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Harmonisation fiscale : où en est-on ?

(B2)L’Europe a-t-elle compétence d’agir en matière fiscale ? Oui. Tout d’abord, d’un commun accord, les 27 peuvent décider « d’harmoniser » les taxes ou impôts indirects. Ils peuvent aussi décider de « rapprocher » toute législation nationale qui a « un impact sur le marché intérieur » (ce qui vise les impôts directs). Ensuite, chacun s’est engagé à lutter contre la « concurrence fiscale dommageable », autrement dit le dumping fiscal. Enfin, la Commission européenne a l’obligation de veiller à ce que chaque État ne taxe pas de façon discriminatoire, directe ou déguisée, les produits et services venant des autres Etats membres.

Certains impôts sont-ils harmonisés ? Oui. C’est le cas de nombreux impôts indirects : droits de douane et prélèvement agricoles (totalement harmonisés), TVA (taux minimum et limitation des dérogations), taxes sur l’essence ou les cigarettes. De façon plus timide, la fiscalité sur l’épargne a commencé à être réglementée (retenue à la source minimale). Concernant les impôts directs, une réflexion est en cours pour rapprocher les systèmes d’imposition pour les entreprises. L’impôt sur le revenu n’est pas concerné.

Comment les décisions sont prises ? Toutes les décisions d’harmonisation sont prises à l’unanimité par les Ministres des Finances des 27. Chaque État a donc un droit de veto. Ce qui retarde l’harmonisation fiscale. Mais aucun État n’a véritablement envie de remettre en cause cette disposition. Le Parlement européen est consulté.

Pourquoi est-ce complexe ? Chaque État a un système de financement différent. Et la fiscalité est souvent partagée entre l’État central et les collectivités locales ou l’État fédéral et ses régions et länder. L’harmoniser signifie dans de nombreux pays remettre en cause l’organisation de l’État, diminuer le pouvoir et la marge d’action des uns ou des autres.

Où est l’harmonisation fiscale est la moins forte ? C’est sur le terrain des entreprises ou des grosses fortunes que la concurrence fiscale est la plus sensible. Par le biais d’exonérations (taxe professionnelle, taxes immobilières, prélèvements sur les dividendes d’actions…) ou d’aides spécifiques, les Etats ou les régions tentent de se créer des revenus nouveaux.

Qui est le champion du dumping fiscal ? Moyen privilégié des pays les moins industrialisés (Irlande, Luxembourg, Slovaquie, pays baltes…), le dumping fiscal est cependant pratiqué par d’autres Etats. Ainsi le Royaume-Uni qui a placé les iles anglo-normandes ou de Man hors de toute discipline européenne. Les Pays-bas ont élaboré une législation spécifique pour les holdings. La Belgique privilégie les grosses fortunes, l’Autriche offre un asile fiscal discret aux Allemands, etc.

(paru dans Ouest-France, mai 2009 - fait partie d'une série de questions-réponses avant les élections européennes)

(NGV)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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