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Europe de la défense, des progrès à pas comptés

(B2) La réunion informelle des Ministres de la Défense, à Deauville les 1er et 2 octobre, a été l’occasion pour les Etats membres de l’UE d’indiquer leur participation sur certains projets utiles pour l’Europe de la défense, afin de renforcer ses moyens (comme je l'avais écrit dans un article paru dans Europolitique fin septembre). Le ministre français de la Défense, Hervé Morin, qui présidait la réunion s’en est félicité. « Nous avons avancé, ce n'est pas négligeable du tout ». Malgré des résultats plus faibles qu’attendu, il a dénié tout reniement aux priorités françaises. "Tout ce que nous demandions est en route", a-t-il assuré. « Nous avons même pu développer de nouveaux programmes ».

Hervé Morin a dressé un premier inventaire des contributions déjà effectives ou annoncées (sur cette réunion informelle, lire aussi une courte analyse d'humeur).

Modernisation des hélicoptères

« L'intégralité des Etats membres a reconnu la nécessité de moderniser les flottes d'hélicoptères existantes » a expliqué le ministre français de la Défense. « La France a formé récemment des pilotes tchèques, l'Allemagne forme pour sa part des pilotes européens (suédois, espagnols et polonais notamment) ». Le "fonds fiduciaire" constitué au Shape (Otan) a recueilli les contributions britanniques (7,3 millions d'euros), française (5 millions), danoise (2 millions), luxembourgeoise (500.000 euros), et finlandaise (500 000 euros, montant qui sera doublé selon Helsinki). La Lituanie pourrait participer.

Flotte européenne de transport stratégique (EATF)

Plusieurs pays (Hongrie, Bulgarie, Italie, Allemagne, Suède, Roumanie, Espagne et Portugal)« se sont prononcés en faveur de ce projet » basé sur le futur A400M, soit au travers de la cession d'heures de vol, soit par la création d'une unité multinationale.

Coopération navale européenne

Ce projet rencontre un "large soutien" autour des quatre Etats membres de l'UE détenteurs d'un porte-avions ou d'un porte-aéronefs (France, Grande-Bretagne, Italie et Espagne). D'autres Etats qui disposent de bâtiments complémentaires (frégates, sous-marins, bateaux ou avions ravitailleurs) pourraient y participer. C’est le cas de l’Allemagne qui a « annoncé en séance qu’elle contribuerait ». Il ne s’agit pas tout de suite de passer à la phase opérationnelle où une force européenne serait constituée en permanence. Mais plutôt d’avoir des « exercices, des formations en commun, puis d’améliorer l’opérationnalité et enfin la coordination des moyens. (…) Avoir des moyens d’autres pays qui accompagnent le porte-aéronef serait un symbole fort en matière européenne » a fait remarqué Hervé Morin. Le Royaume-Uni est plus sceptique.

Déminage maritime

L’Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas, la Finlande et l’Italie soutiennent ce projet qui vise à déminer les mers qui recèlent dans leurs fonds de nombreuses bombes non explosées, de la dernière guerre mondiale notamment. La mer Baltique et la mer du Nord sont particulièrement touchées.

Observation spatiale

« En cas de crise, le renseignement spatial est essentiel pour pouvoir réagir rapidement à la réalité de la situation. Les récentes opérations militaires ont prouvé que nos capacités de renseignement, en particulier spatiales, sont insuffisantes » a souligné Hervé Morin. Deux initiatives ont donc été confirmées. L'une vise à accroître les sources d'information militaires du centre satellitaire de l’UE de Torrejon (Espagne) avec la cession d'images provenant des systèmes Helios (français), SAR Lupe (allemand) et Cosmo-Skymed (italien). L'autre tend à développer la capacité spatiale des Etats membres, autour du projet Musis, de nouvelle génération, MUSIS. Un projet qui implique déjà la France, l’Allemagne, l’Italie, la Belgique, la Grèce et l’Espagne. La Pologne a annoncé vouloir y participer. L’étude du « segment sol » du projet serait assuré par l’Agence européenne de Défense (AED). Une lettre d’intention doit le confirmer « avant la fin de la présidence »

Rapprochement OCCAR - EDA

Afin d’éviter les duplications, un accord de coopération devrait être conclu le 10 novembre prochain entre l'Agence européenne de Défense (AED/EDA) et l'Organisation conjointe de coopération en matière d'armement (OCCAR).

Technologie et recherche

Outre les directives  en cours de discussion au niveau communautaire (marchés publics de défense et transfert d’armement à l’intérieur de l’UE), d’autres pistes sont étudiées pour renforcer cette base industrielle et technologique de défense (BITD) : un système européen de sécurité d’information, le contrôle européen des investissements étrangers, un recours accru à des normes communes. « La constitution de groupes de défense européens est essentielle pour permettre l’indépendance de l’Union européenne et faire en sorte que cette dernière puisse assumer sa propre sécurité » a expliqué Hervé Morin. Et a-t-il ajouté, « certains Etats européens doivent accepter de produire certaines parties d’armement, et pas d’autres. Il faut que chacun accepte de ne plus produire certaines capacités, de perdre certaines compétences. (...) On ne peut pas garder tous nos bureaux d’études, c’est un vieux réflexe français ». Un message destiné avant tout en interne mais qui peut s’adresser également aux autres grands pays : Royaume-Uni, Allemagne, Italie notamment.

(Nicolas Gros-Verheyde)

article paru dans Europolitique

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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