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Bosnie: l’option 3 reste à l’étude mais la décision est repoussée


(B2)L'avenir de l'opération militaire en Bosnie est une question de plus en plus délicate pour les Européens. Il y a quelques semaines encore, cela paraissait évident. Le constat militaire était clair: les objectifs étaient atteints. Et il était temps de commencer à penser au retrait des troupes européennes. A ce constat "technique", s'ajoutaient des contraintes propres à nombre d'Etats membres : l'entretien d'une force en Bosnie commençait à peser lourd alors que d'autres terrains extérieurs (Afghanistan, Tchad, Liban, ...) requerraient une présence accrue des armées européennes. On en était là lors de la réunion informelle de Deauville, des ministres de la défense, les 1er et 2 octobre : le retrait semblait un fait acquis. Et la décision serait prise en novembre. Aujourd'hui, lors du conseil (formel) des Ministres de la défense, les esprits ont évolué et la prudence est à l'ordre du jour. La décision ne pourrait ainsi pas être prise avant le printemps.

La prudence est de mise. Maintenant, avec la multiplication de déclarations nationalistes, "il faut réfléchir et n’exclure aucune possibilité de dégradation de situation, dans une situation politique très mauvaise" explique un diplomate. Lors d'une visite en septembre, nombre d'ambassadeurs de l'UE avaient d'ailleurs été frappés par "les ressentiments exprimés, le sentiment de vengeance, le coté tourné vers le passé" qui animaient l'esprit de leurs interlocuteurs. "Une attitude très négative" qui a incontestablement préoccupé les Européens présents. Tout mouvement sur l’opération militaire Althea doit "tenir compte des circonstances politiques dans la région" explique-t-on dans les rangs diplomatiques. Il faut agir "avec grande prudence" car tout acte pourrait être interprété de façon négative.

Un avertissement à la Bosnie. Le signal envoyé à la Bosnie lors du Conseil des Ministres des Affaires étrangères du 10 est donc : "il faut se ressaisir". En attendant, Eufor Althea restera donc - au moins jusqu'au printemps. Le temps que des pressions s'exercent sur la Bosnie-Herzégovine afin qu'elle joue davantage le jeu européen (et aussi que la Serbie rentre dans un jeu européen plus actif, avec une reconnaissance à mi-mot d'Eulex et le statut de pays candidat). Le temps également que se termine la discussion sur l'avenir du bureau du Haut représentant de la communauté internationale en Bosnie (OHR) assurée par le représentant spécial de l'Union européenne, Miroslav Lajcak. Les Russes souhaitent la fermeture de ce bureau. Les Etats-Unis - jusqu'ici - étaient plutôt pour le conserver. Mais toutes les conditions fixées pour la fermeture ne semblent pas remplies selon les Européens - comme le corridor de Brcko (*)

Rendez-vous au printemps. Ensuite, cela va être très difficile de conserver 2500 hommes en Bosnie-Herzégovine, confie un diplomate. La pression sur d'autres théâtres d'opération risque
d'entraîner certains Etats à retirer leurs troupes. Un délitement en rase campagne de Althea serait pire qu'un retrait en bon ordre. L'option 3 - maintien d'une force limitée militaire, destinée à l'entraînement et au conseil de l'armée bosniaque reste donc à l'étude - associée à la mise en alerte renforcée d'un battlegroup (un peu plus dédié à la situation dans les Balkans). Lire aussi les contours de la reconfiguration de l'opération en Bosnie.

(*) Le comité directeur du Conseil de mise en oeuvre de l'accord de paix de Dayon (PIC SB) - mis en place par l'annexe X de l'accord de Dayton - a défini - lors de sa réunion à Bruxelles les 26 et 27 Février 2008 - une série d'objectifs et de conditions qui doivent être accomplis par les autorités de Bosnie-Herzégovine avant toute décision de fermeture du Bureau du Haut représentant et sa transition vers le représentant spécial de l'UE. Objectifs: 1) règlement acceptable et durable de la question de la répartition des biens entre l'État et d'autres niveaux de gouvernement ; 2) réglement acceptable et durable de la situation du corridor de Brcko ; 3) viabilité financière (conseil budgétaire national) ; 4) enracinement de la primauté du droit (adoption d'une stratégie nationale de lutte contre les crimes de guerre national, de la loi sur les étrangers et l'asile, stratégie de réforme de la justice). Deux conditions ont été ajoutées : signature d'un accord de stabilité et d'association avec l'UE, et évaluation positive de la situation en Bosnie-Herzégovine par le Conseil PIC fondée sur le plein respect de l'accord de paix de Dayton.

(NGV)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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