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Un tribunal spécial “piraterie” au Kenya: l’idée fait son chemin

(B2)Au dernier conseil des ministres des Affaires étrangères, le ministre néerlandais, Maxime Verhagen, a plaidé pour la mise en place d'un tribunal régional pour la piraterie en Afrique orientale. Cela devrait se faire "sous le parapluie des Nations-Unies. Les condamnés pourraient alors purger leur peine dans leur région",a-t-il expliqué. Cette position serait soutenue par plusieurs pays européens - l'Allemagne et le Royaume-Uni notamment -,selon le ministre néerlandais.

Les raisons de cet engouement pour la justice internationale sont diverses

Même si la convention internationale de Montego Bay (droit de la mer) prévoit la répression de la piraterie. le jugement ensuitede pirates somaliens, yéménites par des navires de guerre internationaux en pleine mer pose d'incommensurables problèmes juridiques. Sans compter les problèmes pratiques : comment assurer la traduction, la visite des familles par exemple... A cela s'ajoutent des préoccupations moins avouables, de basse politique interne. Ainsi les Pays-Bas (comme l'Allemagne et plusieurs pays européens) ne sont pas très friands de devoir rapatrier des pirates dans leur pays, de les juger, les emprisonner, même si leur loi permet une compétence universelle. Car cela les obligerait, ensuite, une fois la peine prononcée (ou s'il y a relaxe) à leur donner l'asile ou un droit de séjour. Le jugement, "au loin", est donc préférable. Les récentes déclarations d'un des pirates rapatriés aux Pays-Bas qui estimait qu'il préférait être "prisonnier aux Pays-Bas que libre en Somalie" et comptait faire venir sa famille par la suite, ont ravivé la crainte, très palpable, chez les Néerlandais, à
l'encontre de ces pirates qui viennent s'installer dans leur pays (lire le Volkskrant).

Un tribunal international par la voie des Nations-Unies : Russes, Américains et Otan sont d'accord ?

On se souvient que le gouvernement russe (Medvedev et Poutine en tête) avait également plaidé dans un sens similaire il y a quelques semaines. Le procureur général de Russie, Alexandre Zviaguintsev, a résumé la position russe : "Le moyen le plus rapide de créer un mécanisme de justice internationale pour lutter contre les actes de piraterie maritime - a-t-il déclaré le 13 mai, selon mes confrères de Novosti - consiste à adopter une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU instituant un tribunal international pour juger les pirates, comme on l'a fait en 1993 et en 1994 pour la Yougoslavie et le Rwanda", a-t-il indiqué dans une interview au quotidien Rossiïskaïa Gazeta. Les autres scénarii — créer un tribunal par un accord entre les États concernés; placer la piraterie maritime sous la juridiction de la Cour pénale internationale ou mettre en place une chambre pénale auprès du Tribunal international du droit de la mer — impliquent la signature d'un traité international, ce qui prendra plusieurs années, selon lui. Sans compter l'hostilité par principe de certains pays (Chine, Inde, Etats-Unis...) à une Cour pénale internationale. Le porte-parole de l'Otan, James Appathurai a, quant-à-lui estimé que "l'idée d'un tribunal avec un parrainage éventuel de l'Onu mérite d'être explorée".

Kenya candidat à l'accueil d'un tribunal international... à condition qu'on l'aide

Le Kenya est volontaire. Le porte-parole du gouvernement Alfred Mutua, avait déclaré fin avril, que son pays était candidat à l'ouverture d'un centre anti-piraterie à Mombasa. Mais le gouvernement entend aussi que la communauté internationale soutienne cet effort. Il connaît fort bien les motivations des pays occidentaux à voir juger, loin de leurs yeux, les pirates. Ainsi, selon mes informations, l'Union européenne a déjà versé 1,7 millions d'euros destinés à moderniser les prisons et les tribunaux kenyans et de fait à "compenser" les livraisons de pirates. Mais, le Kenya estime que cette somme n'est pas suffisante. Et demande une réévaluation du montant...

(NGV)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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