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Barroso a-t-il toujours une majorité au Parlement européen ? Vite un autre candidat…

En repoussant à septembre (éventuellement plus), le vote sur la reconduction de José-Manuel Barroso à la tête de la Commission européenne, les eurodéputés se sont
laissés du temps pour voir... Mais deux mois, c'est long, très long. Et dans l'entourage de José-Manuel Barroso, on est très anxieux. Et on a tout fait pour que l'échéance ne soit pas repoussée.
Mais il est trop tard. Voici venu l'été, où l'actualité peut basculer à tout moment, puis l'automne. Et, au Parlement européen, l'ancien Premier ministre portugais, ardent soutien de l'intervention
enIrak, est de moins en moins assuré d'avoir sa majorité. Malgré tous les appels pressants - parfois un peu trop se sont plaint certains députés - du cabinet de JM Barroso qui s'est reconverti en
force de frappe électorale, au fil des jours, les opposants se renforcent. La bronca partie des Verts et des Communistes a ainsi gagné la plupart des autres "grands" partis.

• Les Socialistes et Démocrates ne sont plus décidés à faire de cadeau : le leader Martin Schulz, qui n'avait pas de mots assez durs pour Barroso en privé, était presque prêt à se ranger à la
Realpolitik et soutenir ce candidat. Mais la défaite du PS a réduit et raidi ses troupes et la campagne électorale en Allemagne (comme au Portugal) n'incite pas à la mollesse. Même les Portugais et
les Espagnols dont les gouvernements soutiennent Barroso ne sont pas tous disposés à le soutenir à Strasbourg.

• Les Libéraux et démocrates, sous l'impulsion de Guy Verhofstadt, ont commencé à basculer. L'ancien Premier ministre belge, qu'on pourrait croire a priori pas éloigné de Barroso sur certains
points idéologiques est, en fait, son antithèse au point de vue politique : hostile à l'intervention en Irak, fédéraliste et volontaire pour une nouvelle audace européenne, devenu partisan de la
régulation au fil des ans (1), le groupe est ainsi, en train, de basculer dans un attentisme voire une hostilité (pour un bon tiers des élus).

• Même chez les Chrétiens-Démocrates du PPE, le vote anti-Barroso gagne. "Le PPE qui a été le seul parti à arborer un candidat pendant la campagne électorale européenne, s'est piégé avec ce
candidat. Son problème est maintenant, comment s'en se dédire, renoncer à la candidature
." explique un observateur attentif des milieux européens, proche du PPE, qui estime à « une petite
centaine
(sur 264), "le nombre de députés chrétiens-démocrates qui pourraient fuir la consigne de vote (en étant absents, s'abstenant voire votant contre)". Si le nombre de députés
ainsi "volatiles" peut être précisé, cette pression est réelle et explique pourquoi les leaders du parti ont fait, en quelque sorte, le service minimum pour soutenir "leur" candidat. "Ce doit
être Barroso parce que nous sommes le premier parti, que nous avons remporté les élections et que notre candidat est Barroso"
. Un peu court comme défense.

Si on fait un décompte plus serré, le seul moyen pour Barroso d'avoir une majorité (relative) serait de combiner une alliance avec l'extrême-droite et les eurosceptiques : ce qui pourrait être
suffisant sur le papier mais néfaste politiquement et condamne, de fait, sa candidature (un président de la Commission élu avec une telle majorité, et une abstention importante, n'aurait pas la
légitimité nécessaire dans une Europe où la coalition gouvernementale est la règle).

A l'usure du candidat répond l'objectif du Parlement : se "faire" le candidat du Conseil. En fait, chacun sait en effet que le candidat est usé. Usé par cinq ans de présidence de la
Commission européenne où il n'a pas montré un grand dynamisme dans sa fonction. Eculé jusqu'à dans sa méthode politique : son coté caméléon - « disant à l'un « "je suis pour le marché
libre", à l'autre "je suis pour l'économie", au troisième "je suis pour la solidarité" et au quatrième "je suis pour tout ce que vous voulez"
», comme le raconte si bien Verhofstadt - a vécu !
Usé surtout par son loupé monumental sur la crise financière et économique. Minimisant les faits jusqu'au dernier moment, quand la crise était connue au vu et au su de tout le monde, il a fallu
encore plusieurs mois à la Commission européenne pour tenter de reprendre l'initiative. Trop tard ! lesÉtats avaient déjà agi, dans le désordre. Résultat : dans le domaine économique, qui est le
coeur même de l'action de la Commission européenne, celle-ci s'est retrouvée à la remorque contrainte de rhabiller en plan européen ce qui n'était ni plus ni moins qu'une vingtaine de plans de
relance nationaux (certainsÉtats sont au bord de la faillite et on ne peut pas parler de plan de relance mais de plan de survie). Comment continuer de faire confiance au guetteur d'incendie qui a
vu les feux se déclarer sans donner l'alarme et envoyé en retard lesCanadairs ?

Une notion de pouvoir pour le Parlement européen. A toutes ces causes intrinsèques au candidat s'ajoute un fait majeur, plus politique, de pouvoir entre les institutions européennes, qui
supplante tous les autres aspects : en avalisant, sans coup férir, le candidat imposé par le Conseil, le Parlement européen nouvellement élu se retrouve inféodé à celui-ci. Pour marquer son
autonomie, son pouvoir politique, tant par rapport aux Chefsd'Etat qu'à la Commission européenne, le Parlement européen est donc tenu de "remiser" le candidat proposé par le Conseil. Cette notion
est fondamentale. C'est comme unepole position dans un rallye automobile. Si le Parlement ne le fait pas, il perd un peu de sa puissance. S'il le fait, il peut prétendre tenir son rang par rapport
aux chefs de gouvernement. 

Candidats alternatifs : ils existent. La seule solution parait maintenant de trouver une issue honorable pour JM Barroso. Deux pistes sont possibles : 1) Le poste de président du Conseil
européen pour deux ans et demi - une idée qui coure depuis quelques temps dans les milieux européens et que Dany Cohn-Bendit a exprimé publiquement la semaine dernière - ou un retour au Portugal,
le gouvernement socialiste semblant s'acheminer vers une possible défaite. Et de lui trouver un remplaçant à la tête de la Commission européenne. Les principaux partis (libéraux et socialistes) ne
disputant pas au PPE le soin de proposer un autre candidat. Celui-ci a tout l'été pour trouver la personnalité idoine susceptible de rencontrer l'adhésion des 27 chefsd'Etat et de gouvernement. Et,
contrairement, à ce que prétendent certains observateurs proches de JM Barroso, les "bons" candidats ne manquent. Rien qu'au sein du PPE : un Allemand comme le ministre de l'Intérieur W. Schäuble,
un Autrichien comme l'ancien Premier ministre W. Schüssel (aujourd'hui chef de groupe au parlement autrichien), un Néerlandais comme le premier ministre J. Balkendende ou l'ancien secrétaire
général de l'Otan J. De Hoop Scheffer... pourraient faire des noms susceptibles de rencontrer une certaine adhésion.

(1) Guy Verhofstadt, lors d'une conférence de presse au Parlement européen le 15 juillet, retrace ainsi son parcours : "J'ai flirté avec le néolibéralisme. Il y a dix ans je pensais
qu'on pouvait faire le marché sans régulation. Ça m'a pris dix ans, mais je suis persuadé aujourd'hui qu'il faut un minimum de régulation pour le marché financier. Adam Smith disait déjà que pour
faire fonctionner un marché, il faut des règles. Et on ne comprend pas en Europe pourquoi on régule le lait et les voitures mais pas le marché financier !". Son groupe demande ainsi l'établissement
d'un superviseur financier.

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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