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Les Européens pas très enthousiastes pour une mission Eusec en Somalie

(BRUXELLES2 / A Göteborg) La demande de Javier Solana de développer une mission de la PESD d’assistance et de réforme des forces de sécurité en Somalie n’a pas enthousiasmé beaucoup les ministres de la Défense, réunis à Göteborg, mardi.

Tout le monde est bien conscient autour de la table des Ministres, qu’il est nécessaire de stabiliser ce « pays » et d'éviter qu’il tombe dans une anarchie totale.« Nous sommes tous préoccupés » a résumé le ministre suédois de la Défense, Sten Tolgfors, qui présidait la réunion.
« Nous devons avoir un niveau d'engagement adéquat dans la région. L'opération Atalanta est un succès. Mais agir en mer ne signifie pas que le problème (de la piraterie) disparaît car la source du problème se situe à terre ».  Mais quand il s’agit de mettre des moyens et d’arriver à une position commune, c’est une autre histoire...

Les 27 Ministres des Affaires étrangères avaient certes convenu, lors de leur réunion de juillet, d'explorer les options possibles (*). Leurs homologues de la Défense ne semblent pas tout à fait aussi déterminés. « C'est une question extrêmement compliquée qui nécessite de trouver des coopérations. Cette discussion était un point de départ. Ce n'est pas la conclusion. Nous allons devoir travailler dans les semaines et mois qui suivent pour revenir bientôt avec des solutions » a reconnu Sten Tolgfors, le Ministre suédois de la Défense, lors de la conférence de presse finale.

  • (*) The UE "will explore the possibility of additional EU support to the security sector, including through support to the UN-led assessment process and TFG priorities and commitments as well as through the training of security forces. The Council agrees that support in the security sector should be well coordinated, notably with the AU, the UN and other relevant EU partners, in particular the US. It should support a Somali national security strategy, committed to the rule of law, respect for human rights and
    gender".

L'exemple français. La formation de 500 membres des forces de sécurité, démarrée cet été à Djibouti par les Français a été cité comme un exemple. 150 soldats ont déjà été formés et la formation de 350 autres va démarrer (**). Les Français souhaiteraient maintenant que les Européens les relaient et les suppléent dans cet effort. Mais peu de voix se sont joints concrètement à cette demande. L’Allemagne  (présente à Djibouti également avec une centaine d'hommes dans le cadre de l'opération Enduring Freedom), le Luxembourg, Chypre ont proposé leur aide et contribution. L'Espagne a également soutenu cette position sans être trop précise sur les moyens.

  • (**) Une formation militaire pratique de base. La formation donnée dure trois semaines. « Il ne s’agit pas d’une formation type commando - m'a précisé un militaire de haut rang. « En quelques semaines, c’est impossible. Et puis il ne s’agit pas de former des soldats d’élite sans savoir ce qu’ils deviennent ». Il s’agit donc davantage d’une formation, type conscription accélérée : « Nous
    prenons des futurs soldats et les amener rapidement à une capacité opérationnelle, apprendre à obéir, réagir en groupe
    … » Les appelés sont choisis par les autorités somaliennes. Mais les Français filtrent les candidatures pour éviter certains éléments - d'éventuels fondamentalistes mais aussi les mineurs. Plusieurs ont ainsi dû être renvoyés car ils paraissaient mineurs. « Il n'est pas question pour l'UE de former des enfants soldats ».

Les autres ministres autour de la table sont restés attentistes, pour ne pas dire sceptiques. Personne ne s’est non plus vraiment opposé à la poursuite des discussions. Comme le résume le ministre belge de la Défense, Pieter De Crem, que j'ai interrogé sur cette question : « cette suggestion est intéressante. Mais il y a beaucoup de questions qui se posent. Nous avons non seulement des contraintes budgétaires. Mais nous devons aussi faire face à une situation très spécifique. Si on s’engage, il faut savoir quand la mission sera terminée ; comment on va se retirer. Et ce qui suit. » Et d’ajouter : « Nous ne pouvons pas être seuls. C’est aussi un problème qui concerne principalement les Africains. Et il faut les impliquer. Comme il faut travailler avec d'autres partenaires comme les Etats-Unis ou l'OTAN». Pour la ministre espagnole de la défense, Carme Chacon, il faut veiller à « ne pas avoir un effet boomerang : que ces agents  formés par des forces européennes, finissent par devenir des pirates lorsqu'ils quittent l'armée».

Commentaire

Ces réticences sont-elles le signe d'un échec ? Pas tout à fait sûr. Avec l'Union européenne, on ne sait jamais. L'audace est parfois au détour du chemin des réticences. "Nous n'avons pas chômé - justifie un proche de Solana - la décision d'explorer les pistes est intervenue fin juillet, la première formation "test" a démarré en août, des missions exploratoires sont parties en août et en septembre". Et comme me l'a rappelé un autre acteur de la PESD, "cela sonne comme un rappel des premières discussions qui avaient précédé le lancement de l'opération anti-pirates". Effectivement quand on se remémore les premières discussions, le lancement d'Atalanta a connu plusieurs épreuves et son succès était pas assuré.

Une mission pas tout à fait ordinaire. Il ne s'agit pas vraiment d'une opération "classique" de conseil et d'assistance à la réforme de sécurité mais carrément d'entrainer des troupes opérationnelles d'un pays en proie à une instabilité et où les islamistes radicaux sont très présents. De fait, l'UE aurait une mission de conseil, du type de celle que les Etats mènent d'ordinaire en coopération bilatérale (la France en Afrique, l'Espagne en Amérique latine) ou du type de celle que l'OTAN et les Etats-Unis mènent... en Afghanistan. 

La piste d'une mission commune UA-UE. C'est pourquoi une des pistes envisagées les plus sérieuses pourrait être une mission commune de l'Union Africaine et de l'Union européenne. L'UE apportant son assistance technique, ses compétences et ses moyens financiers à une mission de conseil de l'UA. Ce qui serait sans doute plus acceptable pour plusieurs participants autour de la table.

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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