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Un deuxième mandat pour José-Manuel Barroso : loin d’être acquis ?

(archives) Le renouvellement du Portugais José-Manuel Barroso à son poste de président de la Commission européenne pour un deuxième mandat, donné comme sûr, début janvier par certains commentateurs, n’est plus vraiment acquis à regarder l’évolution politique en Europe.

Quelle que soit la procédure utilisée (Traité de Nice ou de Lisbonne), le président de la Commission européenne est, en effet, nommé par les chefs d’Etats et de gouvernement mais il doit aussi être adoubé par le Parlement européen issu des urnes. Ignorer la configuration démocratique c’est prendre un risque certain de censure. L’épisode Buttiglione en 2004 l’a prouvé puisque le commissaire italien pressenti a été éjecté pour ce qu’il a cru pour un « bon » mot contre les homosexuels et failli entraîné la Commission dans sa chute.

Les chefs de gouvernement à la manoeuvre

Si nombre de chefs de gouvernement affirmaient, début janvier, vouloir soutenir Barroso. Nombre d'entre eux ont aussitôt ajouté : « pour le moment » Un candidat faute de mieux en quelque sorte. D’autant que se profilent des élections locales ou générales dans plusieurs pays (Allemagne, Belgique, Bulgarie, Lettonie…) qui pourraient changer la donne. L’ancien Premier ministre portugais de droite n’a pourtant pas démérité dans la mission qui lui avait été confiée par les Chefs de gouvernement en 2004 : amoindrir la Commission et faciliter les accords entre gouvernements. Personne ne voulait en effet d’un nouveau « Delors », « Santer » ou même « Prodi » qui, chacun, à leur manière ont tenu à affirmer l’indépendance de « Bruxelles ».

Mais cette stratégie a montré ces limites, notamment avec le manque de réaction dans la tourmente financière, économique et demain sociale qui marque l’Europe. Ainsi, y compris au sein de sa famille politique, le Parti populaire européen (PPE), celui qui a été proche de Bush paraît appartenir au passé. Et le couple allemand reconstitué, Nicolas Sarkozy et Angela Merkel, semble décidé à pousser une alternative. La vraie-fausse candidature du Premier ministre néerlandais, Jan-Pieter Balkenende n’est donc pas due au hasard et ressemble davantage à un ballon d’essai.

Le Parlement européen en arbitre

Au Parlement européen, il est difficile de déterminer 100 jours avant les élections quelle sera la majorité issue des urnes. D'autant que le nombre de députés va changer, passant de 785 à 736. Mais selon les premières projections réalisées par la Lettre de l’Expansion, à partir de sondages nationaux, même si ceux-ci varient brutalement d’un jour à l’autre, on observe une relative stabilité des grands groupes : Chrétiens-démocrates du PPE, Socio-démocrates du PSE, Centristes et libéraux de l’ADLE. Les pertes dans un pays compensant les gains dans un autre. Le PPE garderait cependant son titre de premier groupe. Mais l’avance sera-t-elle aussi nette qu’aujourd’hui ? Surtout si les tories britanniques, les Tchèques de l’ODS et autres eurosceptiques décident de faire groupe à part. Le PSE – malgré un mauvais score attendu en Italie et en Hongrie – ne s’effrite pas comme prévu. A cela deux raisons : en 2004, le score était si mauvais au Royaume-Uni et en Allemagne qu’il est difficile de le réitérer. Et l’effet « crise économique » joue en leur faveur. En revanche, le mouvement se fait aux extrêmes.

La poussée de l’Ultra-gauche est nette dans tous les pays (+ 10/15 sièges). Tandis qu’à l’extrême-droite et chez les populistes, c’est plus confus. La relative chute du PiS en Pologne et de l’UKIP au Royaume-Uni, deux grands pays, pourrait relativiser l’arrivée de Libertas qui reste cantonné à de petits pays. Du moins, pour l’instant. Ces évolutions ont une constante: le PPE, incontournable dans toute alliance au sein du Parlement, pourrait perdre ce monopole. Une alternative allant du centre à l’ultra-gauche devient possible. Du moins sur le papier. Ce qui met les Libéraux ou les Socialistes en position de force. Et affaiblit encore les chances pour Barroso d’être nommé. Les leaders des groupes actuels : l’Allemand Schulz (PSE), le Britannique Watson (ALDE) et le Franco-allemand Cohn-Bendit ne portant pas l’actuel président de la Commission dans leur cœur.

Le Haut représentant, le « vrai » homme fort de la Commission

Selon le Traité de Lisbonne, le Haut représentant « pour les affaires étrangères et la politique de sécurité » devient l’homme fort » de la Commission européenne, au même titre que son président, voire plus. Remplacer l’Espagnol Javier Solana sera donc ardu. Son successeur devient à la fois vice-président de la Commission européenne et président du Conseil des Ministres des Affaires étrangères. Et il participe au Sommet européen. Comme commissaire, il a le droit de vote sur tous les dossiers, même ceux qui ne sont pas de sa compétence directe.

Comparé à un poste gouvernemental national, il cumule ainsi les portefeuilles des Affaires étrangères, de la Défense et un bout de Bercy. Le poste est prestigieux. Mais pour l’occuper, il faut plusieurs conditions comme une expérience internationale. Parmi les prétendants possibles : le Suédois Carl Bildt, le Finlandais Alexander Stubb, le Néerlandais Jaap de Hoop Scheffer, actuel secrétaire général de l’Otan à moins que la France présente un candidat. Deux personnes remplissent actuellement les critères, côté français : Michel Barnier ou Bernard Kouchner.

Nicolas Gros-Verheyde
publié dans La lettre de l'expansion, février 2009

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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