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Hélène Flautre (PE): « Rompre le blocus de Gaza et parler avec le Hamas »

(B2)Une délégation de huit parlementaires européens (1) a pu, quelques heures, le 11 janvier, parcourir les rues de Gaza avec la protection de l’ONU. Parmi eux, Hélène Flautre, Présidente de la Sous-commission des droits de l’Homme du Parlement européen. (voici un entretien paru dans Europolitique)

Ce qui a surpris la députée française Verte : les enfants qui sourient. Ce qui l’énerve : le silence de l’Europe. Ce qu’elle désire : rompre avec un cercle vicieux, infernal, blocus de Gaza, extrémisme, violences. Il faut faire pression sur Israël, au besoin « en suspendant la perspective de rehaussement des relations bilatérales », rouvrir les frontières de Gaza, entamer un dialogue avec le Hamas.

• Comment avez-vous pu rentrer dans un territoire en guerre et bloqué par les militaires ?
Nous avons pu rentré à Gaza, par le point frontière de Rafah (côté égyptien) le temps de la trêve, 2h30 en tout, formalités de la frontière compris, avec la coopération des Egyptiens et des Nations-Unis (l’Unwra, l’agence de protection des réfugiés palestiniens) qui nous ont pris en charge, de l’autre côté de la frontière.

• Quel était l’objectif de cette visite ?
On voulait briser ce blocus de Gaza qui interdit aux journalistes d’enquêter, aux ONGs de porter secours à la population civile. Nous voulions nous documenter sur la situation, de recueillir la
perception de la population à Gaza. Cette situation est insupportable, inadmissible au regard du droit international.

• A ce point de Rafah, il y a une mission normalement européenne de surveillance. Etaient-ils là ?
Non. Il n’y avait que des Egyptiens et Palestiniens. Je dois dire que la mission EUBAM n’a jamais vraiment été exercée de manière satisfaisante. Cela requiert toujours un accord d’Israël. A Rafah, c’est le désert européen.

• L’incursion était rapide. Quelle est votre impression. Qu’avez-vous vu qui vous ait marqué ?
Des quartiers effondrés, des maisons démolies, c’est la guerre. C’est effrayant. Mais parmi tout çà, des gens qui continuent de vivre. Et surtout des enfants qui nous ont accueili avec joie et gaiteté, qui continent de rire. C’est çà le plus surprenant. On a vu des échoppes ouvertes. On se demande où la population va trouver les ressources. Où ces enfants vont chercher ce sourire.
Peut-être un espoir pour demain. Il ne faut pas le briser.

• Que faut-il faire maintenant ?
Je vois trois urgences : Première urgence, protéger, les civils sur place, cette population à la merci des bombes et d’une aide humanitaire qui arrive au compte-gouttes. Elle est piégée. Il n’y a pas de lieu sûr où se réfugier.
Deuxième urgence: un cessez-le-feu immédiat, pas pour revenir à situation d’avant le bombardement (le blocus de Gaza), ça fait des mois que Gaza est asphyxiée, en survie, où personne ne peut vivre normalement.
Troisième urgence : penser à une vie normale et durable à Gaza. Pour cela, il faut une ouverture durable des frontières, la circulation des biens, des personnes, des capitaux pour que ce territoire puisse se développer normalement.

• L’Europe agit-elle suffisamment ?
Non. Rien ne peut excuser que tout ne soit pas mis en œuvre pour protéger la population civile. Il faut une initiative diplomatique forte. Et, surtout, utiliser tous les instruments dont nous disposons, instruments que nous avons avec Israël - échanges commerciaux, accords d’associations - pour peser et obtenir un changement du gouvernement israélien. Faute de quoi, on aura un nouveau cycle: un cessez-le-feu, négocié tant que bien que mal, une simili-occupation de Gaza par la maîtrise totale des frontières, et de nouvelles violences (roquettes sur Israël).

• Cela passe-t-il par une discussion avec le Hamas ?
Oui. Il faut discuter avec le Hamas. Cela me paraît évident. C’est une faute politique grave de ne pas reconnaître le résultat d’élections (dont on a, par ailleurs, reconnu qu’elles s’étaient déroulées de façon libre et transparente). On a encouragé ainsi au sein du Hamas la radicalisation et les leaders les plus aptes à avoir recours à des moyens violents, au lieu d’encourager un Hamas politique, capable d’assumer des responsabilités publiques. Aucun responsable européen n’a publiquement endossé un dialogue avec Hamas. Il faut que cette situation change. Comme le Hamas doit immédiatement cesser le tir de roquettes.

• Vous trouvez l’Europe trop silencieuse ?
Cela dépend ce que vous entendez par Europe. Nous avons des commissaires comme Louis Michel (aide humanitaire) et Benita Ferrero Waldner (Relations extérieures) qui s’expriment. Mais au niveau du Conseil de l’Union européenne, c’est inquiétant. Il ne parle pas. On ne peut pas continuer comme çà. Convoquer une nième de conférence des donateurs pour reconstruire des hôpitaux, une école de police… nous avions déjà construit et financé et qui sont aujourd’hui détruits. C’est presque honteux.

• Vous trouvez qu’il y a des initiatives possibles, qui n’ont pas été prises par le Conseil?
Oui. La perspective de rehaussement des relations UE-Israël doit être suspendue. Un accord d’association est fondé sur les droits de l’homme, il doit être remis en question sir les droits de
l’homme sont violés, ce qui manifestement est le cas, par l’Etat d’Israël. C’est vraiment l’urgence absolue.

Cette latence, vous l’attribuez à quoi, au changement de présidence ?
Ce n’est pas une question uniquement de leadership. Il n’y a tout simplement pas de volonté politique du Conseil dans son ensemble d’être à la hauteur des événements. Sans cette volonté, on peut rien faire.

(NGV)

(1) La délégation était composée de Luisa Morgantini (GUE, Italie), David Hammerstein (Verts/ALE, Espagne), Chris Davies (ALDE, Grande-Bretagne), Véronique de Keyser (PSE, Belgique), Kyriacos Triantaphyllides (GUE, Chypre), Uca Feleknas (GUE, Allemagne), Eugenijus Maldeikis (UEN, Lituanie) et Miguel Portas (GUE, Portugal).

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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