Les 27 veulent se choisir leurs immigrés
(B2) Crise financière oblige, une des priorités de la présidence française de l’UE, devrait passer quasi-inaperçue du sommet européen. Cependant les 27 chefs d’État et de gouvernement, réunis à Bruxelles, hier et aujourd’hui, vont entériner – sans coup férir - le« pacte européen pour l’immigration et l’asile ». Le document est certes moins ambitieux que ne l’espérait au départ la présidence. Il ressemble davantage à une succession de principes qu’à un réel plan de travail. Mais il constitue indéniablement un tournant dans la politique d’immigration et d’asile européenne. Un tournant qui peut être critiquable …
La fin de la porte ouverte
Jusqu’ici — dans les plans entérinés sous les présidences finlandaise en 1999 et néerlandaise en 2004, par exemple –, l’Europe recherchait un certain équilibre entre l’accueil ou l’intégration des demandeurs d’asile et immigrants et l’expulsion des illégaux. Ici le mot d’ordre est clair. « L’Union européenne n’a pas les moyens d’accueillir dignement tous les migrants. » La ligne politique est tracée. Il s’agit « d’organiser l’immigration (…) en tenant compte des priorités, des besoins et des capacités d’accueil déterminés par chaque État membre ».
Le règne de l'immigration choisie
L’immigration choisie devient la clé de voûte du système. Il s’agit de renforcer l’attractivité de l’Union pour les travailleurs hautement qualifiés, étudiants ou chercheurs ; d’avoir « une politique d’immigration professionnelle », qui tienne compte des « besoins du marché du travail de chaque État ». Autrement dit, dans un contexte de concurrence mondiale des cerveaux, l’Europe doit se positionner comme une offre meilleure.
Lutter contre l'immigration régulière
La lutte contre l’immigration irrégulière occupe beaucoup d’espace dans ce Pacte, qu’il s’agisse de sécuriser les frontières ou d’encourager les États à coopérer dans les expulsions.
Halte aux régularisations
Les régularisations sont encadrées : « au cas par cas et non être générales » et pour des motifs « humanitaires ou économiques ». Une mention qui vise, de façon implicite, les processus de régularisation qui ont eu lieu en Espagne ou en Belgique.
L'intégration harmonieuse
L’objectif d’intégration « harmonieuse » des immigrés reste flou. La fixation des droits (accès à l’éducation, au travail, aux services publics et sociaux), comme des devoirs (apprentissage de la langue…), des immigrés est renvoyée au bon soin de chaque Etat. Même le projet de contrat d'intégration – cher au président Sarkozy - imposant au migrant l'obligation d'apprendre la langue nationale, est ainsi passé à la trappe, devenant une simple faculté.
Un droit d'asile commun : plus tard
Au plan du droit de l'asile, on se donne surtout rendez-vous pour plus tard. Une procédure d’asile commune, unique doit être instaurée si possible en 2010, sinon avant 2012. Un bureau d’appui européen sera également institué afin de favoriser une approche identique des demandes d’asile et échanger des informations et expériences (on pense notamment ).
Un dispositif de gestion de crises
Enfin, un dispositif de gestion de crise, pour venir en aide à l’État qui doit faire face à un afflux massif de demandeurs d’asile – en cas de conflit proche – ou d’immigrés, est prévu. On pense notamment aux États méditerranéens, confrontées régulièrement à de tels afflux.
(Nicolas Gros-Verheyde)
Les autres sujets
• La discussion sur l’avenir du traité de Lisbonne a été renvoyée à décembre. Le Premier ministre irlandais devra alors présenter ses idées pour résoudre la crise.
• La discussion du paquet climatique s’avère plus difficile que prévu. Plusieurs pays de l’est européen, à l’initiative de la Pologne et de la République tchèque se sont réunis en début de sommet pour exprimer plus fortement leurs revendications. Ils souhaitent notamment ne pas être obligés de fermer leurs centrales à charbon, qui sont leur ressource autonome d’énergie.
• Gordon Brown, le Premier ministre britannique a fait une entrée en fanfare au sommet. Organisant dès le début du sommet une conférence de presse où la presse internationale était conviée, il a tenu à apparaître comme l’inspirateur du plan européen mis au point par l’eurogroupe, estimant qu’il fallait aller plus loin et rechercher une solution « globale », au niveau international, car « c’est au niveau international » que cela se règle.
(article paru dans Ouest-France dans une première version - complété)
Le Pacte sur l'immigration et l'asile