dans d’autres, c’est une décision du gouvernement, de façon plus ou moins collégiale. Parfois, il s’agit d’un poste « gouvernemental ». Mais l’ambition affichée d’une plus grande démocratie est bafouée. Il faudra certainement aller vers un jeu plus démocratique. on ne peut plus anti-démocratique. Il n’y a pas de circuit de candidature, d’audition préalable. Comme l’explique Sylvie Goulard, députée européenne (Modem) « On vient d’un système où la diplomatie régnait en maître – il n’y avait pas de candidat officiel - et on essaie d’y mettre de la démocratie. Ce n’est pas facile. Les gouvernants résistent. Mais l’évolution est nécessaire. C’est une question de légitimité. Une Europe avec peu de femmes à sa tête et aucun représentant des minorités ne sera pas crédible ».
Nicolas GROS-VERHEYDE
Version longue d'un article paru dans Ouest-France, septembre 2009
