Rémunération des patrons : timide évolution des ministres des Finances
(B2) Les ministres de l'Économie et des Finances de l'Union européenne, réunis à Luxembourg, les 6 (Eurogroupe) et 7 octobre (Ecofin, à 27) ont prévu de discuter de la rémunération des patrons.
Le projet de conclusions (lire ici) est plutôt timide par rapport à l'amplitude du sujet. Mais c'est un premier pas. Sachant qu'il y a quelques mois encore, il n'était pas question de discuter de "parachutes dorés" (un gros mot...) au niveau communautaire.
Les Ministres reconnaissent ainsi qu'il s'agit d'un domaine "dans lequel des améliorations seraient souhaitables et qu'ils sont disposés à prendre des mesures appropriées si nécessaire". Ils demandent ainsi à la Commission de continuer à suivre le sujet, voire de mettre à jour la recommandation qu'elle avait publiée en 2004.
Cette "Recommandation" préconisait certaines mesures, comme : publier la politique de rémunération, y consacrer un point de l'ordre du jour de l'assemblée générale annuelle. L'objectif de cette "soft law" était surtout la transparence et de faire participer les actionnaires aux décisions.
Les Ministres indiquent trois voies pour les travaux futurs:
1. La performance devrait être prise en compte dûment et de manière intelligible dans les rémunérations des dirigeants d'entreprises, y compris les indemnités de départ ("parachutes dorés"), qui "devraient être liées de manière appropriée à la contribution du dirigeant à la réussite de la société".
2. Les critères de performances devraient fournir les incitations appropriées. "Les modèles de rémunérations devraient tenir compte de la rentabilité à long terme à l'échelle de l'entreprise tout entière, et les autorités nationales devraient s'efforcer d'atténuer les risques découlant d'une structure incitative axée sur les profits à court terme".
3. "Il y a lieu de s'efforcer de prévenir les conflits d'intérêts potentiels susceptibles de survenir lorsque des dirigeants réalisent des fusions et des acquisitions" alors qu'ils détiennent des actions ou des options sur actions de la société offerte. Un point très important de la moralisation du capitalisme financier, comme l'a recommandé Nicolas Sarkozy, le président français dans plusieurs de ses discours
Cependant cet engagement reste bien faible au regard des enjeux actuels du sujet. D'une part, les ministres restent davantage centrés sur une approche nationale coordonnée de façon très lâche au niveau communautaire. Il n'est ainsi toujours question que d'une recommandation ; pas d'un instrument législatif, contraignant. Ensuite, la participation des salariés à ces décisions reste faible, voire oubliée, on travaille davantage sur les actionnaires. Enfin, rien n'est mentionné sur le plafond de la rémunération ni sur les sanctions possibles.
(Nicolas Gros-Verheyde)