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La bêtise française … (sur les listes d’eurodéputés)

(Paru dans Ouest-France dans une version courte) La plupart des partis politiques français, socialistes et UMP en tête, sont en train de commettre une belle boulette dans leurs listes aux prochaines élections européennes. Les députés travailleurs, reconnus de leurs pairs, influents donc, n’ont pas automatiquement été récompensés. Ce pour des raisons obscures de politique interne, difficiles à saisir pour le néophyte surtout vue d'Europe.

La "bêtise" du PS. Côté du PS, l’exemple le plus frappant est celui de Gilles Savary, spécialiste reconnu du transport maritime, qui a été tout bonnement écarté des listes (on lui a proposé une place de 5e inéligible au profit d’un glorieux inconnu qui a le « seul talent d’être premier secrétaire d’une fédération départementale »). Autre exemple : celui d'Anne Ferreira, placée en huitième de liste (donc inéligible), qui est une de seules députés françaises à la commission environnement (commission principale dans ce secteur où l'essentiel de la législation provient d'Europe). En bref, au PS, au nom d'arbitrages de courants, la prime a souvent été donnée à "ceux qui ne font que poser leur manteau pour signer la feuille de présence" (ils se reconnaîtront) ou à de glorieux inconnus (peut-être valables mais qui sont des "bleus" au Parlement européen).

A droite, ce n’est pas (vraiment) mieux.
Si Alain Lamassoure, cador des affaires institutionnelles, et Jean-Paul Gauzès, as du circuit financier, ont été repêchés, ils ne sont pas assurés de leur siège (Lamassoure est en 3e position dans le sud-ouest, position délicate de l'avis de tous).

Une perte sèche pour les Français

Une méprise sur le Parlement. L'UMP mais surtout le PS n’ont pas vraiment compris le rôle primordial du Parlement européen – qui influe sur toutes les législations nationales – ni l’importance qu’il y avait d’avoir à Strasbourg des députés connaissant toutes les ficelles de la fonction. Cela permet d’influer sur les votes, les amendements, les textes. Et d’obtenir les rapports importants. Ceux-ci, explique un habitué des travées, sont souvent répartis « entre anciens ».

Retard dans la bataille. Pire, les partis français arrivent un peu tard. Britanniques et Allemands, par exemple, ont déjà constitué leur liste depuis plusieurs semaines (depuis novembre même des listes circulent au Parlement). Et des tractations discrètes ont déjà commencé pour se répartir les postes clés du futur Parlement : président de commission, coordinateur. Du côté français, l’UMP mais surtout du coté du PS, arriveront donc après la bataille. En plus avec des troupes inexpérimentées et inconnues pour la plupart. Bravo !

Pour être influent au Parlement...

Il n'y a pas dix méthodes : il y en a deux.

1) Soit on est travailleur, et présent (mais réellement présent), et à force de travail, de sens de proposition et d'esprit, on arrive à acquérir auprès des autres députés, l'estime nécessaire qui permet d'emporter un avis décisif. Hormis ceux déjà cités, c'est le cas d'un J.L. Cottigny ou de Pervenche Bérès (au PS), d'une Françoise Grossetête (UMP), d'un J.L. Benhamias ou J.M. Beaupuy (Modem) ou d'une Hélène Flautre (Verts)... (liste non exhaustive - que ceux que j'ai oubliés m'en excusent).

2) Soit on a un antécédent politique important ou de la "gueule". Ce qui permet de peser dans les débats. Un ancien Premier ministre, type Rocard, ou un Jack Lang, a sans doute un peu plus de poigne et de présence qu'un X ou Y. L'UMP a compris cela avec la présence dans ces rangs de poids lourds comme Michel Barnier (ancien commissaire européen, ancien ministre des Affaires étrangères et ministre de l'Agriculture) ou de Catherine Colonna (ancienne ministre des Affaires européennes et porte-parole de Jacques Chirac) capables d'en imposer. Les Verts également avec Cohn-Bendit, José Bové, Eva Joly ont une bonne dream team plus médiatique que technique. Mais cela aussi c'est important. Le PS n'a quasiment aucun leader de cette trempe...

NB : A Strasbourg ou Bruxelles, il ne suffit pas en effet d'organiser un déjeuner avec quelques journalistes, de faire un tour au "bar de la presse" ou au "bar des députés", ou de planter ses beaux yeux bleus dans un couloir, avec une lueur d'intelligence, pour "être". Le "paraître" est vite démasqué et n'a rapidement aucun poids réel dans les discussions. Et l'intrus peut aller se rhabiller (au sens propre comme figuré).

 (NGV)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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