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Une feuille de route pour la protection civile en 2009

(B2)Le Conseil des Ministres des Affaires étrangères a approuvé, le 8 décembre, un document sur la « prévention et gestion des catastrophes » (télécharger ici) estimant nécessaire la mise en place d’une « approche intégrée » pour mettre au point une « réaction globale face aux situations d’urgence ». Il répond ainsi à la communication de la Commission de juillet dernier. Et dresse une véritable « feuille de route » en matière d’interventions de
protection civile tant au sein de l’UE qu’hors de son territoire.

Il ne faut pas s’y tromper. L’objectif sous-jacent de cette « stratégie » semble être de faire de la protection civile européenne, un des vecteurs de la politique extérieure de l’Union – au même titre que l’aide humanitaire, au développement ou les opérations civiles et militaires de sécurité et de défense. Cette politique étant souvent considérée comme « de souveraineté » par plusieurs Etats membres, il s’agit davantage, dans l’immédiat, de mutualiser les différents moyens disponibles que d’aboutir à une gestion intégrée des moyens (comme avec l’Office d’aide humanitaire, ECHO). En quelque sorte, on anticipe le Traité de Lisbonne qui renforce la base juridique d’action pour la protection civile.

On a déjà pu apercevoir une illustration de cette volonté, lors du conflit d’août en Géorgie, où une petite cellule « protection civile » de deux personnes, recrutée par le centre de suivi et d’information (MIC) de la Commission européenne, a été déployée, aux côtés des moyens habituels d’ECHO et de la PESD, pour recenser les besoins dans le pays encore en guerre et la coordination des moyens. De même en Inde plus récemment lors des attentats de Bombay.

On peut distinguer cinq priorités principales dans cette feuille de route. Le prochain rendez-vous est fixé en décembre 2009, sous présidence suédoise.

Première « priorité » : la prévention. Cela « exige de regrouper les différentes politiques, différents instruments et services, dont la Communauté et les États membres disposent, tout en maintenant un équilibre entre les compétences nationales et la solidarité européenne » estime le Conseil. La Commission devrait donc présenter, « dès que possible, début 2009 », deux communications, l’une sur la « prévention des catastrophes dans l’UE » l’autre sur une stratégie de l’UE en faveur de la « réduction des risques de catastrophes dans les pays en développement ».

Le Conseil insiste en particulier sur la prévention nucléaire, radiologique, bactériologique et chimique (NRBC). La Commission doit soumettre en juin 2009, un ensemble de propositions, notamment des plans d'action sur la préparation à ces menaces. Le renforcement de la coopération et l’échange d’informations, par le biais des mécanismes d’Europol, est également à l’ordre du jour.

Deuxième priorité : l’assistance mutuelle de protection civile. Le principe, ici, est de développer des « modules » d’intervention, bien connus des gestionnaires de catastrophes. Plusieurs modules ont ainsi été créés, à l’exception de la lutte contre les incendies au moyen d’hélicoptères et de l’hébergement d’urgence. L’objectif est la pleine « disponibilité » des modules existants et d’améliorer leur « interopérabilité » (permettant le fonctionnement de systèmes nationaux côte à côte), de développer ces modules manquants, de recenser les experts susceptibles de venir renforcer la MIC, d’accélérer le déploiement d’équipes d’évaluation et de coordination de l’UE.

La Commission est ainsi invitée à renforcer la MIC, notamment par la planification anticipée (élaboration continue de scénarios et analyse de risques). Et même si rien n’est mentionné dans ce document, il n’est pas exclu que la MIC vienne se coordonne, étroitement, avec la nouvelle direction « gestion de crises » qui pourrait être mise en place au sein du Conseil.

L’appui de moyens militaires à la protection civile – « dans des domaines hors du transport » - est également mentionné « en dernier recours ». Sujet délicat, cette participation est considérée avec réticence par certains Etats membres, notamment en Allemagne et dans certains pays nordiques que dans les pays latins (France, Grèce, Italie…).

Troisième priorité : la formation à la gestion des catastrophes. L’efficacité des interventions européennes tient à la formation et surtout à la capacité d’entraînement en commun. Le Conseil préconise la « création d’un dispositif européen de formation à la gestion des catastrophes », avec deux volets, la compatibilité des programmes nationaux de formation, des possibilités plus « diversifiées » de formations au niveau communautaire. Tâche dont devra s’occuper la Commission, en fournissant un « soutien administratif adéquat ».

Quatrième priorité : les systèmes d’alerte précoce. Le Conseil estime nécessaire poursuivre une meilleure collaboration entre « le monde de la prévision et celui de la protection civile » même s’il remarque des progrès « tangibles », depuis 2007, sur le système d’alerte précoce, notamment pour le modèle de calcul pour les tsunamis.

Cinquième priorité : la coordination en cas de crise (CCA). Il s’agit, d’une part, de faire que l’Union dans son ensemble soit mieux « préparée dans le domaine de la coordination politique ». Des scénarios « pertinents » doivent être préparés par le secrétariat du Conseil de l’UE. Un exercice de mise en situation (CCA EX09) est prévue sous la présidence suédoise. Il s’agit d’autre part, de renforcer l’assistance consulaire. Le Conseil veut «  promouvoir le concept d'État pilote en cas de crise et la formation consulaire. La présidence tchèque devrait accueillir une nouvelle réunion des directeurs des unités de crise des ministres des Affaires étrangères et poursuivre « l’expérimentation du concept d’Etat pilote sur le terrain ». Travail délicat ! Lors des attentats de Bombay, la coordination était encore balbutiante entre les Etats membres, ainsi que l’ont constaté les membres du Parlement présents sur place (lire la lettre du catalan Guardans). Et du côté de la PESD, les 27 ont eu du mal à s’accorder sur un concept commun « d’évacuation » des ressortissants européens.

Enfin, le Conseil rappelle la nécessité de protection des infrastructures critiques, d’aide humanitaire, et il encourage la poursuite de la coopération avec le Bureau de la coordination des
affaires humanitaires (BCAH) de l’ONU, notamment en matière de formation.

(NGV)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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