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Des renforts européens pour l’OTAN en Afghanistan à durée limitée ?


(B2) Le renforcement de la Force internationale d'assistance à la sécurité (FIAS-ISAF) de l'OTAN se montre difficile, comme l’a montré la réunion des Ministres de la défense à Cracovie, les 19 et 20 février. Malgré une volonté d’optimisme du secrétaire général de l’Otan, Jaap de Hoop Scheffer, et de Robert Gates, le secrétaire américain à Défense, les Européens se font un peu fait « tirer » l’oreille.  L’Otan et les Américains ont demandé à leurs
alliés des renforts, surtout pour la période des élections présidentielles (dont le premier tour a lieu le 20 août). Ils considèrent que 10.000 hommes supplémentaires, dont 3.000 Européens, seraient nécessaires pour assurer le bon déroulement du scrutin présidentiel afghan, prévu pour le 20 août. Histoire de faire un pression sur leurs alliés, les Etats-Unis avaient d'ailleurs annoncé, avant la réunion, l’envoi de 17 000 hommes de plus (une brigade de 8000 Marines, une Brigade de l’armée de terre d’environ 4000 hommes et une force de soutien de 5000 personnes). Mais cette tactique n'a pas donné, apparemment, tous les fruits escomptés... La proposition de Robert Gates de déployer temporairement des éléments de la Force de réaction rapide de l’OTAN (NRF) a ainsi été refusée. Et si Jaap de Hoop Scheffer s’est réjoui « d’un engagement ferme des Alliés (notamment) pour assurer suffisamment de forces pour l'élection présidentielle du mois d’août », et Robert Gates s'est vanté d'avoir reçu des annonces de renforts de 19 ou 20 pays (dont 15 membres de l'OTAN), personne s'est bien gardé de fournir les chiffres des engagements et les noms des pays fournisseurs. Et pour cause, on arrive péniblement à 1500 hommes, selon mes comptes, et encore, souvent limités à la période des élections.


Les renforts annoncés : 1500 hommes
• L’Allemagne devrait ainsi envoyer 600 hommes supplémentaires de la mi-juillet à septembre (3600 actuellement). Mais, plutôt que de renfort, il s’agit davantage d’un chevauchement de relèves. L’effectif atteindra alors 4200 hommes, soit légèrement au-dessous du plafond maximal de 4500 autorisés par le Bundestag.
• L’Italie a envoyé 400 personnes en renfort sur place (2700 actuellement) et pourrait envoyer 100 hommes de plus avant la fin avril, atteignant ainsi la limite de 2800 hommes fixé par le Parlement. Ces renforts pourraient rester sur place. « Je n’exclus pas que nous augmentions notre présence après les élections présidentielles » a expliqué le ministre de la Défense, Ignazio La Russa. Le gouvernement va examiner « l'opportunité de soumettre aux Chambres une nouvelle augmentation temporaire ». Pour l’Italie, le problème n’est pas vraiment d’ordre législatif mais opérationnel (et financier). « Nos ressources ne nous laissent pas une large marge de manœuvre. S’il le faut, nous réduirons notre présence ailleurs. » a laissé entendre le Ministre à la presse italienne.
• La Finlande (non membre) : devrait envoyer 100 soldats supplémentaires pour une période de quatre mois pour surveiller les élections présidentielles et régionales.
• La Slovaquie a promis d’augmenter son contingent de 55 personnes (de 175 à 230) dans la première moitié 2009, selon le ministre de la Défense, Jaroslav Baska.
• La Hongrie va envoyer un peloton de fusiliers de 40 hommes pour sécuriser les élections, a affirmé le ministre de la Défense, Imre Szekeres (300 soldats actuellement).
• La Grèce devrait augmenter de manière "modeste" sa contribution (140 hommes actuellement) dans certains secteurs précis : aide à l'administration des élections, médecins et infirmiers, officiers de liaison + 7 hommes sur l'aéroport de Kaboul. Le ministre de la défense, Evangelos Meimarakis, a clairement expliqué que la Grèce n'était pas en capacité d'envoyer trop de troupes ou d'équipement, du fait de ses autres engagements (sous entendu également la défense territoriale et les incidents à répétition avec la Turquie).
• Les Pays-Bas, déjà forts engagés en Uruzgan répugnent à faire plus, hormis l'engagement de chasseurs F-16 et d’hélicoptères Apache et le renfort de militaires pour le quartier général.
• L'Estonie va envoyer une équipe de 5 à 7 personnes pour former l'armée afghane, a expliqué le ministre de la Défense  Jaak Aaviksoo. Cette mission devrait démarrer au 2e
semestre 2009.
• La Géorgie, candidate à l’adhésion à l’OTAN, devrait envoyer une compagnie (environ 150 hommes), selon le ministre de la Défense géorgien. L’Ukraine (qui a déjà sur place un PRT -
équipe provinciale de reconstruction) a promis un "petit groupe de spécialistes", a affirmé le ministre Yuriy Yekhanurov.
Parmi les autres engagements, le Pentagone a précisé que cinq pays avaient offert des hélicoptères additionnels et trois pays des avions de combats ou cargos. Les gouvernements
auraient aussi proposé de fournir 15 équipes d’entraînement supplémentaires pour l’armée afghane et une douzaine d’équipes de reconstruction provinciale (PRT).

 Huit pays n’ont pas voulu confirmer une augmentation de leur participation.
Le Canada, l'Espagne, le Royaume-Uni ainsi que l'Australie (non membre)
rechignent à envoyer de nouvelles troupes sur place, estimant que leur contribution est déjà importante et qu'il revient à d'autres pays de bouger avant toute nouvelle décision de leur part. Position identique pour la Norvège qui n'a pas exclu quelques renforts - mais uniquement de façon limitée pour les élections.
• La Pologne est aux prises avec des difficultés budgétaires. Le ministre polonais de la Défense, Bogdan Klich a ainsi
confirmé, à Cracovie qu’il n’enverrait pas les 600 à 800 hommes supplémentaires prévus.
• La République tchèque ne pourra pas envoyer tous les renforts prévus (200 soldats), la Chambre des députés ayant bloqué cet envoi.
• Et la France ?... Coté français, le silence reste de mise. A Cracovie, le ministre de la Défense, Hervé Morin, a préféré prendre la poudre d'escampette avant le traditionnel point de
presse. Affaire urgente l'appelant à Paris, selon la version officielle. Ordre de l'Elysée, pour éviter toute déclaration intempestive, selon la version officieuse. Quoi qu'il en soit, la version officielle est toujours « pas question, pour l’instant, d’envoyer des renforts ». Toute la nuance étant dans le "Pour l'instant". Cette prudence est évidemment liée de très près à la
question de la réintégration de la France des commandements de l’Otan. Le gouvernement attend, en fait, que tous les détails de sa réintégration, notamment l’obtention de postes de commandement, soient réglés.

(NGV)

(photo : camp de l'armée polonaise en Afghanistan)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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