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Berlin s’interroge sur l’avenir de l’Airbus A400M. Londres aussi!


(B2) C'est le Spiegel qui l'affirme. Tenant en cela des informations venant du ministère de la Défense allemand. Berlin réfléchirait à interrompre sa participation au programme Airbus A400M. Plus exactement, "Si Airbus n'indique pas rapidement quand et comment il pourra résoudre les problèmes (techniques), le responsable des programme d'acquisition allemands, Rüdiger Wolf, pourrait conseiller, au moment opportun, au ministre de la Défense Franz Josef Jung, de mettre fin au contrat", souligne le journal (1).

Une solution tout à fait plausible, au moins juridiquement. Le retrait du programme n'était en effet jusqu'ici pas possible (sauf à payer un dédit important - ce qui suffisait à faire taire tout début de vélléité de quitter le programme). A partir d'avril, cela deviendra possible, puisque le contrat signé entre l'OCCAR - pour les Etats participant - et l'industriel EADS permet de dénoncer le contrat et récupérer les sommes, en cas de retard de 14 mois sur le premier vol. Le premier vol aurait du avoir lieu en janvier 2008. Et l'OCCAR n'attend pas de premier vol avant l'été 2009.

Une menace plus qu'une réalité. En avril 2009, une fenêtre sera donc ouverte. Fenêtre dans lequel pourrait s'engouffrer le ministre de la Défense allemand, d'après nos confrères allemands... Mais j'ai comme un doute sur la possibilité de passage à l'acte, pour au moins trois raisons :
philosophique. Jusqu'à il y a peu, le gouvernement allemand estimait, devant le Bundestag, impossible de revoir ce contrat dans un sens ou un autre. Que ce soit pour certaines
spécifications ou pour renoncer aux indemnisations, "le gouvernement n'est disposé à renoncer à son droit contractuel" répondait le Ministère. En cela, l'Allemagne avait pour principe de dire "tout le contrat, rien que le contrat" ou comme le veut la formule latine : "pacta sunt servanda".
opérationnel, abandonner le programme veut dire trouver une autre solution. Et rapidement ! Il n'y en a pas 36000 sur le marché mais une : le bon vieux C130 relooké dans sa dernière version le J. Mais ces machines ont un prix également. A la question posé par un parlementaire sur une solution intérimaire, le ministère de la Défense avait d'ailleurs répondu "Keine". C'est clair...
social et économique. D'après le gouvernement allemand lui-même, environ 10 000 emplois dépendent de ce programme : 3 300 emplois directs et 7 150 emplois indirects. La conjoncture n'est peut-être pas idéale pour mettre ces personnes au chômage, même partiel... Surtout à quelques mois des élections générales (qui se tiennent en septembre)!

Un coup de négociation alors ? Pourquoi ce coup de sang allemand, ou cette petite fuite acerbe de l'administration de la défense. Sans doute parce qu'il s'agit de monter d'un cran la position allemande dans les négociations entamées entre l'industriel, les Etats membres et OCCAR. Alors que celui-ci doit remettre une évaluation du programme et des solutions, il s'agit de remettre les pendules à l'heure, en agitant une menace dissuasive, plus digne de la menace nucléaire, afin d'éviter que certaines solutions qui ne plaisent pas à Berlin ne s'échafaudent : notamment une renonciation aux indemnités de retard (comme le demandent les Français) ou une augmentation du prix (comme le demande EADS).

Un autre coup de semonce, venu de Londres. Autrement plus conséquente me paraît être le coup de semonce venu de Londres, plus exactement de la commission de défense de la Chambre des communes qui, dans son traditionnel rapport sur les équipements militaires, s'inquiète vertement du retard pris par le programme. Les députés britanniques s'interrogent notamment s'il ne serait pas préférable "d'abandonner (le programme) et de prendre (d'autres) décisions pour acheter ou louer d'autres avions afin de ne pas laisser un déficit de capacité dans le transport aérien se créer". Les Britanniques souffrant aujourd'hui d'une capacité aérienne critique, la question est autrement plus conséquente que pour les Allemands - même si la chambre des Communes a d'ordinaire la dent dure pour tous les programmes y compris britanniques...

(NGV)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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