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Leçons du conflit géorgien pour l’UE: un dérapage prévisible?


(B2) Dérapage "Prévisible" ?
Oui c'est le sentiment de Marie-Anne Isler Beguin, l'eurodéputée spécialiste du Caucase et présidente de la délégation du Parlement européen sur le Caucase (lire son interview alors qu'elle était encore à Tbilissi). Dérapage "Connu", au moins en Russie.

Début août, la situation dérape sur le terrain
Nous sommes le 4 août, plusieurs quotidiens russes font déjà mention, d'affrontements d'une "envergure inédite depuis quatre ans" (1). Lisez : " Les autorités sud-ossètes ont annoncé le début de l'évacuation des civils, en premier lieu des enfants, dans les zones calmes de l'Ossétie du Sud et dans la province russe d'Ossétie du Nord. Un ordre de mobilisation des réservistes a été proclamé pour la deuxième fois en un mois dans la république non reconnue, qui attend également l'aide de volontaires "de tout le Caucase du Nord". "La nuit de vendredi à samedi a été terrible", a déclaré une habitante de la capitale sud-ossète au quotidien Novye izvestia. Seuls des contacts secrets entre diplomates russes et géorgiens permettent d'éviter des opérations militaires de grande envergure en Ossétie du Sud. "Des contacts ont eu lieu hier soir entre diplomates russes et géorgiens, grâce auxquels la nuit dernière a été calme", a déclaré dimanche matin une source compétente à Nezavissimaïa gazeta . L'initiative des contacts appartient aux Géorgiens qui ont demandé de persuader Tskhinvali de faire preuve d'un maximum de modération". Faut-il un autre commentaire...  ?

Où était la diplomatie européenne à ce moment ?
On peut se le demander ? A quoi sert d'avoir des principes de planification stratégique, de prévision des crises si c'est pour ne pas s'en servir. En fait, il semble bien que l'Union européenne était avertie - par son centre de situation (de renseignement), le Sitcen. Fin juillet, les ambassadeurs "stratégie" du Comité de politique et de sécurité (COPS) de l'Union européenne avaient même envisagé le renforcement des moyens du Représentant spécial de l'UE sur place, comme ceux de la délégation de la Commission européenne, ainsi que du Sitcen (le centre de renseignements de l'UE) sur la région. Mais "envisagé" seulement... Et encore, était-ce bien limité comme action. Rien de très conséquent. La résolution de la crise en Géorgie et en Ossétie du sud semblait ne pas concerner les Européens, préoccupés ailleurs.

Le principe de la résolution de crise en Ossétie du Sud a échappé à l'Europe.
Le format des troupes de maintien de la paix (Russie-Géorgie) était cependant une réelle provocation à la guerre. C'était aussi un bel oubli des règles internationales qui veulent que, justement, l'on fasse appel, pour le maintien de la paix, à des pays moins impliqués, à défaut d'être totalement neutres. (A noter : en Abkhazie la situation était légèrement différente puisqu'une mission de quelques 130 observateurs militaires de l'ONU, la Monug, était présente). Le format des négociations (Russie, la Géorgie et les deux Osséties, nord et sud) ressemblait aussi à une impasse puisqu'il aboutissait, en gros, à un match trois contre un. Inutile d'espérer négocier quoi que ce soit en fait dans un format où sont absents des intermédiaires neutres.

Les Russes étaient, eux, très satisfaits de cette situation. SI on se refère aux journaux russes. Moscou et Tskhinvali (Ossétie du sud) ont bien proposé, début août, à la Géorgie d'entrer en négociations mais uniquement dans le cadre de la Commission mixte de contrôle (CMC). En fait, comme le soulignent nos confrères russes. "Le format actuel arrange Moscou, car c'est un instrument de pression sur Tbilissi qui aspire à adhérer à l'OTAN, ce qui irrite le Kremlin. Quant au régime d'Edouard Kokoïty, auquel même Moscou peut avancer des reproches concernant l'utilisation de l'argent alloué au développement de la république non reconnue, en cas de progression des négociations, il risque de rester sans moyens de subsistance."

La Géorgie a insisté à plusieurs reprises pour inclure à ces négociations et à ces forces de maintien de la paix des partenaires extérieurs, tels l'Union européenne ou l'Osce, la Russie a toujours refusé. Et l'Union européenne a fait la sourde oreille à cette demande. Les 27 se sont ainsi bien gardé de reprendre cette idée, peu enthousiastes d'aller mettre leur nez dans le "bourbier caucase" (le Royaume-Uni étant alors sur la même ligne que l'Allemagne...). Seuls quelques groupes politiques, au Parlement européen, ont relayé cette demande (voir en mai notamment).

(NGV)

(1) Vremia Novosteï, Nezavissimaïa gazeta et Novye izvestia cités par l'agence
Novosti

Crédit photo : www.Maib.info

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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