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Quelles initiatives l’Europe peut prendre au Congo ?

(B2)L'action militaire toujours en pointillé. Quand le Ministre néerlandais des Affaires étrangères, Maxime Verhagen, et son homologue français, Bernard Kouchner, se rencontrent, il y a une certaine unité de vues (c'était jeudi à La Haye). "Avec des dizaines de personnes en proie aux violences dans l'est du Congo, une catastrophe humanitaire semble immente". Et une réponse européenne "humanitaire et diplomatique" est nécessaire. Mais pas seulement... A l'évidence, la mission de paix de l'Onu n'a pas réussi à restaurer le calme dans l'est du Congo, estime-t-on du ministère des affaires étrangères néerlandais et on souhaiterait en "améliorer l'efficacité". Devant le Parlement néerlandais, le ministre Verhagen a d'ailleurs déclaré que des "troupes européennes pourraient être déployées aux cotés de la Monuc, si le Conseil de sécurité le jugeait nécessaire". Mais pour le ministre britannique des Affaires étrangères,

Les ministres de la Défense de l'UE pas chauds du tout . "Avec 16000 hommes, la Monuc n'a pas besoin de troupes supplémentaires. Il s'agit davantage de se réorganiser" m'a expliqué Hervé Morin, le ministre français lors d'une interview. Même sentiment apparemment chez son collègue belge, De Crem, qui s'exprimait sur la RTBF "Un envoi n'est pas prévu pour demain. S'il y a un besoin, il doit être formulé dans un cadre international et, pour le moment, il n'en est pas question", a-til expliqué. Et "si le gouvernement prenait une telle décision, il devra également s'en expliquer devant le Parlement" (Nb : la Commission "Rwanda" avait recommandé de ne plus envoyer de troupes belges dans les anciennes colonies, après les événements survenus au Rwanda en 1994 et l'assassinat de dix paracommandos belges). Idem coté britannique. Pour Jock Stirrup, le commandant en chef  : "envoyer des troupes aurait un coût. je ne parle en termes financiers. Mais un coût pour notre population et nos familles" a-t-il dit. Les troupes des Nations-Unies ont surtout "besoin d'être déployées de façon plus adéquate, les réserves nationales à l'emploi militaire doivent être
supprimées". Propos confirmé du coté du Foreign office : "L'envoi de troupes britanniques pour renforcer les forces de maintien de la paix en république démocratique du Congo n'est pas à l'agenda" a répété, le 9 novembre, le ministre des Affaires étrangères, David Miliband (lire la presse britannique).

Des crimes de guerre sous l'oeil impuissant de la Monuc ? Le bras diplomatique, et même l'action humanitaire, ne semblent plus suffire, seuls face à une situation qui devient, d'heure en heure, plus grave pour la population civile, qui "trinque" dans ce conflit armé sanglant. Les évènements de Kiwanja jeudi ont été qualifiés de crimes de guerre par Alan Doss, le chef de la Monuc. "Des tueries et le ciblage des civils, c’et totalement inacceptable. Je rappelle aux uns et aux autres que c’est considéré comme un crime de guerre". Des évènements qui se sont passé devant les yeux de la Monuc qui n'ont pas réagi. " Alors que les Casques bleus de la Monuc ont pour mandat de protéger ces populations, ils n'ont pas quitté leur base pendant les exactions des hommes de Laurent Nkunda à Kiwanja" témoigne Cyril Bensimon le reporter de Radio france internationale (témoignage édifiant de RFi). Une mission d'enquête préliminaire de la Monuc est sur place pour établir les faits.

Que faire alors ? Les initiatives que pourraient prendre l'Europe.

Comme l'a expliqué le président français, président en exercice du Conseil européen, Nicolas Sarkozy, au sortir de la conférence de presse du Sommet européen sur la crise financière internationale, le 7 novembre, dans une courte aparté que nous avons eu : "La situation est grave. Ce n'était pas le sujet de notre réunion aujourd'hui. Mais il faudra bien prendre des initiatives. C'est important".

Outre une mission européenne propre - qui paraît exclue pour l'instant à entendre les ministres de la Défense -, des missions limitéees, ponctuelles, de soutien à la Monuc (logistique, renseignement ...) ou aux humanitaires ne sont pas exclues. On peut recenser plusieurs types d'actions :

1. Développer une action humanitaire renforcée
. Là tout le monde semble d'accord. Le ministre belge du développement, Charles Michel a assuré lors de son déplacement à Goma qu'il voulait convaincre ses partenaires européens de "faire plus" au profit de la RDC. NB : 250 000 civils sont déplacés dans le Nord-Kivu, en raison de la violence qui sévit depuis septembre, selon l'Office humanitaire de l'ONU.

2. Fournir des moyens logistiques aux organisations humanitaires
. Encore faut-il effectivement que les organisations humanitaires aient accès à la région. Un avion de transport militaire C-130 "Hercules" belge est déjà présent sur place, et a effectué plusieurs rotations entre Kinshasa et Goma pour acheminer de l'aide humanitaire (provenant de l'ONG belge Memisa à Kinshasa). Il en faudra certainement d'autres pour que la notion de "corridor humanitaire", décidée par le sommet international, vendredi, soit effective. Reste une question : comment mettre en place un corridor sans moyens de force ?

3. Fournir à la Monuc des moyens technologiques ou logistiques. Comme l'explique Xavier Zeebrook, spécialiste du Grip, la Monuc manque de moyens de collecte d’information en temps réel (images satellitaires, reconnaissance aérienne, drones, capacités d’écoutes), voire des capacités de renseignement et davantage de forces spéciales. (télécharger la note d'analyse du Grip "Restons calmes, la situation est désespérée. Quelques idées reçues sur le conflit en RDC").

4. Participer au mécanisme de vérification international. Le sommet de Nairobi avait aussi prôné la mise en place d'un système de surveillance des différents accords précédents (et des cessez-le-feu succesifs). Un bureau permanent qui vérifierait "les allégations, accusations et rumeurs" sera doté de moyens techniques modernes. L'Union européenne pourrait y participer. Une nouvelle mission d'observateurs d'un nouveau genre ?

5. Renforcer directement la Monuc (si nécessaire). Le secrétaire général de l'Onu, Ban Ki Moon, dans sa lettre aux membres du Conseil de sécurité, avait détaillé précisément les besoins : deux bataillons d'infanterie, deux compagnies de forces spéciales (soit environ 3000 hommes), 18 hélicoptères de transport et deux avions-cargo Hercules C-130 avec l'équipage. Mais aussi, selon le Porte-parole militaire de la MONUC, le lieutenant-colonel Jean-Paul Dietrich, davantage d’ingénieurs, d’experts en renseignements, des formateurs pour les FARDC et plus d’éléments de police. Si les Européens ne sont pas enthousiastes sur la première liste de besoins, la liste additionnelle pourrait rencontrer leur soutien.

NB : avec 16 000 hommes, la Monuc dispose du même effectif que la Kfor au Kosovo pour un territoire 250 fois plus grand, et sans doute autrement plus dangereux. Le Congo est un territoire de 2,5 millions km2, soit 4 fois la France.

(NGV)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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