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Réintégration de la France à l’OTAN, perte d’indépendance virtuelle?

(B2) La réintégration des commandements de l'OTAN en France ("normalisation" en terme officiel) donne lieu à des débats comme on les aime dans notre pays, un tantinet idéologique, les uns se réfugiant dans le drapeau de l'indépendance bafouée, les autres avançant la modernité. Peut-être serait-il temps de revenir à des notions moins polémiques et plus réalistes....

Indépendance ou dépendance. Effectivement, que la France revienne dans l'OTAN ne changera rien à son indépendance d'action. Ou plutôt elle ne changera pas dans son lien de dépendance de plus en plus affirmé avec ses Alliés. Quand on parle d'indépendance, évidemment dans ce cas, c'est à l'égard des États-Unis. Dans cette optique, la meilleure des garanties "d'indépendance" et "d'autonomie" est l'Europe et l'Union européenne. Et si l'on veut vraiment être indépendant, il faut d'une part quitter l'OTAN, d'autre part abandonner la participation à ses opérations principales. Personne, je pense, parmi les responsables politiques du PS, du Modem ou de l'UMP, qui se sont exprimé ces derniers temps sur l'OTAN, n'est capable d'avancer ce type de propositions. Mais la France est, à mon sens, plus liée à ses partenaires par sa participation aux campagnes en Afghanistan et au Kosovo, les deux opérations majeures de l'Alliance, que par la participation à des instances de commandement et de planification.

Les avantages de la réintégration (militaire, politique, économique). Je ne sais pas si la réintégration/normalisation permettra de peser davantage sur les décisions prises par l'OTAN. J'ai comme un doute... En tout cas, elle a un avantage immédiat. Elle va donner à quelques centaines d'officiers français l'opportunité d'aller faire une carrière internationale. A terme, elle permettra sans doute d'irriguer davantage, les idées françaises dans les différents circuits de l'OTAN (à supposer que les "idées" françaises soient si spécifiques -:). Politiquement, elle a un avantage indéniable (et sur ce point, Sarkozy et Morin ont raison), elle fait taire certaines craintes ou critiques de nos partenaires européens vis-à-vis de certains projets européens (UE) que la France pouvait défendre (notamment le QG militaire permanent de l'Union européenne à Bruxelles, ...). Ils ne seront plus tentés d'y voir un "sous-marin" dirigé contre l'OTAN. Enfin, et surtout, elle permet de promouvoir davantage dans les autres armées européennes le "made in France" - en sachant que tout ce qui est testé et approuvé par l'OTAN est la condition primaire et indispensable pour considérer l'achat d'un équipement de défense (des logiciels de navigation ou de pilotage de missiles aux équipements plus lourds, frégates et Rafale y compris...) dans nombre d'armées de l'organisation euro-atlantique.

Encadrer la réintégration. Maintenant plutôt que de débat idéologique, ne faudrait-il pas se poser les questions de l'encadrement de la réintégration. La réintégration pour quoi faire ? Pour influer sur quoi ? Dans quel sens ? Premièrement, il faut une réforme drastique de l'Organisation. Celle-ci peut paraître un peu disproportionnée par rapport aux enjeux réels du monde aujourd'hui, et surtout aux capacités économiques des Etats (je ne reviendrai pas sur les conditions de son fonctionnement démocratique évoqué dans un autre article). Deuxièmement, il faut se poser la question de la nécessité de certaines opérations, particulièrement en Afghanistan (mission qui a une conséquence indirecte, épuiser les armées européennes). Enfin, il faut préciser ce que l'on entend par avancées dans la politique européenne de sécurité et de défense (PESD) et notamment progresser dans un partage des tâches plus précis entre les deux organisations. Je sais que chacun y répugne, estimant qu'il n'est pas possible, de sectoriser l'action de ses organisations. Mais à mon sens, il est assez facile de voir où chaque organisation apporte le plus d'avantages. A suivre...

(NGV)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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