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Missions PESD : de géniaux bricoleurs, mais du bricolage quand même

(BRUXELLES2) Peut-on continuer, comme çà, à assembler de bric et de broc des matériels différents, des personnels, à improviser en permanence ? L'exemple de la mission en Géorgie le prouve. Les missions PESD relèvent plus du "bricolage". Un "bricolage", certes génial, et qui réussit, mais au prix de quelles prouesses, de quelles jongleries avec des règles de procédures, notamment en matière de gestion (achat, finances, recrutement...), qui ne sont pas tout à fait adaptées (pas du tout, à écouter les responsables même de ces missions) aux défis actuels posés par la Politique européenne de sécurité et de défense (PESD). (*)

L’organisation des missions PESD
ressemble, ainsi, par certains cotés, plus à une association caritative de quartier qu’à une réelle organisation internationale digne de ce nom. Si la plupart des ONG et les Etats - pour la sécurité civile - ont compris qu'il fallait pour réagir vite et être efficace sur le terrain, une logistique préparée à l’avance, des fichiers de personnel prêts à partir, un Etat-major central... au niveau européen, bizarrement, ce n'est pas le cas. Pour les missions militaires, c'est la génération de forces qui retarde tout. Et chaque Etat défend mordicus sa théorie qu'avoir cinq Etats majors dispersés dans les Etats membres, c'est bien mieux qu'un seul Etat-major à Bruxelles. Quant aux missions civiles, ce sont les préoccupations logistiques et comptables, avec lequel il faut jongler (puisqu'on est sur du budget communautaire). A cela, il faudrait ajouter la sécurité civile - qui certes dépend surtout de la Commission - mais dont l'organisation, la structure ressemble de près aux missions PESD (dans la grande majorité pays, les unités de sécurité civile dépendent d'ailleurs du ministère de la Défense ou de l'Intérieur).

On peut vraiment se poser la question pourquoi l’UE ne dispose pas de quelques véhicules, préstockés dans un ou plusieurs pays membres, qui peuvent être utilisés à d’autres fins – éventuellement hors des périodes de crises – mais pourraient partir au premier coup d’œil. Ou alors avoir un contrat cadre avec une firme privée, permettant de mettre à disposition ces véhicules… par exemple. Idem pour les matériels radio, les ordinateurs, les uniformes, etc. On peut aussi se demander si c'est vraiment raisonnable en temps de crise financière d'avoir six Etats majors de l'UE au lieu d'un seul à Bruxelles (où la liaison si nécessaire avec l'Otan serait plus facile et rapide à faire). Il serait peut-être temps de rationaliser. On ne va pas pouvoir continuer indéfiniment à dépenser autant d'argent pour rien... On peut se demander enfin pourquoi les Battlegroups dépendent encore des Etats membres et ne sont pas mis à disposition de l'UE. Soit ce sont des instruments d'Etat - et alors il n'y a pas de PESD - soit ce sont des instruments de la PESD - et alors c'est clair, ils doivent être mis à disposition du Haut représentant, le temps de leur astreinte de six mois (la règle de l'unanimité régissant de toute façon l'envoi de troupes restant en vigueur et constituant une garantie supplémentaire). On me répondra (parfois) : "c'est en cours", (plus souvent) : "les Etats ne sont pas d'accord". Il faudra peut-être se dire un moment que le temps de la réflexion est fini. Et qu'il est temps d'agir - surtout avec une crise économique sans nom qui change légèrement la donne. Comme le dit Gilles Merritt, il faut mettre les Etats "face à leurs responsabilités". Soit la nécessité de la sécurité est commune (ou au moins une partie), et dans ce cas, il faut que des moyens communs (ou au moins financés en commun), doivent être mis en place. Angela Merkel et Nicolas Sarkozy doivent maintenant tirer concrètement les leçons de leur belle lettre commune...

(*) Petits exemples, tirés de la mission d'Observation en Géorgie. Les véhicules, cela a été rapidement. Mais c'est aussi un bazar sans nom avec des véhicules de différentes couleurs, de différents formats ; certains aux contours plutôt agressifs type combat de rue, d'autres vraiment civils, blancs, bleus, kakis... - Pour arriver à avoir une certaine unité, une certaine image (primordial dans une mission d'observation...). Quant aux réparations... quel casse-tête, avec presque dix modèles de véhicules. Autre petit détail :  il n'y avait pas de logo, c'est le mari de la femme de ménage - qui a pris le logo dessiné par les observateurs - et sa machine à coudre et pendant la nuit a cousu les logos. Bon finalement tout marche à peu près. Mais cela repose beaucoup sur le hasard et... le dévouement.

(NGV)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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