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L’Europe doit maintenant s’engager en Géorgie, dit le PE

(B2) Ambiance assez extraordinaire à la réunion, improvisée, des commissions "Affaires étrangères", "Défense" et la délégation "Ue-Caucase" du Parlement européen, ce 20 août. La "petite" salle au bout du couloir du 3e étage était pleine de députés (pas toujours aussi assidus quand il s'agit de séances ordinaires), et dont beaucoup étaient venus spécialement pour l'occasion. Tenue en présence de la ministre des Affaires étrangères de Géorgie, la séance a surtout été l'occasion, pour chacun, de faire part de ses sentiments, qu'on peut classer en trois catégories :

- assurer la solidarité des Européens aux Géorgiens face à l'agression russe qui rappelait à chacun de mauvais souvenirs, s'alarmer de la situation en Géorgie. "Vous avez tout notre soutien madame" a déclaré Christopher Beazley (PPE conservateur, Royaume-Uni) "Cette crise doit nous faire ouvrir les yeux, nos collègues occidentaux ont été trop naïfs avec la Russie" - Zbigniew Zaleski (PO-PPE libéral, Pologne). Nous "retrouvons une attitude impérialiste de la Russie" - Jozef Pinior (PSE socialiste, ancien dirigeant de Solidarnosc, Pologne). "il y a une guerre des nerfs qui est lancée, la population géorgienne est à bout. Il y a une terreur semée sur le territoire" par les Russes - Marie-Anne Isler Beguin (Verts, France et présidente de la délégation "Caucase" du PE qui a été sur place, voir son interview). "Il faut comprendre que la Russie ne partage pas nos valeurs", a renchéri une autre députée. "Il faut agir vite et (...) éviter que la Géorgie soit occupée, comme la Tchécoslovaquie en 1968, durant 22 ans" - Jana Hybásková (PPE-DE, République tchèque). "Ce n'est pas le moment de rechercher toutes les causes du conflit. La réaction a été disproportionnée. A la partie russe, il faut dire que nous ne voulons pas relancer la guerre froide. Mais quand un accord est signé, il doit être respecté" - Ria Oomen-Ruijten (PPE-DE, Pays-Bas).

- souligner le rôle joué par la Géorgie dans le déclenchement de la crise. "Saakachvili a vraiment été stupide de tomber dans le piège que lui tendait " a dit Andrew Duff (ALDE libéral, Royaume-Uni)."Le gouvernement géorgien a aussi une responsabilité. Il faut que l'Europe arrête de payer les pots cassés des néoconservateurs" (américains), a ajouté Ana Maria Gomes (PSE socialiste, Portugal).  "Je voudrais savoir quel est le rôle des conseillers américains dans ce conflit. Que diable votre président s’est-il dit quand il a donné cet ordre d’attaque" s'est interrogé Tobias Pflüger (PDS-GUE communiste, Allemagne), se tournant vers la Ministre géorgienne.

- s'interroger sur l'action de l'Europe. "il y a un conflit entre le droit au respect à l'intégrité territoriale et le droit à l’autodétermination. Il faut veiller à ce que ne soient pas les armes qui gagnent mais la négociation" a expliqué Francesco Enrico Speroni (Ligue du Nord/UEN, Italie). "Je suis surprise que Solana ne se soit pas rendu sur place. Et je me demande: à quoi nous sert-il alors. Avons-nous besoin de lui" s'est exclamée Katrin Saks (PSE, Estonie). "Nous devons louer l'intervention du Président Sarkozy davantage pour sa rapidité que... pour sa qualité" a ironisé Adam Bielan (Pis-UEN, Pologne) critiquant "l'absence de toute référence à l'intégrité territoriale dans l'accord de cessez-le-feu".

Tous les députés ont cependant, peu ou prou, réclamé une intervention plus vigoureuse de l'Union européenne dans la région, à l'image du président de la commission des affaires étrangères du PE, le conservateur polonais Saryusz-Wolski, réclamant l'envoi d'une mission de forces de paix PESD (une résolution du Parlement est en préparation), et de la Verte française Isler-Beguin, soulignant la nécessité d'avoir aussi sur place une "présence d'observateurs civils ou parlementaires".

La présence de la Ministre géorgienne des Affaires étrangères, Eka Tkeshelashvili , applaudie généreusement aurait pu être très intéressante si elle avait vraiment répondu aux questions de députés, notamment sur le rôle joué par les Américains. Elle a préfé se concentrer sur la situation humanitaire "catastrophique" et l'occupation de son pays par les Russes, qui continue. "Il n'y a pas de signe de retrait des forces russes, au contraire, la présence militaire devient une réalité, elle est même renforcée". Elle a appelé à une "refonte totale du format du maintien de la paix" et une action déterminante de l'UE - "soyons francs, les 20 observateurs de l’Osce ne vont pas modifier la donne ; la Russie qui a droit de veto (dans cette organisation) a restreint le travail de ces personnes" . "L'intervention d'une organisation dans laquelle la Russie n’est pas partie prenante est importante. Nous avons besoin d’aide. Espérons que vous pourrez jouer ce rôle" a-t-elle conclu.

En catimini, le secrétaire d'Etat aux Affaires européennes, Jean-Pierre Jouyet, avait fait, entre deux séances, un point de presse, devant les ascenseurs. Ce qu'il a dit n'en est pas moins important quand on tendait l'oreille (car le bougre ne parlait pas très fort) : "Ce qui est important est le cessez-le-feu, le respect des accords, la présence européenne renforcée dans la région, le renforcement des observateurs OSCE dans la région, l'aide humanitaire". Et d'ajouter, "nous souhaitons que le secrétaire général et les effectifs du Haut représentant soient renforcés". Ce qui confirme au passage les projets en cours dans les couloirs diplomatiques dont nous avons eu écho. "L'UE est un acteur et doit rester un acteur" a-t-il conclu.

(NGV)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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