EUNavfor Atalanta: un mandat d’arrêt européen versus international
(B2)Les Ministres de l’Union européenne vont approuver, le 10 novembre, l’Action commune qui cadre d’un point de vue politique et juridique l’opération militaire « Eunavfor », dénommée officiellement « Atalanta », que mènera l’Union européenne à partir de décembre au large de la Somalie contre la piraterie maritime.
Le point qui a demandé le plus de travail est l'arrestation et le transfert des pirates d'un bateau à l'autre. C'est-à-dire d'un Etat à l'autre. D'une certaine façon, c'est le prolongement du mandat d'arrêt européen au plan international qui est ainsi défini, avec une notion supplémentaire, autorisée par le droit de la mer, l'arrestation par une force européenne de "contrevenants" au droit international. Depuis plusieurs semaines, les groupes des conseillers "Relations extérieures" ont le point "Somalie" à leur ordre du jour et notamment ce fichu article 13. Devenu - dans le texte définitif qui sera adopté lundi - l’article 12 (en effet les 26 ont renoncé à nommer le Commandant de la force, celui-ci étant nommé plus tard par le Comité de Politique et de Sécurité, du coup un article a été supprimé).
Dispositif. Les personnes ayant commis ou suspectées d'avoir commis des actes de piraterie ou des vols à main armée appréhendées et retenues en vue de l'exercice de poursuites judiciaires dans les eaux territoriales de la Somalie ou en haute mer, ainsi que les biens ayant servi à accomplir ces actes, sont transférés :
« – aux autorités compétentes de l'État membre ou de l'État tiers participant à l'opération dont le navire, qui a réalisé la capture, bat le pavillon, ou
« – si cet État ne peut pas ou ne souhaite pas exercer sa juridiction, à un État membre ou à tout État tiers qui souhaite exercer celle-ci sur les personnes ou les biens susmentionnés. »
Commentaire. Cette formule assez souple permet de préserver l’efficacité de l’opération en transférant les prisonniers à un Etat qui a la capacité juridique de juger cette personne. Seuls trois ou quatre Etats ont une telle disposition dans leur droit interne (Pays-Bas, Suède, Finlande et France). D’autres étudient les conditions de traitement des pirates, comme le Royaume-Uni, où des projets législatifs sont à l’étude. (*)
La base juridique est « l'acceptation de la Somalie quant à l'exercice de leur juridiction par des États membres ou des États tiers, d'une part, et l'article 105 de la convention des Nations unies sur le droit de la mer, d'autre part». L'UE a d'ailleurs envoyé une lettre, le 30 octobre 2008, au gouvernement de transition somalien, «faisant une offre de collaboration conforme à la résolution 1816 (2008), qui contient des propositions quant à l'exercice de juridiction à l'encontre des personnes appréhendées dans les eaux territoriales de la Somalie».
Une condition reste de mise : « aucune des personnes ne peut être transférée à un État tiers, si les conditions de ce transfert n'ont pas été arrêtées avec cet État tiers d'une manière conforme au droit international applicable, notamment le droit international des droits de l'homme, pour garantir en particulier que nul ne soit soumis à la peine de mort, à la torture ou à tout autre traitement cruel, inhumain ou dégradant ».
Modalités de l'opération
Zones. Les forces déployées à cet effet opèrent jusqu'à 500 milles marins au large des côtes de la Somalie et des pays voisins (soit près de 1000 kms).
Durée. L’opération durera un an (à compter de la déclaration de capacité opérationnelle initiale de l'opération).
Commandement. Comme annoncé, le centre d’opération est «fixé à Northwood (Royaume-Uni)». Ce sera la première fois que ce centre sera activé au niveau européen. Et c’est le « vice-amiral Phillip Jones » (britannique) qui assurera le commandement de l’opération.
(NGV)
(*) Voir aussi le blog de Thomas Wiegold journaliste à l'hebdomadaire allemand Focus