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Le bulletin de notes de la présidence française

Au moment de la visite du président Sarkozy au Parlement européen, il semblait intéressant de faire une petite revue des priorités françaises et des résultats, de remettre en quelque sorte son bulletin de notes du semestre à la présidence française

Pour jauger une présidence, commente ce diplomate expérimenté, il faut regarder « les priorités, - l’attendu - et  la gestion de crise - l’inattendu -.

Revue de détail des résultats obtenus par rapport aux ambitions affichées…

Union pour la Méditerranée (UPM). Dossier emblématique, il n’a pas vraiment atteint le but proclamé. De grand projet de civilisation, l’UPM a été rétrogradée à un secrétariat chargé de gérer des grands projets. Il faudra voir l’avenir de ce projet. Mention : très moyen.

Immigration. Le « pacte européen pour l'immigration et l'asile » a été bouclé sans fioritures. La carte bleue pour certains travailleurs « qualifiés » a été avalisée. Mais l’ambiance est plus à la répression de l’immigration illégale qu’à l’intégration des immigrés. Mention : passable

Energie climat. Sur ce « paquet » difficile, obtenir un accord n’était pas évident. La déception de certaines organisations écologiques ne doit pas faire oublier que mettre aux enchères des quotas d'émissions de CO2 vaut bien quelques dérogations… Mention : bien.

Politique agricole commune (PAC). Alors que la France ambitionnait de tracer une véritable feuille route pour le futur, c’est un bilan technique de la « santé » de la PAC. Ce n’est pas faute d’avoir tenté. Mais l’ambiance était ailleurs. Mention : Moyen

Défense. Négocié dans l’ombre, ce sujet a connu des progrès réels. L’Europe a déployé trois missions d’importance (Géorgie, Kosovo, Pirates), avancé sur des projets industriels. Et le Quartier général européen pourra être renforcé, enfin ! Mention : bien.

• Le Traité de Lisbonne. Le « Non irlandais » avait mis une priorité de plus pour la France. Après quelques cafouillages, le Premier ministre irlandais a accepté de convoquer à nouveau les
électeurs l’année prochaine. En échange, les Européens renoncent à un élément majeur du Traité: la réduction de la Commission. Mention : bien.

• Les dossiers législatifs. Le bilan est très honorable puisque plusieurs accords ont été obtenus ce semestre, comme le recouvrement des pensions alimentaires, le travail temporaire ou le paquet sur la sécurité Erika III. La présidence a bouclé tous ses dossiers, parfois au prix d’une ambition rabaissée. Mention : Bien

• La gestion de crise. Malgré des divisions sur la Russie, les Européens ont réussi à garder leur unité lors du conflit en Géorgie. Et même si la coordination économique n’est pas parfaite, le plan de relance adopté à 27 montre que chacun est désormais convaincu de sa nécessité. Un net progrès. Mention : excellent.

• l’organisation. Si l’appareil administratif et diplomatique français est toujours « efficace » note un observateur, et Sarkozy « une Lamborghini de la com’ », la présidence française a connu certains ratés notables. Plusieurs ministres « ont séché » au Parlement. Et certains n’ont manifestement pas encore saisi tous les termes européens. Témoin Christine Albanel, la ministre de la Culture, parlant du résultat du « Conseil de l’Europe ». Pas très sérieux alors qu’on apprend justement à tous les écoliers que le Conseil européen n’est pas le Conseil de l’Europe. On peut oser le terme « franchement mauvais », quand on aborde la question de la communication « hyper-centralisée à l’Élysée ». Ce qui a conduit à quelques couacs retentissants, comme ce sommet UE-Ukraine, déplacé dans le désordre d’Évian à Paris. A chaque fois, c’est le « pompier » de la présidence, Jean-Pierre Jouyet, le ministre des Affaires européennes qui a été appelé à la rescousse. Mention : très moyen.

Au final, cependant, entre des priorités assumées, la gestion du conflit en Géorgie ainsi que de la crise économique financière ont soufflé toutes les critiques.

(Nicolas Gros-Verheyde)

(*) la présidence a ainsi abandonné les petits briefings (techniques ou politiques) des journalistes durant le sommet. La Com' part du chef de l'État. Et il n'y a que lui qui cause. Plus de personnalité diplomatico-politique (comme Catherine Colonna excellait sous la présidence Chirac) pour permettre de suivre l'évolution des dossiers, derrière les portes fermées des réunions (et faire passer en même temps le message de la présidence, il ne faut pas être naïf). Ici rien ne filtre, sinon la parole présidentielle.

(article original paru ce mardi dans Ouest-France, complété).

 

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

2 réflexions sur “Le bulletin de notes de la présidence française

  • Florian TC

    Bonjour, cet article m’a beaucoup intéressé. Mais est-il possible de connaitre le nom du diplomate expérimenté a qui est attribué la phrase : “il faut regarder les priorités, – l’attendu – et  la gestion de crise – l’inattendu” ? 

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