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A. Flahaut: la France réintègre l’OTAN = ralentissement de la PESD

(B2) Rencontrer des anciens ministres de la Défense est toujours intéressant. Car ils ont souvent l'expérience, le recul nécessaire, et la parole un peu plus libre que les Ministres en exercice. Quand celui-ci est belge, et qu'il a officié plus de 8 ans dans ce ministère, qui plus est auprès de Guy Verhofstadt, c'est encore plus captivant. Aussi le déjeuner en tête-en-tête que nous avons pu improviser avec André Flahaut (début avril) n'a pas manqué d'attrait. Celui a été un des artisans du « sommet des Pralines », qui avait pour but accélérer l'Europe de la Défense, même s’il n’exerce plus d’activité gouvernementale, garde toute sa sagacité, et son mordant, sur les évolutions en cours, qu'il s'agisse de la réintégration de la France à l’OTAN, des dépenses militaires, de l'avenir de l'Airbus A400M, de l’Europe de la Défense ou des opérations en cours, par exemple en Afghanistan... 

La France a réintégré l’OTAN en avril. Y voyez-vous un progrès pour l’Europe de la Défense ?
Je ne suis pas sûr. Cette réintégration ne va pas nécessairement aider la politique européenne de défense. Dans l’OTAN que j’ai connue, la France jouait souvent le rôle de chef de file des pays qui revendiquaient une autre approche. Pour les petits Etats (comme la Belgique), ça les rend orphelins d’une garantie d’autonomie par rapport aux grands pays. Dans tous les cas l’Europe de la défense reçoit un coup. Je crains un ralentissement. 

Cela assainit cependant les relations au sein de l'Alliance ?
Je crois surtout que le moment est venu de redéfinir – ou confirmer – les principes de base de l’Alliance. Celle-ci est, avant tout, une Alliance politique et doit le rester. Il ne faut pas laisser les militaires agir seuls. L’OTAN doit ainsi continuer de décider par consensus ; il ne faut pas recourir à cette procédure de silence qui supprime le débat. Ensuite, elle doit agir dans le strict cadre de l’ONU et en limitant ses interventions dans certaines zones. Enfin, il doit y avoir un financement prévisionnel et des stratégies de sortie pour chaque opération afin d'éviter tout dérapage. 

Vous estimez donc que l'OTAN doit voir sa zone d'intervention limitée ?
Oui. Je ne trouve pas souhaitable que l’OTAN ait vocation à intervenir partout. En Afrique, en Méditerranée, c’est l’Europe qui doit agir. Ainsi l’intervention de l'OTAN au Tchad – certains y pensaient à un moment – n’est pas possible. De même, les relations avec la Turquie, l’Ukraine, la Géorgie, cela concerne aussi l’Union européenne, ces pays sont sur le territoire européen. 

A vous écouter, on sent comme une concurrence entre l’Otan et l’UE ?
Il ne faut pas le nier. Il y a une concurrence entre l’OTAN et l’UE, même si ce n’est pas dit. Par exemple, les battlegroups de l’UE ont été conçus avant la NRF. Mais l’OTAN a été la plus rapide, car il faut bien le reconnaître... il y a moins de démocratie. Résultat les deux organisations ont mis en place deux structures différentes qui reposent
- on l'oublie toujours - sur les mêmes moyens des Etats membres. Et, aujourd’hui, la NRF n’est même pas disponible. 

Les Battlegroups ne sont pas vraiment non plus opérationnels ?
Ecoutez. Tout le monde nous bassine avec ces Battlegroups. Mais, avec l’Eurocorps, on a déjà cette force de réaction rapide. Pourquoi tout simplement ne pas se reposer sur lui et le mettre en œuvre si on a besoin. 

Il faut supprimer une organisation alors ?
Mais non. Les deux organisations ont des avantages. Il faudrait simplement injecter un peu de démocratie politique dans l’Otan et un peu plus d’efficacité militaire dans l’UE. Il est clair que l’OTAN a un rôle à jouer sur l'interopérabilité des matériels, des personnels. (...) Côté européen, il serait nécessaire d'avoir davantage d’engagement de certains pays - Les Britanniques freinent toujours, pinaillent jusqu’au dernier cent pour engager une assistante à l’Agence européenne de défense - et un peu plus de réalisme également. On n’arrive pas à avancer également car on veut faire certaines choses trop en grand. 

Peu d'Etats atteignent l'objectif fixé de consacrer 2% de leurs dépenses aux affaires militaires. Que faut-il faire ?
Ce seuil de 2% est une aberration. Je ne sais pas vraiment où ces gens ont la tête. En pleine crise économique, c’est de la folie. Quand vous dites qu’il faut un budget de défense de 2% alors qu’on n’a même pas atteint l’objectif de consacrer 0,7% du PIB aux politiques de développement, vous ne passez pas la rampe de l’opinion publique. Il y a, et il y aura, des économies à faire avec la crise. Et dans la défense, certains gains de rentabilité existent. 

Gagner en rentabilité dans la défense, vraiment ?
Tout est question de volonté. Je suis assez à l’aise sur ce point. Quand j’étais au gouvernement, sans augmenter le budget, on a pu moderniser la défense, en supprimant les différents états-majors et en créant une structure unique. Cela a permis d’en finir avec certaines commandes faites un peu en désordre. Nous avons pu aussi générer des coopérations avec nos voisins français et néerlandais. Ainsi notre marine est compatible avec celle des Pays-Bas. Tandis que la formation des pilotes d’avions se fait avec la France. Il faut pousser cette réflexion dans d’autres pays. Une structure unique de l'armée, avec une gestion moderne, décloisonnée, a beaucoup d’avantages. Et on notre coopération au niveau européen peut être optimisée. Travailler en commun ensemble est possible avec l’Agence européenne de défense. 

Sur quels sujets peut-on optimiser notre coopération ?
Je crois que travailler sur un programme industriel d’équipement, qui puisse voir le jour rapidement, du matériel de terrain pratique (comme l’énergie ou l’alimentation en eau…) serait intéressant. Il faut également renforcer la formation, arriver à une véritable Académie militaire européenne. 

Justement, l’Airbus 400M semble avoir quelque difficulté à tenir ses promesses. Faut-il abandonner ce programme ?
Surtout pas. Renoncer à l’A400M serait la plus grosse erreur que nous pourrions faire. Ce n’est pas un retard de quelques années qui doit nous faire hésiter. Cet avion stratégique et tactique est nécessaire pour nos armées. Nous sommes très demandeurs. La Belgique est d’ailleurs candidate pour accueillir l’État-major de la force aéronautique européenne à Beauvechain (tel qu’envisagé au dernier conseil des Ministres de la Défense). 

Dernière question: vous êtes un Européen convaincu. Qui voyez-vous dans les 5 prochaines années à la tête de la Commission ?
Poul Nyrup Rasmussen bien évidemment. Il faut en finir avec Barroso. 

Au niveau européen, une coalition est toujours nécessaire. A défaut d’un socialiste, qui d’autre ?
Guy Verhofstadt est certainement l’homme qui a le plus à coeur de défendre l’intégration européenne.
(NGV)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

Une réflexion sur “A. Flahaut: la France réintègre l’OTAN = ralentissement de la PESD

  • “Ainsi notre marine est compatible avec celle des Pays-Bas. Tandis que la formation des pilotes d’avions se fait avec la France.”
    Correction: la Marine belge a fusionné avec la Marine hollandaise et la formation des pilotes belges se fait en France et non pas avec la France, comme s’il s’agissait d’un partenariat 50/50…
    Avec Flahaut en route vers 0.5%, 0.4%, 0.3% de PIB dans le budget de l’armée ?
    Toujours plus de mots, toujours moins de moyens !
    La nécessité de rationaliser cache beaucoup de misérabilisme et de manoeuvres politiques (cfr les canons de 90mm, très rationnel !)

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