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Un QG européen renforcé : ne dites plus “No”, dites “yes, why not”.

(B2)L'idée était en l'air déjà depuis des années. Mais depuis des années, les Britanniques y étaient particulièrement réticents pour ne pas dire hostiles. En clair, c'était toujours "No, no et encore no". Le "vrai quartier-général militaire est à l'Otan", disaient-ils. "Inutile de recréer une autre structure". "Cela ferait doublon". Un propos qui trouvait des échos et des soutiens au sein de plusieurs pays de l'Union européenne.

L'enthousiasme du début avait cédé le pas à la réticence. L'esprit de Saint-Malo en 1998 qui avait programmé ce renforcement était oublié. Même le projet franco-belge-allemand présenté en 2003 avait fait long feu. Les Allemands eux-mêmes n'y étaient plus très chauds (voir l'entretien avec Jung le ministre allemand).

Des conséquences négatives. Résultat : l'Etat-Major de l'Union européenne qui a été constitué n'était qu'un embryon de ce qui pouvait être fait. Il n'était pas de taille suffisante - 200 hommes en tout et pour tout, assistants et chauffeurs compris - pour en même temps planifier (préparer) une opération et la conduire (la diriger), sans compter tout le travail de préparation et de veille politico-militaire pour le secrétariat général du Conseil. En effet, l'Etat-Major prépare et planifie les exercices, prépare et écrit les concepts d'opération de l'UE (c'est un peu le centre de doctrine), assure une veille - permanente 24 heures sur 24 depuis cette année - Etc.

Sans avancée. L'année dernière, à l'instigation de la France essentiellement, une version allégée du Quartier-général avait été présentée. En renforçant uniquement la planification et en abandonnant l'idée que ce QG conduirait les opérations. Ce qui est l'essentiel quand même car cela concerne l'anticipation des missions. Las. C'était encore trop pour les Britanniques !

L'opposition britannique vient de tomber. Sans coup férir. Comme l'avait expliqué à mi-mot le nouveau ministre de la Défense, John Hutton, il est temps pour le Royaume-Uni d'intégrer la PESD (comme la France intègre l'Otan). Un tournant idéologique qui puise ses motivations dans une série de raisons (*). Le "papier" que vient de présenter la présidence aux Britanniques - et qui vise à renforcer la planfiication - n'a pas rencontré "d'opposition de principe. Le Royaume-Uni est prêt à en discuter". C'est un pas inconstestable. Coté allemand, même sentiment d'ouverture apparemment. Les conséquences financières seront limitées. La question devrait être discutée et faire l'objet d'une déclaration lors du Conseil européen, le 10 décembre.

La planification uniquement. Ne nous détrompons pas : ce n'est pas une révolution totale. Il ne s'agit pas d'un vrai Quartier-général européen de commandement des Européens. Du moins... pas encore. Chacun des quartiers généraux nationaux qui peuvent servir pour une opération européenne ne sera pas supprimé. Il s'agit "simplement" d'étoffer l'Etat-Major en lui permettant de disposer de davantage de planificateurs, pour mieux anticiper la gestion de crises, préparer en amont une opération et surtout mieux faire travailler ensemble civils et militaires. Comment cet apport de personnel sera effectué - recrutement sec, redéploiement au sein de l'effectif du Conseil ou détachement de personnels d'Etats membres -, la question n'est pas encore tranchée et ce sera plutôt au Haut représentant de l'UE, Javier Solana, et à son équipe de proposer des solutions. Il s'agit également de mieux faire travailler ensemble civils et militaires. En incorporant également d'autres acteurs (Commission européenne, Onu...).

C'est primordial. Les questions - face à une gestion de crises - sont parfois semblables. La préparation de l'opération en Géorgie l'a montré. Pour l'envoi de la mission civile, l'Etat-Major militaire avait dû prêter temporairement certaines compétences à l'Etat-Major civil. Car concrètement dans une opération, qu'elle soit civile ou militaire, nombre de problèmes (et de solutions) sont les mêmes: des questions de passage en douane de matériel  à la gestion de l'arrivée des personnels et matériels, par exemple, aux contacts diplomatiques et à l'appréciation de la crise.

(NGV)

(*) A celle-ci il faut ajouter sans doute un échange très pratique de bons procédés entre Britanniques et Français dans le cadre de l'opération de l'Otan (Fias) en Afghanistan.

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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