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Quelles bases juridiques pour une politique énergétique commune

(B2)En regardant les deux traités actuels (CE et UE), un juriste "normalement constitué" peut trouver la base juridique qui convient pour une action politique donnée en matière énergétique, que ce soit au plan intérieur ou extérieur, au besoin en combinant plusieurs bases. Démonstration...

Si le mot "politique énergétique commune" n'existe pas en tant que tel (*), c'est que tout simplement, la politique énergétique en 1950 c'était le Charbon et l'Atome (prévus dans deux autres traités CECA aujourd'hui disparu et Euratom). Mais les objectifs généraux de la Communauté européenne (CE) mentionnent bien une action de la CE pour "l’établissement et au développement de réseaux transeuropéens" et "des mesures dans les domaines de l’énergie" (article 3). Tandis qu'au titre de l'Union européenne (UE), on peut mener une politique étrangère et de sécurité commune qui inclue une politique de sécurité énergétique renforcée (comme l'explicitent les conclusions du dernier Conseil européen des 11 et 12 décembre).

Les bases du Traité CE

• L'harmonisation du marché intérieur. Cette base générale permet "le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres qui ont pour objet l’établissement et le fonctionnement du marché intérieur (article 95 majorité qualifiée) ou "une incidence directe sur l’établissement ou le fonctionnement du marché commun" (article 94 unanimité). Une bonne vieille base qui a servi à de mutiples reprises notamment... sur les déchets.

• les difficultés économiques ou de difficultés d'approvisionnement. "Le Conseil peut décider des mesures appropriées à la situation économique, notamment si de graves difficultés surviennent dans l’approvisionnement en certains produits" (article 100 unanimité). "L'assistance financière" est également prévue. Nb : Si l'énergie n'est pas cité expressément (aucun produit n'est cité d'ailleurs), il n'est pas exclu.

• Les réseaux transeuropéens. La CE "contribue à l’établissement et au développement de réseaux transeuropéens dans les secteurs... de l'énergie", ce qui comprend notamment "l’interconnexion et l’interopérabilité des réseaux nationaux ainsi que l’accès à ces réseaux" (article 154 CE majorité qualifiée), au moyen "d'orientations", de "toute action nécessaire", de "soutiens, prêts, et financements" et de "coopérations avec des pays tiers" (article 155 CE).

• La politique de l'environnement et "l'utilisation prudente et rationnelle des ressources naturelles" (article 174 majorité qualifiée), y compris "les mesures affectant sensiblement le choix d’un État membre entre différentes sources d’énergie et la structurestructure générale de son approvisionnement énergétique" (article 175 CE unanimité).

On peut aussi utiliser des bases annexes comme : la politique douanière (article 27 prévoit notamment de veiller aux "nécessités d’approvisionnement de la Communauté en matières premières et demi-produits") ou la politique de recherche (article 164 et suivants...).

Les bases du Traité UE

• la politique étrangère et de sécurité commune (PESC). L'énergie reste une arme. Et sa pérénisation une condition de sécurité. Alors pourquoi ne pas utiliser les instruments PESC. Celle-ci permet de définir "les principes et les orientations générales de la politique étrangère et de sécurité commune" (article 13). Ainsi la stratégie de sécurité commune, revue à la lumière du rapport Solana adopté au dernier conseil européen le 12 décembre, consacre expressément un chapitre aux mesures à prendre en matière de "sécurité énergétique". Ce qui donne un cadre général pour déterminer désormais une action commune comme l'y autorise le traité UE : "Le Conseil arrête des actions communes. Celles-ci concernent certaines situations où une action opérationnelle de l’Union est jugée nécessaire. Elles fixent leurs objectifs, leur portée, les moyens à mettre à la disposition de l’Union, les conditions relatives à leur mise en oeuvre et, si nécessaire, leur durée" (article 14 UE unanimité).

(NGV)

(*) Mentionné explicitement au détour d'un protocole (le N°14)... sur l'importation des produits pétroliers raffinés aux Antilles néerlandaises. On évoque une révision de ces dispositions lorsqu'il y aura "une politique énergétique commune", preuve à contrario que celle-ci est susceptible d'exister dans les autres dispositions.

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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