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Le budget des armées pris pour cible face à la crise économique

(B2) (mis à jour 18 février) Ce blog s'était fait l'écho des difficultés des armées polonaise et slovaque. La tendance semble sacrément se confirmer et même s'accélérer (depuis mon dernier article d'octobre dernier où je me posais la question). Car la crise financière frappe partout. Devant les besoins budgétaires de chaque gouvernement, les armées sont donc priées de se serrer la ceinture (comme tout le monde). En pâtissent soit les opérations extérieures (comme en France, Pologne...), soit certains équipements (Pologne, Slovaquie, Russie, Usa, Royaume-Uni...), soit les personnels (Slovaquie, Roumanie...). Gageons que cette première série de coupes sera suivie d'autres si la crise économique continue. Tous les Etats ont besoin de trouver des ressources face aux dépenses supplémentaires et pour pallier aux baisses de recettes.

• En Pologne. On commence à cerner quels contrats sont dans la ligne de mire des économies, après la réunion du gouvernement sur la révision des lignes budgétaires. Outre la suspension de
certaines missions à l'étranger, le contrat conclu avec le Norvégien Kongsberg pour équiper les côtes et les navires de missiles est remis en cause (ou au moins renégocié pour des délais de paiement/livraison). De même,  pourrait être compromis l’achat d’occasion des véhicules blindés américains de type MRAP Cougar (que l'armée polonaise utilise en Afghanistan et qu'elle empruntait jusqu'ici aux Américains).

• En Roumanie, un plan de réduction d’un cinquième des effectifs à l’administration centrale du Ministère de la Défense a été décidé. Une décision qui vient après celle annoncée en octobre dernier pour reporter l'achat d'avions de chasse. Le budget de défense pouvant passer au-dessous de la barre des 2% pour atteindre 1,5%.

• En Slovaquie. Après une première série de coupes (fermeture d'états-majors...). Un quart de l'effectif du personnel civil de l'armée a pris la porte (ou les postes supprimés) fin janvier. Et selon le quotidien SME, ces coupes pourraient atteindre les militaires professionnels : 10% de l'effectif (1600 militaires sur un effectif de 16 0000) pourrait ainsi partir ou ne pas être renouvelé. Une information que le Ministère de la Défense dément. En revanche, il semble bien que certains programmes d'équipement pourraient être reportés, notamment l'achat de véhicules pour remplacer les PRAGA V3S et d’avions de transport.

• Au Royaume-Uni. L'ambiance est tendue. Une bataille oppose le Trésor au ministère de la Défense pour le financement de certains matériels. Gordon Brown (quand il était chancelier de l'Echiquier, ministre des finances), avait demandé au Trésor de prendre en charge les équipements opérationnels urgents (UOR). Mais, comme le rapporte le Financial Times, les officiels du ministère des Finances rechignent aujourd'hui à payer tous les dérapages des programmes et demandent à la Défense de puiser dans ses fonds. Un budget de 635 millions de livres a été provisionné pour 2009-2010.  Ce qu'elle ne peut plus étant étranglée budgétairement. Pourtant, ces équipements sont nécessaires (blindés, UAV...), le gouvernement ayant apparemment largement sous-estimé le besoin d'équipements, et le sous-équipement, de l'armée britannique face à un conflit d'envergure et aussi long que celui de l'Afghanistan. Même si ce n'est pas encore officiel, la seule solution serait la révision de certains programmes d'équipement plus lourd. Là encore...

Ailleurs, ce n'est pas mieux...

• En Russie, le budget russe de défense pourrait être revu à la baisse de 15% en raison de la crise, a annoncé à RIA Novosti jeudi le vice-président du Comité de la Douma pour la
défense, Mikhaïl Babitch. Interrogé à la question de savoir si ce chiffre était définitif, le parlementaire a répondu que "tout dépendrait de l'évolution économique du pays". "Nous ferons pourtant tout ce qui est en notre pouvoir pour préserver la commande publique d'armements et les garanties sociales dont bénéficient les militaires", a ajouté l'élu. La commande publique russe se monte à plus de 29 milliards d'euros (1300 milliards de roubles) et à 89 milliards d'euros pour 2009-2011 (4000 milliards de roubles). (maj) : une baisse démentie formellement par le Président Medvedev, le 19 février, "les dépenses budgétaires d'armements et les allocations sociales accordées aux militaires ne seront pas réduites".

• Même aux Etats-Unis, le temps des coupes sombres dans certains programmes est arrivé. Comme l'a expliqué Robert Gates, le secrétaire américain à la Défense, "this department faces difficult choices among competing priorities and programs. (...) It is now clear that with today's economic realities, we are unable to place as much as the war cost as we would have liked as soon as we would have liked into the base budget". Parmi les programmes visés figure le (couteux) programme d'avion de chasse F-22, a reconnu Robert Gates, le Secrétaire d'Etat à la Défense, mardi, lors d'une conférence de presse. Mais ce ne serait pas le seul.  "It's obviously one of the programs that, along with a number of others -- many others -- that we will be looking at" a précisé Gates. Le budget américain se monte à plus de 500 milliards $ (hors dépenses Irak et Afghanistan). Pour lire le script de la conférence de presse.

(NGV)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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