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La menace de récupération mafieuse plane sur la piraterie

(A DJIBOUTI) C'est une des craintes des spécialistes de la sécurité de la région du Golfe d'Aden. Que certaines mafias - même européennes - se "mettent sur le marché" de la piraterie, attirées par le ratio coût-bénéfice intéressant : le coût d'une opération revient à 10-15 000 $ pour un gain entre 1 et 3 millions $ et un risque somme toute limité. Une menace sans doute plus réelle que celles des milices islamistes, régulièrement évoquée mais jamais réellement prouvée. "Il faut donc stopper très vite cette montée en puissance de la piraterie", ainsi que me l'a confié un officier djiboutien (une conversation quelques heures avant l'attaque du Tanit). "Sinon c'est un véritable appel d'air pour les mafias diverses" (italiennes par exemple).

Interrogations...

Le redoublement des attaques dans le sud de la Somalie, particulièrement audacieuses, loin des côtes, assez synchronisées, qui n'hésitent plus à s'en prendre à des bateaux qui représentent un intérêt pécuniaire limité mais un risque politique et/ou militaire plus important,pose notamment quelques interrogations, sur l'organisation et les groupes à l'origine de ces attaques.

Deux explications sont en jeu : soit ce sont les bandes qui avaient déjà attaqué le Faina, qui reprennent de l'activité, après une "pause de digestion" ; soit il s'agit de nouvelles bandes (éventuellement constituées par quelques équipiers des premières attaques).

Quelques éléments font pencher la balance vers cette dernière explication. Les dernières attaques sur le Tanit, le Maersk Alabama ou le Liberty Sun (*), montrent qu'il y a au moins une évolution tactique des pirates, voire un changement plus stratégique. A regarder le modus operandi sur le Tanit, on peut se demander si la prise d'otages n'est pas en soit l'objectif premier des pirates, plutôt que la prise du bateau (avec leur équipage) pour une rançon, somme toute "modique".

Soit pour exercer un moyen de pression et de chantage, classique d'une prise d'otages, sur l'Etat concerné (la France qui détient des pirates somaliens), soit pour augmenter le montant des rançons. Dans les deux cas, on semble bien à la veille d'un changement plus important. Et les craintes de certains responsables djiboutiens semblent se justifier sur le terrain.

(*) On peut se demander aussi si l'attaque sur le ravitailleur militaire allemand Spessart ne ressortait pas de ce type d'évolution. Car il paraît incroyable, de tous les observateurs présents dans la zone, que les "pirates" ne se soient pas rendus compte qu'ils partaient à l'assaut d'un navire
militaire.

(NGV)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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