L’opération « récup » de l’Otan contre les pirates en Somalie
(BRUXELLES2, analyse) "Récup", le mot n'est effectivement pas trop fort. Cela fait effectivement plusieurs années que la piraterie sévit sur certaines côtes au large de la Somalie. Et, au moins plusieurs mois, qu'elle devient critique. 71 attaques depuis le début de l'année dont la moitié environ ont abouti à la capture du bateau (61 attaques au nord, 10 attaques au sud). Et, tout d'un coup, l'Otan s'est décidée à agir ! La décision n'était pas annoncée (à Budapest le 10 octobre) qu'aussitôt des bateaux étaient mis en mouvement et franchissaient le 15 octobre le Canal de Suez... Quelle rapidité ! Juste au moment où l'Union européenne voit la route dégagée pour la mise en place d'une opération militaire destinée à contrer la piraterie, les Britanniques ayant levé leur opposition (voir : Le format de l'opération EuNav anti-piraterie (Somalie) se précise).
Étonnante coïncidence !
Il y a quelques jours encore, selon des sources de l'UE, rien de tel n'était programmé. "Nous avons à plusieurs reprises demandé à l'Otan ce qu'elle comptait faire. Et on ne nous a jamais indiqué même l'intention de réfléchir à une opération... jusqu'à vendredi dernier" raconte ainsi un diplomate. Preuve : le Programme alimentaire mondial (PAM) a alerté à plusieurs reprises tous les interlocuteurs militaires responsables - européens et occidentaux notamment - sur son besoin d'assurer la sécurité de ses bateaux qui ravitaillent la Somalie et la Corne de l'Afrique. Si l'UE a intégré cette demande dans sa planification de l'opération militaire en préparation, jamais l'Otan n'a répondu présente (en tant qu'organisation). Ainsi quand le PAM s'est retrouvé à cours d'escorte - entre la mission des Danois et des Canadiens, en juillet, il n'y a eu personne... Même récup, quand les Néerlandais ont annoncé à mi-octobre qu'ils allaient envoyer un navire pour l'accompagnement du PAM. C'est devenu une décision de l'Otan qui acceptait que ce bateau se détache de son groupement permanent. Ce qui est assez fort !
Le Marquage "à la culotte"
Rafistolage médiatique
L'opération annoncé par l'Otan à Budapest tient plus du rafistolage médiatique que d'une réelle volonté d'intervenir. Le groupe permanent de réaction rapide de l'Otan, le SNMG2 (dépendant du QG de Naples) avait prévu de faire une visite des ports dans le cadre de l'initiative d'Istanbul, à Bahrain, au Koweit, Qatar et aux Emirats Arabes Unis. Comme si l'organisation militaire euro-atlantique - qui est restée l'arme au pied lorsque la Géorgie était attaquée par la Russie - se cherchait une raison de justifier son existence (lire autre analyse).
Otan et Ue en "concurrence" sur le conflit en Géorgie
Les ministres des Affaires étrangères de l'UE, en plein mois d'août, ne s'étaient-ils pas aussitôt réunis (le 13 août) que l'organisation euro-atlantique voulait également réunir "ses" ministres des affaires étrangères. Chose faite le 20 août (En gros les mêmes + les Etats-Unis et le Canada.). La déclaration était un peu plus va-t-en guerre, avec "la décision de suspendre les réunions du Conseil Otan-Russie" comme la participation russe à certains exercices. Mais rien de plus... La mission diplomatique russe continuait d'ailleurs de narguer l'organisation en continuant d'organiser des réunions de presse dans son bureau de délégation qui se situe dans l'enceinte de l'Otan à Bruxelles ! Et rien de concret ne vint. Mis à part des bateaux américains d'aide "humanitaire" qui ont plutôt désorganisé l'aide humanitaire ; des rotations de plusieurs organisations, comme le PAM, étaient déjà en cours d'organisation.
La méthode "globale" de l'UE
Dans cette escalade, la force de l'UE (et de la présidence française), a été sa méthode globale (diplomatique, civilo-militaire, humanitaire, économique). La "négociation", en direct à Moscou et Tbilissi, menée par Sarkozy et Kouchner, avec le finlandais Stubb, président de l'OSCE (lire son récit) et signature d'un plan de cessez-le-feu par les deux belligérants, sous l'égide de l'UE, le 12 août, annonce d'aide humanitaire supplémentaire par la Commission, sommet européen le 1er septembre, nouvelle réunion information des Affaires étrangères à Avignon le 4 septembre et nouvelle négociation à Moscou au plus haut niveau pour "préciser" les mesures de retrait des Russes le 8 septembre, feu vert européen au déploiement d'observateurs de l'UE le 15 septembre, et finalement retrait (à peu près réussi) des Russes le 10 octobre sur leurs positions d'avant guerre, etc ... Toutes ces initiatives marquent une certaine maturité européenne sur l'intervention de crise et ont fait la différence malgré quelques tentatives de "plaquage" (règle de rugby s'entend) afin de récupérer le ballon ...
La rancoeur éclate
L'Otan, de son coté, restait paralysée, l'arme au pied, à la fois par son absence de méthode globale, de bras civil et diplomatique, et par la campagne électorale aux Etats-Unis. Le 14 septembre, le secrétaire général de l'Otan, Jaap de Hoop Scheffer, d'ordinaire plutôt très poli, se laissait aller à confier ses critiques dans le Financial Times, A mi-mots, il met en cause le plan Sarkozy-Medvedev, estimant qu'il a trop laissé de latitude aux Russes et n'est "pas acceptable". Avant de démentir quelques heures plus tard (le journaliste avait mal compris!).
L'Otan veut montrer son efficacité
Alors que les ministres de la Défense de l'UE, sont en réunion informelle à Deauville, consacrée au renforcement des capacités, notamment aériennes - avec partage des futurs avions A400M et modernisation du parc d'hélicoptères existant à la clé -, l'Otan annonce, par communiqué de presse, le bouclage de son programme de "transport stratégique", C17. Un hasard certainement... Précisant que 12 pays vont y participer, dont deux ne sont pas membres de l'organisation mais membres de l'UE (Finlande et Suède).
Quelques questions qu'il faudra bien se poser...
Le problème existentiel de l'Otan
Il peut être rageant, en effet, pour une organisation militaire d'importance comme l'Otan de voir la "petite" organisation de sécurité et de défense (PESD) de l'Union européenne - qui ne compte à peine quelques centaines hommes dans ses rangs (Etat major et administration) - débouler sur son terrain et arriver à monter, en un an, trois opérations - Tchad, Géorgie, Somalie - où l'Otan ne peut intervenir, pour des raisons proprement politiques, tenant à son coté trop marqué Américain ; alors qu'elle même est enlisée dans une opération "Afghanistan" difficile.
Question de crédibilité, d'efficacité, d'emploi des fonds publics
Même s'il paraît normal, d'un strict point de vue d'organisation, certaines questions doivent se poser, ne serait-ce que par crédibilité de l'existence de ces deux organisations. Quand on parle de duplication de moyens ou de manque de coordination, ne faut-il pas alors les chercher plutôt du coté du Boulevard Léopold III (siège de l'Otan) que de la place Schuman (siège de l'Union européenne) ? En ces temps de restriction budgétaire, de crise financière, économique (et sociale), ne faut-il pas commencer à se poser la question de savoir ce que font les 12 000 agents de l'organisation ? A quoi servent-ils ? Comment l'argent utilisé est bien employé ? Autant de questions auxquelles il importera un jour de répondre.
(NGV)
NB : de façon parfois exagérée, certains journaux spécialistes de l'euroscepticisme (The Sun, Bild notamment) s'en prennent à l'Union européenne sur ces questions financières (jusqu'à l'euro près). Bizarement sur l'Otan, aucune question ou enquête de ce type n'a jamais été faite...
I fundamentally disagree with this article.
I kindly invite you all to watch my reaction on the NATO TV Channel (http://www.natochannel.tv/default.aspx?aid=2719&lid=343)
James Appathurai, NATO Spokesman