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Les Russes entament la “guerre” des bases

(B2)Entre Américains et Russes, ce qu'on pourrait appeler une guerre des bases, ou plutôt un gigantesque monopoly des bases est en cours.

Dans les territoires géorgiens. La Russie a ainsi annoncé, l'ouverture d'une base navale en Abkhazie, à Otchamtchira. Quasiment, le même jour où elle annonçait suspendre le déploiement de missiles à Kaliningrad. La base serait construite à quelques kilomètres de la Géorgie à partir de rien. Mais ce site stratégique a été préféré à Sukhumi (le port principal de la région) car il permet, aussi, de contrôler les eaux territoriales du voisin géorgien, dont le sous-sol marin recèlerait par ailleurs des ressources en gaz et en pétrole selon les Géorgiens cités par RIA Novosti. De plus, il s'ajoute aux deux bases terrestres dans les ex-territoires géorgiens : en Ossétie du sud, dans la vallée de Khodori, et en Abkhazie, à Gudauta (*). Cette installation navale pourrait permettre de compléter, voire de compenser en partie, Sébastopol (en Ukraine) dont le bail se termine en 2017. Plutôt que de remplacement d'ailleurs (car, selon les militaires russes, Sébastopol est "irremplaçable"), il s'agit plutôt de faire pression à la fois sur les Ukrainiens et sur les Occidentaux pour les convaincre, qu'après tout, il vaut mieux que les Russes restent en Ukraine plutôt qu'ils n'écrèment ailleurs.

Inquiétant pour l'UE. "C'est très inquiétant. Cette création va vraiment nous causer de sérieux problèmes pour les négociations de Genève" (entre Géorgiens, Russes, Ossètes et Abkhazes, dont le 3e round s'ouvre la semaine prochaine), estime un diplomate européen de haut rang. La présidence tchèque a, d'ailleurs, réagi officiellement au nom de l'UE, estimant qu'il s'agit "d'une sérieuse violation du principe de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de la Géorgie, dans laquelle l'UE est fortement impliquée. Toute construction militaire en Abkhazie et en Ossétie du Sud devrait être en contradiction avec l'esprit (NB: l'esprit pas la lettre) des accords de cessez-le-feu d'août et de septembre 2008 et nuisent à la stabilité et la sécurité de la région en augmentant les tensions". (télécharger le communiqué, en anglais)

Une recherche de bases. La Russie projette, par ailleurs, de créer d'autres bases - moins grandes, plutôt des "bases étapes" - en Méditerranée et dans l'Océan indien : à Tartous (Syrie), à Socotra (Yémen), à Tripoli (Libye) ou à Cam Ranh (Vietnam), selon la presse russe relayée par l'agence Novosti.

Et la fermeture de la base US au Kirghiztan. La Russie a, aussi, obtenu du Kirghiztan l'engagement de fermer à terme la base américaine de Manas (le Parlement Kirghize vote la semaine
prochaine, sur ce point, la dénonciation de l'accord entraîne une fermeture de la base avec un préavis de six mois normalement). Une fermeture qui s'accompagne d'une "compensation financière" donnée par la Russie à l'ex-République soviétique : chèque de 450 millions de dollars et annulation d'une dette kirghize envers la Russie de 180 millions de dollars.

(*) La base terrestre n'est, en soi, qu'une réplique à la simili base américaine à Tbilissi. "L'ambassade" des Etats-Unis - forte d'environ 500 personnes - et s'étendant sur plusieurs hectares, ressemble plus à une base qu'à une ambassade proportionnée à l'importance du pays... "Effectivement" reconnaît-on, coté européen, sans vouloir vraiment avouer que "c'est un
problème
".

(NGV)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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