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En RD Congo, tout va bien, M. Sarkozy ?

(B2)A lire les rapports de l'Office des affaires humanitaires de l'ONU (OCHA) et de la MONUC, on peut en douter. Botter en touche et rejeter la faute - comme l'a fait Nicolas Sarkozy, le président français qui exerce la présidence du Conseil de l'UE, lors du sommet européen -, sur l'organisation de la MONUC et impliquer les acteurs régionaux ne semble pas être très adéquat. Pour être équilibré, je dois dire que le fait que d'un coté la MONUC se vante, dans un communiqué, que la situation à l'est est "relativement calme", et que, dans le même temps, d'autres rapports de la MONUC, de l'ONU ou des ONGs semblent proclamer le contraire, ne facilite pas l'appréhension claire de la situation. Le général Gaye a d'ailleurs appellé, encore récemment, à l'arrivée de la force multinationale (indiquant également aux Européens certaines
tâches prioritaires).

L'insécurité continue au Nord Kivu. "L'instabilité de la situation sécuritaire caractérisée par la poursuite d'actes de pillages nocturnes par des hommes armés au Sud de Lubero, et la cohabitation entre les milices Mayi-Mayi et les FARDC dans la partie Est du sud de Lubero inquiètent la communauté humanitaire qui n'arrive pas encore à faire de distributions directes aux populations vulnérables dans cette zone. Les localités de Kirumba, Kayna, Kanyabayonga et la zone de Kamandi demeurent encore des foyers d'insécurité où des problèmes de protection sont rapportés et dont les auteurs sont principalement les militaires FARDC et des miliciens Mayi-Mayi". Ou encore : "En raison de l'insécurité permanente créée par des groupes armés incontrôlés dans le territoire de Rutshuru, plusieurs axes ne sont plus accessibles notamment Kiwanja – Ishasha, Kiwanja – Vitsumbi, Rutshuru – Mutabo – Karambi – Busanza et Burayi – Bunagana."

Laisser faire le gouvernement congolais ne résout rien, au contraire, il semble aggraver l'insécurité. "Les problèmes de protection continuent à se poser avec acuité et sont exacerbés par une forte présence d'hommes armés (FARDC et Mayi-Mayi)." De plus des problèmes annexes sont posées à Butembo-Kanyabayonga  par les familles des militaires qui exigent leur prise en charge au même titre que les autres. Du coup, les humanitaires "sont contraints de ne pas faire de distributions auprès des populations retournées". Les Humanitaires ONU-ONG demandent donc que "le gouvernement prenne en charge ces militaires et leurs dépendants, afin d'éviter le pillage des biens et des civils, et la fin de leur ingérence dans l'administration publique".



La MONUC se réorganise déjà.
Environ 10 000 hommes sont présents dans le Kivu a assuré Alan Doss, le chef de la MONUC. Mais c'est au prix d'un dégarnissage de certaines autres régions. Où tout risque n'est pas éteint. Notamment du coté de la province orientale. Et selon Doss, il n’est pas exclu que la MONUC qui dégarnit en ces jours l’effectif de ses troupes en Ituri pour le Nord-Kivu puisse, au cas de besoin, les redéployer de nouveau dans ce district de la Province Orientale. Selon un dernier décompte de la MONUC : "6.139 hommes sont
stationnés dans le Nord Kivu (soit 8 bataillons sur les 17 qu’elle compte) : entre 800 et 1.000 hommes sont déployées à Goma; 3.513 autres sont dans le Sud Kivu. 3.769 Casques bleus sont opérationnels dans l’Ituri, "l’une des régions de plus sécuritairement volatiles"
. Tandis que le reste de la force est dans l’Ouest de la RDC dont Kinshasa.

Le risque n'existe pas seulement au Kivu mais dans tout l'Est. En Ituri, "la rivalité constatée entre les milices FJPC et FRPI inquiète la communauté humanitaire qui redoute l'imminence d'affrontements entre ces groupes qui pourraient occasionner encore des nouvelles vagues de déplacements de populations."Les populations qui sont sur l'axe Bunia-Bogoro sont sujettes à des exactions et abus de tout genre comme les viols, les taxes illégales et les arrestations arbitraires. Certains des déplacés ne peuvent accéder aux champs alors que c'est la saison de la récolte." Et les humanitaires de s'interroger : "Sommes-nous dans une spirale sans fin de combats entre victoires successives des FARDC et des miliciens ? S'agit-il de questions de DDR non résolus ou mal résolus ?"

Les attaques contre les humanitaires continuent. Un mort et un blessé lors d'une attaque, lundi 15 décembre, sur un convoi de 3 véhicules des ONG à Burayi, 5 kilomètres de Rutshuru, selon Radio Okapi. Les victimes étaient à bord d'un véhicule de l'ONG italienne Avsi. C'est la milice rebelle, CNDP, qui contrôle ce secteur. Elle dément avoir tiré. Un autre humanitaire, de la Norwegian Church Aid (NCA), agressé  à Nzulo le 10 décembre, par des éléments FARDC (troupes régulières), est toujours dans un "état critique" selon les ONGs. Le bilan pourrait être pire : un militaire des FARDC a tiré à bout portant le 11 décembre sur un véhicule de SC-UK près de Kibati. "Le chauffeur et les deux passagers ont réussi à se mettre à l'abri à temps".

(NGV)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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