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L’opération anti-pirates de l’UE lancée. Le dispositif d’Atalanta (V4)

(B2) L'Union européenne a lancé ce 8 décembre, comme indiqué dans le document (révélé sur B2 il y a quelques jours), l'opération européenne de lutte contre les pirates (Eunavfor Atalanta). Une mission "robuste" a déclaré Javier Solana, au sortir de la réunion des ministres des Affaires étrangères des 27 à quelques journalistes. « La première opération navale de l'histoire de l'UE ». Qui n'est pas sans risques. Les « règles d'engagement » de l'opération seront « solides », permettant d'utiliser « tous les moyens jusqu'à l'arrestation et la traduction en jugement ».

Une opération d'une durée d'un an

L’opération durera un an, divisée plus ou moins en trois périodes de quatre mois chacune (décembre-mars, avril-juillet, août-novembre). Elle devrait réunir entre 7 et 8 navires, à terme, 2 avions, et des hélicoptères (chaque bateau en est doté), et 1200 hommes environ. Afin d’assurer la durée de la mission, c’est en fait une vingtaine de navires/équipages, qui doivent être trouvés, soit environ 3000 hommes.

Selon le plan d'opération, la "capacité opérationnelle minimale" sera possible à mi-décembre, dès que le bateau du commandant de force (le bateau grec) sera présent (il ne part que du Pirée le 10 décembre). La "capacité opérationnelle initiale" (IOC) devrait être atteinte en janvier et la "pleine capacité opérationnelle" (FOC) est prévue au mois d'avril ou mai.

L'opération devrait ainsi démarrer avec 4 bateaux au début (France, Royaume-Uni, Grèce, Allemagne voire Italie), 7 bateaux au mois de mai (avec Espagne et Suède). Les Pays-Bas et la Belgique, prenant le relais plus tard. Autant dire que les "premiers mois seront décisifs" comme le précise un haut gradé.

Un commandement vraiment européen

L’opération sera commandée par le contre-amiral britannique Philip Jones depuis le quartier général d'opération (OHQ) britannique de Northwood (photo avec Javier Solana).

Javier Solana et Phil Jones (crédit : Conseil de l'UE)

Son adjoint sera le contre-amiral français Jean-Pierre Labonne, actuellement adjoint à l'amiral commandant la force d'action navale française de Brest (il sera relevé ensuite par un Allemand). Sur place, le commandant de la force (en mer) sera assuré par rotation entre la Grèce, l’Espagne et les Pays-Bas. C’est le commodore grec Antonios Papaioannou qui devrait ainsi commander la force, à partir de décembre, depuis la frégate grecque. Il devrait être remplacé, en avril 2009, par le capitaine de vaisseau Juan Garat Caramé (Espagne), puis par un officier supérieur néerlandais, à partir d'août 2009. La base logistique se situera à Djibouti (avec une quinzaine d'hommes).

Qui fournit quoi ?

La France fournit une frégate et un avion de patrouille aérienne (Atlantique 2), ainsi que différents moyens logistiques issus de sa base permanente de Djibouti. Tous ces moyens sont déjà sur place. C'est la frégate de surveillance Nivôse - basée normalement à La Réunion - qui assurera cette mission jusqu'au 15 décembre. Elle sera relevée par un aviso le "Premier maître L'Her" (F-792) jusqu''à fin décembre. Et la frégate de surveillance "Floréal" (F-730) - basée elle aussi à la Réunion - prendra ensuite le relais.

Le Royaume-Uni fournit une frégate, le "HMS Cumberland" (F-85), qui est déjà dans la zone, au titre du groupement permanent de l’Otan (le SNMG2). Il pourrait être relayé ensuite par le "HMS Northumberland" (F-238).

La Grèce fournit le navire amiral, une frégate "Psara", et son hélicoptère. Qui doit arriver sur zone le 16 décembre.

L’Allemagne fournit une frégate, le "Karlsruhe" (F-212), ainsi que des commandos qui prendront place dans les navires marchands sensibles, et que des heures de patrouilleur aérien. L'Allemagne se chargera en premier lieu de la protection des navires du PAM (prenant le relais des Néerlandais qui assurent cette fonction sous pavillon national). Le gouvernement doit faire la proposition, mercredi, et le Bundestag doit approuver un tel mandat (normalement le 16 décembre).

L'Italie pourrait aussi envoyer une frégate. Mais la décision est encore en discussion à Rome.

2e période -

L’Espagne fournit un avion de surveillance P3 Orion, soit 400 hommes. L’avion, basé à Djibouti, est déjà en service et a effectué déjà certaines missions de protection. Elle fournira pour la deuxième période, une frégate, le « Victoria », ainsi qu’un navire de soutien logistique.

La Suède a promis deux corvettes de la marine et un navire de soutien (150 hommes) pour accompagner les navires du PAM à compter d’avril-mai, selon le ministre de la Défense Sten Tolgfors. La décision doit être confirmée par le gouvernement et le Parlement (un projet de loi est préparé par le ministère de la Défense et le Parlement pourrait se prononcer en début d'année).

3e période -

Les Pays-Bas ont déjà une frégate, le « Hr Ms De Ruyter » et des « commandos marine » qui assurent, depuis octobre, la protection des bateaux du Programme alimentaire mondial qui acheminent vers la Somalie l’aide humanitaire. Elle reste sous pavillon national. Celui-ci devrait entrer au pays bientôt. Mais le royaume de la Reine Béatrix devrait renvoyer des navires dans la zone, pour la troisième période (au mois d'août).

La Belgique fournit une frégate, la Louise-Marie (F-931), basée à Zeebruge, viendra aux cotés des navires néerlandais renforcer la force européenne au cours de la troisième période de l'opération, d'août à novembre 2008 (lire : La frégate belge n’arrivera qu’en septembre).

 

Etats tiers -

La participation de pays tiers n'est pas encore vraiment fixée (1). Les Etats-Unis, le Canada, le Pakistan, le Danemark (*) ont déjà des bateaux dans la zone au titre de la coalition anti terroriste TF 150 (à laquelle participe également le Royaume-Uni, l'Allemagne et la France). La Russie et  l'Inde sont également présents dans le golfe d'Aden. La Corée du Sud, l'Egypte, l'Ukraine songent à envoyer des navires de guerre. A défaut d'une "intégration" de certains pays, une étroite "coordination" devrait être envisagée.

(Nicolas Gros-Verheyde)

(1) Lire : la participation d'Etats tiers

(*) Etat membre de l'UE, il ne participe pas à l'Europe de la défense. En la matière, il est donc considéré comme "pays tiers", et un accord spécifique doit être conclu pour sa participation.

Mis à jour le 9 décembre.

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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