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Intérim-Temps de travail, le Parlement reprend la main !

(B2)En adoptant la directive "travail temporaire" sans voter d'amendements, à une très large majorité, la commission de l'Emploi du Parlement européen a passé un signal clair aux Etats membres. On ne peut "violer" la volonté démocratique.

En refusant de tenir compte des amendements majeurs du Parlement sur la directive temps de travail (considération du temps de garde comme temps de travail, limitation des dérogations au temps de travail), puis en liant deux dossiers qui n'avaient rien à voir l'un à l'autre (intérim et temps de travail), sinon de permettre à certains Etats d'accepter un dossier ou l'autre, les 27 Ministres du Travail de l'UE (lire la bataille de Trafalgar *) avait coincé le Parlement européen, sous une forme d'ultimatum : le texte "intérim" vous apporte satisfaction, acceptez aussi le texte sur le temps de travail, c'est un paquet global, indéfaisable.

Le jeu dangereux du Conseil, à double titre.

- Il contourne la représentation démocratique, viole ainsi l'équilibre voulu par le Traité  entre les deux branches du pouvoir législatif (Parlement = représentation des citoyens, Conseil de l'UE = représentation des Etats) et mine le contrôle juridictionnel (il faut rappeler en effet que le but essentiel de cette directive était de venir rétablir la position des Etats membres qui avait été jugée contraire au droit communautaire, à plusieurs reprises, par la Cour de justice).

- Les Etats membres sont en effet intervenus davantage dans ce dossier comme partie prenante (le temps de garde concerne essentiellement le secteur public, et l'Etat ou les pouvoirs publics comme employeur), que comme législateur. Leur objectif n'était pas d'améliorer la législation, ou la situation sociale des salariés ou agents publics, mais tout simplement d'assurer la pérénité de leur
budget annuel. En gros un objectif budgétaire (certes salutaire) mais bien loin de l'objectif premier de la directive : la santé et la sécurité des travailleurs. Il s'agissait ni plus ni moins d'un détournement de procédure (du moins comme pourrait le qualifier les juristes).

La représentation démocratique doit pouvoir exercer son rôle

Le Parlement européen (il faut encore attendre le vote en plénière, prévu à la prochaine session d'octobre, à Strasbourg) a désormais une carte majeure en main. S'il adopte sans amendements la directive sur le travail temporaire, il entérine son adoption définitive, sans autre lecture (le texte est adopté dès que les deux branches du pouvoir législatif en Europe, Parlement et Conseil, sont d'accord).

Et il retrouve ainsi des marges de manoeuvre pour "négocier" réellement sur la directive temps de travail. Le lien entre les deux textes n'a - en effet - qu'une valeur politique, et encore qui n'engage que les Etats membres du Conseil ("les promesses n'engagent que ceux qui y croient" pourrait-on paraphraser"). Et m'est avis que plusieurs Etats membres (et non des moindres...), mezzo vocce bien entendu, ne seraient somme toute pas mécontents de cette (re)prise de pouvoir par le Parlement.

Au-delà du texte en jeu, il s'agit donc d'un enjeu majeur pour le Parlement européen, qui devra prouver sa capacité à pouvoir négocier d'égal à égal avec les Etats. Un test démocratique également...

La bataille du temps de travail n'est donc pas terminée !

(NGV)

(*) Pour rester dans l'histoire, rappelez-vous que Nelson est mort d'une mitraille lors de cette fameuse bataille. N'y voyez aucun signe pour le pays concerné...

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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